1 UE Histoire de la Philosophie. Ecue : Auteur 4. Averroès. 2019/2020. Covid Co
1 UE Histoire de la Philosophie. Ecue : Auteur 4. Averroès. 2019/2020. Covid Cours CM Prof. Boa Thiémélé L. Ramsès ______________________ AVERROES (1126 Cordoue- 1198 Marrakech) LA PHILOSOPHIE COMME SUPRÊME SAVOIR HUMAIN INTRODUCTION La civilisation et la culture arabo-musulmane ont influencé la philosophie occidentale dite classique. Les Arabo-musulmans ont joué un rôle déterminant dans la formation de l’identité culturelle européenne.1 Les textes d’Averroès posent des problèmes qui ont irrigué la réflexion philosophique occidentale. Ces problèmes sont constants bien que les solutions varient selon les doctrines. Il en est ainsi du rapport philosophie religion ou de la foi et de la raison Pour Averroès, la foi et la raison sont deux méthodes d’accès à une seule vérité. En quoi, la philosophie et la foi ne s’excluent pas l’une l’autre et aident à rechercher une seule vérité ? La Révélation, qui est la Vérité, présente le savoir philosophique comme l’une des voies d’accès à la Vérité. Cette année, compte tenu de la nature de l’année universitaire, nous allons voir comment pour Averroès la raison et la foi se complètent. L’usage de la raison est un devoir ; il est obligatoire. La philosophie fait partie de l’identité musulmane. 1/ LA COMPLEMENTARITE DE LA PHILOSOPHIE ET DE LA RELIGION Les Latins l’ont surnommé le Commentateur en référence à ses commentaires des textes d’Aristote. La vénération d’Averroès pour cet auteur est légendaire ou même« proverbiale », selon l’expression d’A. de Libera2. Il a laissé trois sortes de lectures d’Aristote : 1 A. de Libera, Penser au Moyen Âge, Paris, Seuil, 1991, p. 104. 2 Alain de Libera, La philosophie médiévale, Puf, 1993, Coll. Quadrige manuels, 1993, p. 163. 2 UE Histoire de la Philosophie. Ecue : Auteur 4. Averroès. 2019/2020. Covid Cours CM Prof. Boa Thiémélé L. Ramsès ______________________ - Les Grands commentaires : il y fixe les règles du commentaire littéral, rend explicite la distinction entre ce qui est propre à Aristote et ce qui revient spécialement à son commentateur. Il retient de l’essence de la pensée aristotélicienne les principes fondamentaux : « le concept de sagesse et les degrés du savoir ; le rôle instrumental de la logique ; les caractéristiques du savoir ; la portée universelle de l’intellect humain ; la conception de la substance comme racine des choses ; l’idée que l’intellect mène l’homme dans sa vie éthique et que celle-ci lui offre la suprême félicité. Il fait des textes aristotéliciens l’axe même de sa spéculation, comparant ce qu’il juge la pensée véritable d’Aristote aux interprétations qu’en donnent Théophraste, Alexandre d’Aphrodise, Porphyre, Proclus, Thémistius, Jean Philopon, al-Kindi, al-Farabï, Avempace et Avicenne. 3» - Les Commentaires moyens ou encore appelés Les Paraphrases. - Les Abrégés ou Synopsis (les versions latines l’appellent Epitome) Dans ces textes, véritables petites sommes de philosophie péripatéticiennes, l’auteur parle en son nom propre ; il critique ses prédécesseurs comme Themistius, Avicenne ou Ibn Bâjja. Etienne Gilson estime que le plus grand nom de la philosophie arabe, avec Avicenne, est Averroès ou Ibn Rochd ( son nom musulman est Abu’ I-Walid Muhammad ibn Rouchd de Cordoue)4. Les philosophes ne sont ni meilleurs ni pires que la masse. Ils doivent respecter leur propre nature et répondre à un appel qui est dans le Coran et qui les encourage de manière univoque à l’examen rationnel de tous étants. Dieu, ayant voulu s’adresser à l’ensemble de l’Humanité s’est ainsi adressé à eux. Il appartient aux philosophes de s’engager dans l’effort personnel d’interprétation des versets dont certains sont obscurs, avec un sens littéral et un sens caché. Cet effort personnel est la condition d’un progrès intérieur, spirituel et scientifique. En approfondissant le sens de l’écrit, le philosophe fait progresser la raison ; et tout progrès de la raison se reflète dans un enrichissement du sens de l’écriture. Comme le dit Alain 3 Miguel Cruz Hernandez, « XVII. Apogée et fin de la Falsafa : Averroès (1126-1198) » in Histoire de la pensée en terre d’Islam, traduit de l’espagnol et mis à jour par Roland Béhar, Paris, Editions Desjonquières, 2005, p. 567.[559-635] 4 Etienne Gilson, La philosophie au moyen âge. Des origines patristiques à la fin du XIVe siècle, Paris, Payot, 1952, p. 358. 3 UE Histoire de la Philosophie. Ecue : Auteur 4. Averroès. 2019/2020. Covid Cours CM Prof. Boa Thiémélé L. Ramsès ______________________ de Libera commentant ce double mouvement : « Le philosophe est au fond engagé dans un double mouvement : un travail philosophique tout court et une multiplication du sens de l’écriture qui fait que celle-ci apparaît pour ce qu’elle est : d’une richesse infinie. Donc le philosophe n’est pas l’ennemi du sens. La métaphore pour lui n’est pas stérile ou vaine 5» La révélation coranique ne se fait pas contre la philosophie. Les pouvoirs théologiques et religieux n’ont rien à craindre de la philosophie. Il rassure les théologiens sur la finalité de la philosophie. Le Coran doit être interprété en cas de contradiction avec la philosophie. En somme, la philosophie peut se pratiquer, en toute licité et en toute légalité en islam, parce qu’elle ne contrevient pas à la foi coranique. Pour lui, il n’y a pas de contradiction fondamentale entre la vérité coranique, celle de la révélation, et la vérité philosophique, celle de la raison. Bien au contraire, le Coran fait obligation aux sages de développer la science en s’appuyant sur le syllogisme démonstratif, développé au plus haut point par Aristote. Le texte coranique formule une invitation à philosopher. Il est licite de penser et de croire. La religion est toujours méfiante à l’égard de la philosophie ; de même la philosophie est très critique vis-à-vis de la religion, jugée par elle de superstitieuse, irrationnelle. On est donc étonné de voir Averroès postuler leur complémentarité. En fait, la foi et la raison peuvent être considérées comme deux facultés complémentaires du vrai. Le vrai peut être approché à la fois par la foi du croyant que par la raison du philosophe. La raison ne peut être la servante de la Révélation, ni la Révélation être subordonnée à la raison. La raison et la foi disent chacune, en fonction de son domaine, la vérité. Pour avoir une connaissance rationnelle de Dieu, il faut le considérer comme un grand architecte responsable de l’ordre qui règne dans l’univers, de l’harmonie qui y règne. On pourrait connaître Dieu, indirectement par une capacité d’attention et d’étonnement. Ce serait une erreur de voir en ces pensées une immodestie de la raison ou de la foi. L’homme doit être attentif à ce qui se passe en lui. Quelque chose pense 5 Alain de Libera, « Extraordinaire et douloureuse modernité d’Averroès » Entretien avec Alain de Libéra in Confluences Méditerranée- N° 28 Hiver 1998-1999, p.19. 4 UE Histoire de la Philosophie. Ecue : Auteur 4. Averroès. 2019/2020. Covid Cours CM Prof. Boa Thiémélé L. Ramsès ______________________ en lui qui fait qu’il n’est pas forcément maître de ses pensées, auteur ou décideur de ses pensées. Mais ces pensées qui s’élaborent en nous ont besoin de notre assentiment, de notre accord, en quelque sorte. Chez l’être humain, il y a quelque chose de transcendant qui pense en moi, mais qui ne cesse pas d’être moi. Cette partie transcendante est bien une partie de moi. Cet intellect est pour toute l’espèce humaine et survit aux individus. La pensée ne se fait pas en moi, passivement, mais par participation de ma propre action intellective à l’action supérieure, transcendante d’une intelligence surplombante. Je suis sujet de quelque chose de grand, mais pas comme un automate passif. Témoin d’une époque qui voit la prolifération d’un nombre de sectes philosophiques et théologique en luttes les unes contre les autres, Averroès va y percevoir un grand danger. Ces sectes, donnent, selon lui, le spectacle d’une victoire de l’irrationalité où sont absentes l’intelligence et le questionnement critique. Il lutte contre les théologiens, les Mu’tazilites (ou figure du sophiste dans l’islam). Fustigeant l’attitude des Ash’arites, un groupe de théologiens, il les accuse d’avoir substitué des interprétations imaginaires à l’examen rationnel : « Leurs penseurs spéculatifs sont devenus des oppresseurs pour les Musulmans, en ce sens qu’une fraction des Ash’arites a déclaré que quiconque ne reconnaitrait pas l’existence du Créateur – louangé soit-il- d’après les méthodes qu’eux-mêmes ont instituées dans leurs livres pour Le connaître était infidèle alors que les infidèles, les égarés, ce sont eux en vérité ! 6» La philosophie et la théologie étant menacées, il fallait les sauvegarder afin de préserver les droits et la liberté de la spéculation philosophique. Les théologiens également s’en inquiétaient car la discussion des textes du Coran se répandaient dans tous les milieux. Averroès est le plus moderne des philosophes arabes de ce que, en Occident, on appelle le Moyen-âge. Si en Occident cette période constitue une décadence économique ou intellectuelle, pour l’Orient, elle est au contraire un siècle de Lumière. Ce siècle atteint son sommet au XIe siècle. Averroès est donc un enfant de cette époque de grandeur intellectuelle et scientifique de la civilisation arabo-musulmane. Il en incarne la raison au 6 Averroès, Discours décisif, traduction inédite de Marc uploads/Philosophie/ averroes-prof-boa19-20-covid.pdf
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- Publié le Nov 04, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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