Philosophia Scientiæ 11-2 (2007) Varia ........................................
Philosophia Scientiæ 11-2 (2007) Varia ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Bernard Andrieu L ’externalité du corps cérébré : Epistémologie de la constitution interactive du corps et du monde ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Bernard Andrieu, « L’externalité du corps cérébré : Epistémologie de la constitution interactive du corps et du monde », Philosophia Scientiæ [En ligne], 11-2 | 2007, mis en ligne le 27 juin 2011, consulté le 12 octobre 2012. URL : http://philosophiascientiae.revues.org/342 ; DOI : 10.4000/philosophiascientiae.342 Éditeur : Université Nancy 2 http://philosophiascientiae.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://philosophiascientiae.revues.org/342 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. T ous droits réservés L’externalité du corps cérébré : Epistémologie de la constitution interactive du corps et du monde Bernard Andrieu Université Henri Poincaré « Tant que l’on se représente l’âme comme une chose, un corps, qui est dans notre tête, cette hypothèse ne présente aucun danger. . . Tant que je dis que la pensée est dans ma tête, tout va bien. Les choses deviennent dangereuses lorsque je dis que la pensée n’est pas dans ma tête, mais dans mon esprit » Ludwig Wittgenstein Philosophica I, Mauvezin, T.E.R., 1997, 42. « Notre cerveau est plastique et nous ne le savons pas » Catherine Malabou Que faire de notre cerveau ?, 2004, 14. A la mémoire de François Zourabichvili mort en avril 2006 Résumé : La matière pensante du corps n’est donc pas une intentionnalité mentale du corps à l’instar de l’intentionnalité cognitive. La pensée n’est plus à définir à partir d’une réflexion consciente par un dédoublement du sujet et de l’objet. Car la matière corporelle produit des processus réflexifs d’intensités différentes selon les types d’externalité du corps. Par externalité il faut décrire les éléments non mentaux et non internes au corps qui proviennent du monde extérieur. Le corps est soumis à son extérieur comme organisme tant pour la réalisation de ses fonctions que pour la régulation des informations. Abstract: A new epistemologic context offers the possibility to describe the interaction between body, brain and the world. The incorporation and the ex- ternalisation of information form different levels of reflexivity. The philosophy of body proposes the interactive constitution of self. Philosophia Scientiæ, 11 (2), 2007, 163–186. 164 Bernard Andrieu Une épistémologie de l’interaction Le temps est venu de fonder en France, alors qu’elle existe depuis longtemps dans d’autres pays1, la philosophie matérialiste du corps pen- sant en la distinguant des positions dominantes cognitivistes de la philo- sophie de l’esprit, de la philosophie analytique et de la phénoménologie transcendantale. Ces positions maintiennent un rapport dualiste entre le corps et le monde : l’esprit serait composé d’instruments cognitifs qui traiteraient des informations mondaines mais en les séparant de leurs in- teractions avec le corps. Pourtant si le cognitivisme a pu décrire l’esprit sans le cerveau, le connexionnisme a pu quant à lui expliquer l’esprit par le cerveau. Le corps dans sa relation avec le monde [Todes 2001] n’a pas pu être pris en compte que dans un sens réductionniste par les neuros- ciences de l’homme neuronal. La physiologie mentale, la neurobiologie du développement et les sciences de l’émotion et du mouvement ont réintro- duit un corps interactif dans les neurosciences à travers les travaux de A. Berthoz, A. Damasio, M. Jeannerod, J. Ledoux, V.S. Ramachandran. S’il faut aller contre l’esprit [Clement 1999,1–24]2, c’est pour le dé- crire désormais à l’intérieur d’un corps interactif et à partir de ses pro- ductions bio-mentales et neuro-cognitives. Cette description n’est pas nouvelle pour la philosophie matérialiste : Condillac l’avait radicalisée en faisant du toucher le prototype de la sensation et en prétendant consti- tuer la cognition sur son sensualisme strict et progressif. Mais la neu- robiologie du développement, l’embryogenèse et la neurocognition ont renouvelé ce sensualisme en décrivant scientifiquement les modes maté- riels de constitution d’un corps neurocognitif avec le monde. Le corps est désormais décrit comme si sa mentalité était fondée par l’interaction avec le monde [Montero 1999]. Cette interaction accompagne la forma- tion et les relations du corps en utilisant la perfectibilité indéfinie de la matière [Bourdin 2004] [Pinkas 1995, 59–110] qui est décrite par les travaux empiriques des sciences cognitives et de la biologie. La phénoménologie avait pu réintroduire le corps vécu, mais sans 1Stuart F. Spicker, ed., 1970, The Philosophy of Body Rejections of Cartesian Dualism, Chicago, Quadrangle Book (Les auteurs présentés sont Dewey, R.M. Grif- fith, H. Jonas, D. C. Long, La Mettrie, Kant, G. Marcel, M. Merleau-Ponty, H. Plügge, J.P. Sartre, M. Scheler, Spinoza, E.W. Strauss, B.A.O. William, Johnson M., 1987, The Body in the Mind : the Bodily Basis of Meaning, Imagination and Reason, Un. Chicago Press. D. Velton, 1999, Foundation of a Theory of the Body in The Body. Classic and Contemporary Readings, Blackwell Publishers Inc., p. 1–9. Todes S., 2001, Body and World, MIT Press. Mike Proudfoot, 2003, The philosophy of Body, Blakwell. Publishers Inc.). 2L’article démontre combien pour la philosophie de l’esprit la principale question est de savoir comment le cerveau produit l’esprit. L’externalité du corps cérébré. . . 165 le corps vivant, en décrivant la présence du monde dans la perception et la projection intentionnelle du mental dans l’environnement corporel. Le corps dans la phénoménologie de Husserl, analysé à la fois comme res extensa, res materialis, res temporalis, s’éloigne du matérialisme en privilégiant un idéalisme transcendantal [Dood 1997, 61–81]. La phéno- ménologie du corps dans son rapport à la biomédecine pose pourtant le problème du sujet et de l’objet [Themas 1991, 43-58]. Car à la différence de la phénoménologie transcendantale de M. Henry qui isole le corps vécu de toute référence biologique, le second Merleau-Ponty a su penser l’interaction du corps avec le monde par l’empiètement, le chiasme, l’en- trelacs [Saint Aubert 2004, 147–205]. Le chiasme a pu apparaître chez M. Merleau-Ponty comme un monisme matérialisme par l’interaction de la chair et du monde [Evans & Lawlor 2000]. Il conviendrait d’accom- plir, selon Natalie Depraz un tournant pratique de la phénoménologie en tressant un lien entre phénoménologie, cognition et sciences : “Dans le contexte contemporain des sciences cognitives, il apparaît en effet de plus en plus clairement qu’une méthode disciplinée des données en pre- mière personne inspirée de la phénoménologie est requise dans le cadre même de l’étude en troisième personne de la dynamique neuronale du sujet” [Depraz 2004, 53]. Mais la chair reste un concept de la phénoménologie d’un corps sub- jectif, car J.Patocka estime que l’incarnation est une clef fondamentale pour comprendre le lien entre corps et phénoménologie, dans la mesure où le corps est la structure personnelle de l’expérience du monde : “notre corps est un concept situationnel” [Patocka 1998, 27]. Le schéma corporel est pourtant une notion pré-noétique dont la régulation des postures et des mouvements exige une description des processus automatiques dans un contexte médical plutôt que strictement phénoménologique [Galla- gher 2001, 149]. Le lien entre médecine et phénoménologie renouvelle ainsi la signification proprement phénoménologique de la chair : contre la désincarnation du corps par la médecine interne, Katherine Young dé- fend la thèse que notre propre matérialité est celle de la corporalité du soi rendant notre propre chair comme un mode de subjectivation [Young 1997, 136]. Si Roy Porter et Simon Seha ont pu démontrer combien la chair devait être comprise selon la fondation moderne des relations entre le corps et l’âme, c’est cependant au prix du maintien d’un vocabulaire dualiste qui tend à disparaître dans notre perspective matérialiste [Por- ter, Seha 2004]. Car l’incarnation ne doit pas être comprise au sens de l’incarnation de l’esprit dans le corps, ce qui maintiendrait, même dans le modèle holiste, une transcendance au cœur de l’immanence. La proprio- 166 Bernard Andrieu ception et l’image corporelle doivent plutôt être comprises ici comme une relation interne du soi à son propre corps [O’Shaughnessy 1995]. Dès 1975, Donald Brady dressait l’inventaire de cette philosophie de la chair [Brady 1975]. La relation du corps à la chair remplace désormais celle du corps et l’esprit dans la perspective d’une description interne des degrés d’organisation de la matière [Welton 1998]. La philosophie de la chair [Lakoff, Johnson 1999] décrit l’incarnation de l’esprit dans un sens différent de la tradition occidentale en mettant l’accent sur le vécu corporel. Mark Jonhson décrit la signification, l’imagination et la raison sur des bases corporelles [Johnson 1987]. L’incarnation relève donc d’une phénoménologie du corps [Zanel 1971] uploads/Philosophie/ bernard-andrieu-l-x27-externalite-du-corps-cerebre-epistemologie-de-la-constitution-interactive-du-corps-et-du 1 .pdf
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- Publié le Mai 23, 2022
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