1 UNIVERSITE DE LIEGE Faculté de Philosophie et Lettres Les enjeux de la libert

1 UNIVERSITE DE LIEGE Faculté de Philosophie et Lettres Les enjeux de la liberté radicale chez Sartre. Une lecture de La Transcendance de l’Ego BRAGAGNOLO Florine Travail de fin de cycle Promoteur : Grégory CORMANN Année Académique : 2019-2020 2 Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont permis la réalisation de ce travail de fin de cycle. J’aimerais d’une part remercier mon promoteur, M. Cormann pour sa patience, sa disponibilité, ses précieux conseils et explications qui ont guidé mes réflexions. D’autre part, je remercie et rend hommage à mon grand-père, M. Cornet, qui a mis Sartre et, plus globalement la philosophie, sur mon chemin. 3 Introduction La motivation de base de ce travail est la liberté radicale. Cependant, dès les premières discussions que j’ai eues avec mon promoteur à propos de Sartre, nous avons mis le doigt sur un problème, qui semblait alors insurmontable. Ce problème réside dans une citation de Sartre : « En se choisissant, l’homme choisit tous les hommes1. » Cette phrase paraît, à cause des termes qu’elles emploient et de la manière dont ces termes mêmes sont articulés, assez complexe. Elle semble également renfermer un paradoxe sur la liberté. En effet, si l'homme choisit pour tous les autres, alors les autres sont privés de liberté puisque un choix est fait pour eux. Or chaque homme choisit pour l'humanité. Mais si tel est le cas, alors plus personne ne choisit pour personne, vu que tout le monde choisit pour tout le monde. La compréhension de cette phrase nécessite en fait de comprendre l’idée sartrienne de liberté radicale ainsi que tous les concepts qui lui sont associés (mauvaise foi, angoisse, responsabilité, conscience transcendantale, etc.). En effet, nous verrons que la philosophie sartrienne a quelque chose de complexe et d’intéressant : sa phénoménologie et sa philosophie mettant en avant la liberté radicale sont très complémentaires. Elles sont même plus que cela, elles sont intriquées l’une dans l’autre. Et ce, à tel point qu’il est difficile de savoir de laquelle parler en premier parce que nous aurions envie de les exprimer toutes les deux en même temps. En effet, sa phénoménologie n’a pas grand intérêt si elle est prise uniquement pour elle-même. Son intérêt est justifié par les considérations morales qu’elle implique, à savoir, la liberté radicale. Sa philosophie quant à elle, nécessite une justification par sa phénoménologie. Ce travail est divisé en trois chapitres. Le premier est centré sur la phénoménologie husserlienne que nous trouvons dans les Idées directrices pour une phénoménologie2. Nous devons passer par Husserl pour comprendre la phénoménologie de Sartre parce que celui-ci s’en inspire énormément. Ce détour nous permet d’une part de comprendre l’origine des concepts utilisés par Sartre (conscience transcendantale, intentionnalité transversale, etc.). D’autre part, nous avons besoin de voir la conclusion des développements de Husserl, qui est une conscience habitée par un Je, pour comprendre en quoi Sartre en vient à critiquer Husserl et aboutit à une conscience sans Ego, qui permet la liberté radicale. Le deuxième chapitre est une analyse la phénoménologie sartrienne. Pour ce faire, nous nous aiderons de La Transcendance de l’Ego, ainsi que de l’introduction et des notes que Vincent de Coorebyter en fait. Cette partie met en avant la critique de Husserl par Sartre. En effet, ce deuxième 1 J.-P. SARTRE, L’existentialisme est un humanisme, Paris, Gallimard, 1996, p. 32. 2 E. HUSSERL, Idées directrices pour une phénoménologie, [1913], Paris, Trad. P. Ricœur, Gallimard, 1950. 4 chapitre montre les conclusions que Sartre tire de la phénoménologie husserlienne, notamment concernant le Moi pur et déroule le raisonnement de Sartre aboutissant à une conscience transcendantale sans Je. Enfin, ce chapitre met en avant une des conclusions de La Transcendance de l’Ego, qui consiste en une esquisse de description de la liberté radicale, sans toutefois la nommer. Le chapitre trois prend en compte les considérations éthiques de la philosophie sartrienne. Nous y développons la liberté radicale, sur la base des descriptions que nous livre L’Être et le Néant. Ensuite, nous tentons de dégager les implications éthiques qu’a la liberté radicale. Nous soutenons que la liberté radicale permet de mettre au jour une conduite de vie qui vise à résoudre certains problèmes liés à une identité illusoire que nous nous imposons pour suivre les normes de la société. L’exemple qui nous tient à cœur dans cette dernière partie est celle du féminisme. En effet, nous verrons que le sexisme n’a plus lieu d’être une fois que nous comprenons que nous ne sommes plus soumis à un être, un Ego, qui nous conditionne. 5 Chapitre I : Développement husserlien de la conscience dans les Ideen Le but de ce premier chapitre est de faire une analyse de la phénoménologie husserlienne. Nous portons notre attention sur les points importants des Ideen, à savoir, l’intentionnalité, la réduction phénoménologique, le cogito et enfin, le moi pur comme étant le résidu de l’épochè. Introduction de l’intentionnalité Regardons maintenant de plus près cette philosophie et les concepts qui sont nécessaires à sa compréhension avec, pour commencer, une étude du §28 des Ideen I, où Husserl introduit la notion de Cogito. C’est à ce monde, à ce monde dans lequel je me trouve et qui en même temps m’environne, que se rapporte le faisceau des activités spontanées de la conscience avec leurs multiples variations : l’observation dans le but de la recherche scientifique, l’explicitation et l’élaboration des concepts mis en jeu dans la description, la comparaison et la distinction, la colligation et la numérotation , les hypothèses et les conclusions, bref la conscience au stade théorique, sous ses formes et à ses degrés les plus différents. Ajoutons les actes et les états multiformes de l’affectivité et de la volonté : plaisir et désagrément, joie et tristesse, désir et aversion, espoir et crainte, décision et action. Si l’on y joint encore les actes simples du moi par lesquels j’ai conscience du monde comme immédiatement là, lorsque je me tourne spontanément vers lui pour le saisir, tous ces actes et états sont englobés dans l’unique expression de Descartes : Cogito. Tant que je suis engagé dans la vie naturelle (im natürlichen Dahinleben), ma vie prend sans cesse cette forme fondamentale de toute vie actuelle, même si je ne peux pas me diriger « réflexivement » vers le « moi » et le « cogitare ». Si telle est ma conscience, nous sommes en face d’un nouveau « Cogito » de nature vivante, qui de son côté est irréfléchi et pour moi par conséquent n’a pas qualité d’objet 3. Nous pouvons identifier dans cet extrait plusieurs points clés de la philosophie de Husserl. Il met ici en avant plusieurs notions fondamentales de la phénoménologie, sur lesquelles il va pouvoir s’appuyer par la suite. Il commence par montrer qu’il existe un lien entre le monde et la conscience. Ce lien, c’est l’intentionnalité, ou la tendance qu’a la conscience de se diriger, de se tourner vers le monde. En effet, que cela soit pour établir un discours théorique ou pour des actions pratiques, la conscience s’oriente sans arrêt vers l’extérieur, vers le monde. L’intentionnalité est donc un fil entre la conscience et le monde. Husserl donne une caractéristique de l’intentionnalité qui n’est pas sans importance : sa spontanéité. Il est à noter qu’il est question deux fois de spontanéité dans cette citation. En effet, il parle d’abord du « faisceau des activités spontanées de la conscience ». Cela signifie 3 E. HUSSERL, Idées directrices pour une phénoménologie, [1913], Paris, Trad. P. Ricœur, Gallimard, 1950, §28, p. 91. 6 que lorsque nous nous dirigeons vers le monde, nous n’y réfléchissons pas, la conscience se porte d’elle-même vers le monde. Nous sommes donc ici dans ce qu’il appelle l’attitude naturelle. C’est-à-dire l’attitude de la conscience qui va vers le monde sans se poser de question, qui vit une existence « actuelle ». Il ne dit pas que cela signifie que la conscience ne peut se tourner ni vers le passé, ni vers le futur, mais que cette actualité ne lui permet pas de se diriger vers le Moi. L’attitude naturelle, c’est le fait d’avoir une intuition immédiate du monde, par les sens, l’expérience, mais également de manière plus « mentale » pour penser l’arithmétique. Dans les deux cas, ces choses sont « là », « présentes » pour nous, et nous y croyons spontanément. L’utilisation des guillemets vise à montrer qu’être là n’est pas à prendre au sens d’une présence physique, mais dans un sens plus large, c’est-à-dire, présent, de quelque manière que ce soit, à la conscience. Il est une deuxième fois question de spontanéité lorsqu’il dit que « je me tourne spontanément vers le lui (le monde) pour le saisir ». En fait, parler de faisceau d’activité spontané de ma conscience ou se tourner spontanément vers quelque chose sont des manières communes de parler de l’intentionnalité. Le Cogito husserlien découlant de l’intentionnalité et sa distinction avec le cogito cartésien Il parle également ici de Cogito qui est une expression cartésienne. Le lien entre Descartes et Husserl uploads/Philosophie/ bragagnolo-florine-la-liberte-radicale-chez-sartre-une-lecture-de-la-transcendance-de-l-x27-ego.pdf

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