DOMINIQUE LOREAU L’ART DE LA SIMPLICITÉ © Éditions Robert Laffont, S.A., Paris,

DOMINIQUE LOREAU L’ART DE LA SIMPLICITÉ © Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 2005 EAN 978-2-221-12032-3 À tous ceux qui désirent vivre plus simplement et donc mieux matériellement, physiquement, psychologiquement, spirituellement, afin de les aider à explorer l’immense potentiel dont ils sont dotés. « Ce printemps dans ma cabane Absolument rien, Absolument tout. » Haïku de Kobayashi Issa Introduction Curieuse depuis l’enfance de ce qui se passait hors de France, j’ai orienté mes études supérieures dans cette optique : à dix-neuf ans, j’étais assistante de langue française dans un collège d’Angleterre, à vingt-quatre ans dans une université américaine du Missouri. J’ai ainsi eu le loisir de découvrir le Canada, le Mexique, l’Amérique centrale et, bien sûr, la plupart des États américains. Mais c’est en visitant un jardin zen près de San Francisco que j’ai éprouvé le désir impérieux de connaître les sources mêmes de tant de beauté. Je suis alors partie au Japon, ce pays qui m’attirait depuis toujours, sans que je puisse mettre des mots sur ce que je ressentais. Et j’y suis restée. Vivre dans des pays aux civilisations aussi différentes m’a incitée à me remettre constamment en question et à chercher « le » mode de vie idéal. C’est donc par soustractions successives que j’ai petit à petit compris que la quête de la simplicité était la façon la plus juste de vivre à la fois confortablement et selon ma conscience. Pourquoi le Japon ? me demande-t-on lorsque je dis que cela fait vingt- six ans que j’y vis. Une question à laquelle tous ceux qui, comme moi, ont élu ce pays comme lieu de résidence répondent : une passion, un besoin. Un pays où je me sens à l’aise, et enchantée chaque matin à l’idée de faire de nouvelles découvertes. Le zen et tout ce qui le concerne m’ont toujours fascinée : peinture au lavis, temples, jardins, sources thermales, cuisine, ikebana… Très vite, j’ai eu la chance de rencontrer un professeur de sumi-e (peinture à l’encre de Chine), qui m’a, pendant dix ans, non seulement initiée à cet art, mais à la façon de penser des Japonais : accepter la vie telle qu’elle se présente, sans chercher à tout expliquer, analyser, « disséquer ». Bref, « vivre zen ». Enseignant le français dans une université bouddhiste, j’ai pu suivre un séjour d’initiation dans un temple zen, le Aichi Senmon Nissoudo de Nagoya, destiné à former des femmes bonzes. Quand je suis sortie de ce temple, j’ai encore mieux réalisé à quel point les Japonais, malgré leur apparence très moderne et « high tech », sont toujours imprégnés de cette philosophie ancestrale, jusque dans les moindres détails de leur vie quotidienne. À fréquenter ce pays, j’ai découvert que la simplicité est une valeur positive et enrichissante. Philosophes de l’Antiquité, mystiques chrétiens, bouddhistes, sages de l’Inde… se sont d’ailleurs attachés, au fil des siècles, à nous en rappeler les principes. Elle permet de vivre libéré des préjugés, contraintes et pesanteurs qui nous dispersent et nous stressent. Elle offre la solution à beaucoup de nos problèmes. Pour autant, vivre simplement ne m’est pas venu… simplement ! Ce fut plutôt l’aboutissement d’une lente métamorphose, le désir de plus en plus prégnant de vivre avec moins, mais dans plus de fluidité, de liberté et de légèreté. Dans plus de raffinement aussi. J’ai peu à peu réalisé que plus je me délestais, moins ce qui me restait m’était indispensable : finalement, on a besoin de très peu pour vivre. J’ai donc acquis la solide et profonde conviction que moins on a, plus on est libre et épanoui. Mais j’ai aussi conscience qu’il faut savoir rester sur ses gardes : les pièges du consumérisme, de l’inertie physique et mentale et de la négativité nous guettent au moindre relâchement. Né des notes que j’ai prises au fil des années depuis que je vis au Japon, ce livre est le fruit de mes expériences, de mes lectures, rencontres, réflexions… qui expriment mon idéal, mon credo, la ligne de conduite et le mode de vie auxquels j’aspire et que je m’efforce d’appliquer. Ces notes, je les ai toujours précieusement conservées et transportées avec moi pour ma propre gouverne, afin qu’elles me rappellent ce que j’ai tendance à oublier ou à ne pas mettre en pratique, mais également afin de me conforter dans mes convictions profondes quand, autour de moi, tout va de travers. Elles continuent d’être pour moi une source précieuse de conseils et d’exercices que je m’efforce de suivre et de pratiquer « à petites doses », selon la nature des difficultés rencontrées, de mes besoins et de mes possibilités. Notre époque commence à prendre conscience des dangers dus aux excès et à l’opulence, et de plus en plus nombreuses sont les femmes qui souhaitent redécouvrir les joies et les bienfaits d’une vie plus simple, plus naturelle – qui, au-delà des sirènes toujours plus voraces de la société de consommation, recherchent un sens à leur vie tout en restant en harmonie avec leur époque. C’est à elles que ce livre s’adresse. J’espère qu’il leur permettra d’appréhender, de façon très concrète, cet art de vivre aussi pleinement que possible qu’est l’art de la simplicité. Première partie Matérialisme et minimalisme 1 Les excès du matérialisme Dans nos sociétés occidentales, nous ne savons plus vivre simplement, nous avons trop de biens matériels, trop de choix, trop de tentations, trop de désirs, trop de nourriture. Nous gaspillons, détruisons tout. Nous utilisons des couverts, stylos, briquets, appareils photo jetables… dont la fabrication génère la pollution de l’eau, de l’air, et donc de la nature. Renoncez dès aujourd’hui à tout ce gâchis avant d’y être forcée demain. Ce n’est qu’après avoir éliminé que de nouvelles perspectives se feront entrevoir et que des fonctions essentielles telles que s’habiller, manger ou dormir prendront une autre dimension, bien plus profonde. Il ne s’agit pas d’atteindre la perfection mais une vie plus riche. L’abondance n’apporte ni la grâce ni l’élégance. Elle détruit l’âme et emprisonne. La simplicité, elle, résout beaucoup de problèmes. Cessez de trop posséder, vous aurez plus de temps à consacrer à votre corps. Et lorsque vous vous sentirez bien dans votre corps, vous pourrez l’oublier et cultiver votre esprit, accéder à une existence pleine de sens. Vous serez plus heureuse ! La simplicité, c’est posséder peu pour laisser la voie libre à l’essentiel et à la quintessence des choses. Et puis… la simplicité est belle car elle cache des merveilles. Le poids des possessions (au sens propre et au figuré) Le besoin d’amasser « Ils possédaient des boîtes et des boîtes de choses attendant d’être utilisées un jour, et pourtant, les Klein avaient l’air pauvres. » Extrait de X Files La plupart d’entre nous voyagent dans la vie avec un bagage important, parfois excessif. Ne devrions-nous pas commencer à réfléchir et à nous demander pourquoi nous sommes tant attachés aux choses ? Nombreux sont ceux pour qui les richesses matérielles représentent le reflet de leur vie, une preuve qu’ils existent. Ils associent consciemment ou non leur identité et l’image qu’ils ont d’eux-mêmes à ce qu’ils possèdent. Plus ils ont, plus ils se sentent sécurisés, accomplis. Tout devient objet de convoitise : les biens matériels, les bonnes affaires, les œuvres d’art, les connaissances, les idées, les amis, les amants, les voyages, un dieu et même l’ego. Les gens consomment, acquièrent, accumulent, collectionnent. Ils « ont » des amis, « possèdent » des relations, « détiennent » diplômes, titres, médailles… Ils croulent sous le poids de leurs possessions et oublient ou ne réalisent pas que leur convoitise les transforme en êtres sans vie, parce que assujettis à des envies toujours plus nombreuses. Bien des choses sont superflues mais nous ne le comprenons qu’au moment où nous en sommes privés. Nous en usions parce que nous les avions, non parce qu’elles nous étaient nécessaires. Que d’objets nous achetons parce que nous les voyons chez les autres ! Indécision et accumulation « Le monde des connaissances est assez riche pour peupler notre vie, sans y ajouter le besoin de bibelots inutiles qui ne feraient qu’accaparer notre esprit et nos heures de loisir. » Charlotte Périand, Une vie de création Afin de simplifier, il faut faire des choix, parfois pénibles. Bien des gens finissent leur vie entourés de tonnes (au sens littéral du mot) d’objets auxquels ils ne tiennent pas et qui ne leur sont pas utiles, parce qu’ils n’ont pas pu se décider à savoir qu’en faire, qu’ils n’ont pas eu le nerf de les donner, de les vendre ou de les jeter. Ils restent attachés au passé, aux ancêtres, aux souvenirs, mais oublient le présent et n’envisagent pas l’avenir. Jeter requiert de l’effort. Ce n’est pas se débarrasser qui est le plus difficile, mais juger de ce qui est utile ou inutile. Il est éprouvant de se détacher de certains objets, mais ensuite quelle satisfaction ! La peur de changer « Non, les braves gens n’aiment pas que… L’on prenne une autre route qu’eux ! » Georges Brassens, La Mauvaise Réputation Notre culture s’accommode mal de uploads/Philosophie/ l-art-de-la-simplicite-dominique-loreau.pdf

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