(Bulletin du CERCLE THOMISTE claint-<^ie&laA de Caen Nouvelle Série SOMMAIRE N°

(Bulletin du CERCLE THOMISTE claint-<^ie&laA de Caen Nouvelle Série SOMMAIRE N° 34 Pages 1. J. de MONLEON. - Sur la thèse de Marx.................... 1 2. M.D. PHILIPPE. - Etude de la Somme Théologique (40me leçon) ................................................. 7 3. Docteur HUANT. - La Pensée thomiste....................... 20 4. L’Homme et l’Action ....................................................... 31 5. Bibliographie ................................................................... 41 Publication trimestrielle MARS 1966 Notes partiellement revues. L'HOMME ET L'ACTION Notes prises à une Conférence du R P. M.D. PHILIPPE Paris, 22 novembre 1965 « L’homme et l’action » : c’est là un des problèmes les plus complexes, et qui prête aux plus nombreuses confusions, surtout à notre époque... Nous allons d’abord présenter quelques manières diver­ ses de traiter la question. Notons en premier lieu, ce qu’il ne faut jamais oublier, que la philosophie se ramène toujours au problème de l’homme, mais, souli- gnons-le, de l’homme dans toutes ses dimensions. Cela veut dire que, si le philosophe laisse de côté un aspect de l’homme, sa vision de l’homme est mutilée, sa philosophie est incomplète. Or, si pour tous les athéismes contemporains —■ marxisme, positi­ visme, existentialisme, évolutionnisme, freudisme — le problème capital de la philosophie se noue bien autour de l’homme, ces athéismes donnent de l’homme une vision partielle qui n’envisage pas toutes ses dimen­ sions ; en ce sens, ils ne donnent pas une vraie philosophie de l’homme. En effet, à partir du moment où l’on supprime délibérément la relation de l’homme à Dieu, on mutile l’homme : on refuse de considérer un aspect de l’homme, son dépassement à l’égard de l’univers et de ses relations avec les autres hommes, sa transcendance qui l’ouvre à l’Absolu, au Dieu-Créateur... Si le marxisme parle bien de « dépassement », c’est à l’intérieur du développement de l’homme, ce n’est pas le véritable dépassement que représente l’attitude religieuse reconnaissant le Dieu-Créateur. Si le positivisme parle d’ « attitude religieuse », il réduit celle-ci à un « service de l’homme ». Si Me r l e a u-Po n t y reconnaît que l’attitude religieuse est fondamentale chez l’homme, cette attitude ne regarde plus que l’homme puisque l’homme est incapable de reconnaître l’exis­ tence de Dieu-Créateur. 31 Dans une philosophie réaliste, on appelle « attitude religieuse » quelque chose de beaucoup plus profond : c’est l’attitude de l’homme en tant que capable d’affirmer sa dépendance à l’égard d’une Réalité mystérieuse, Réalité première source de son être, Réalité ultime fin de toute sa vie, Réalité qui est le Créateur. Et c’est précisément le propre d’une philosophie réaliste (donc, de la philosophie thomiste) de tenir compte, dans sa vision de l’homme, de cet aspect fondamental : l’atti­ tude religieuse. Le vrai philosophe n’a pas le droit d’avoir des a priori, il est obligé de considérer tous les problèmes que l’expérience lui présente. Si, de nos jours, on parle de 1’ « Eglise ouverte au monde », cela exige des chrétiens certaines connaissances philosophiques. Dans un monde chrétien, la foi, au sens strict, est plus importante et plus essen­ tielle que la philosophie, la théologie seule suffit. Mais dans un monde qui n’est plus chrétien, si l’on veut rester « ouvert » vis-à-vis de ce monde, on est obligé de réfléchir d’une manière philosophique. Quand on lit, par exemple, le dernier livre de Ga r a u d y : « De l’anathème au dialogue », on se demande combien de chrétiens seraient capables de lui répondre en toute vérité !... Or, si les chrétiens ne sont pas capa­ bles de discerner où est la vérité et où est l’erreur dans ce livre, alors, sous prétexte d’ « ouverture », ils accepteront tout, se mettant ainsi à l’école de l’auteur... et par lui du marxisme, et progressivement ils se laisseront contaminer. Il faut que les chrétiens soient assez philosophes, assez intelligents, pour comprendre que, pour Ga r a u d y , la seule philo­ sophie est une philosophie de l’action, l’homme se définit par l’action ; et que, pour Ga r a u d y , tous les chrétiens sont eux aussi partisans de cette action. Ga r a u d y n’hésite pas à affirmer que lui-même n’est pas convertis- sable. S’il désire « dialoguer » avec les chrétiens, c’est, dit-il, pour purifier le christianisme et purifier le marxisme. C’est pour retrouver les chrétiens des premiers temps, les chrétiens d’avant Constantin... car ce qu’il cherche ce sont de « purs » chrétiens ·— des chrétiens tellement purs, pourrait-on dire, qu’ils ne gênent plus le marxisme ! — puis- qu’alors, s’il y a dialogue, ce sera dialogue entre le chrétien qui regarde vers le ciel et le marxiste qui, lui, est sur· la terre. Un tel dialogue doit aider le chrétien à être vraiment chrétien et le marxiste à être un vrai marxiste. Il est en effet utile pour le marxiste d’avoir ce dialogue, car un vrai marxiste n’avance que dans une opposition qui nourrit sa dia­ lectique. Le christianisme, en apportant le sens de la transcendance, donne précisément cette opposition désirée, une antithèse qui fait avancer la dialectique marxiste. Quoi qu’il en soit du livre de Ga r a u d y , c’est un fait que ce livre pose le problème de l’action et des rapports de l’action et de l’homme ; il souligne combien, à notre époque, le point de vue philosophique prend une importance capitale, particulièrement quand il s’agit d’un dialogue avec les marxistes, avec des athées qui réfléchissent sur le problème 32 humain d’une manière purement humaine. Un tel dialogue ne peut se situer qu’au niveau de la philosophie. Il faut comprendre que pour les marxistes, la foi est quelque chose d’infantile, de « dépassé » : c’est du moins ce qu’ils disaient jusqu’ici. Aujourd’hui, vont-ils reconnaître qu’ils sont à un moment de la dialectique où la foi des chrétiens peut apporter à leurs théories un aspect de complémentarité ? Il faut comprendre que les erreurs du marxisme sont souvent des confusions provenant de l’imagination, parce que le marxisme ne recon­ naît qu’un seul type d’expérience. La philosophie exige l’expérience. On fait toujours la philosophie de ses expériences ; de grandes expériences sont nécessaires à une grande philosophie. Les choses uniquement « apprises » se fanent très vite, deviennent très vite du passé. Certes, la culture est nécessaire et le capital de culture acquis au long des siècles nourrit l’humanité. Mais on veut et l’on doit vivre d’autre chose. On veut et l’on doit faire ses expériences personnelles. D’autre part, la philosophie est plus que l’expérience, elle exige un effort de pénétration à l’égard des réalités expérimentées pour savoir ce qu’elles sont, pour connaître leurs significations profondes, leurs finalités. Et cet effort est ordonné en dernier lieu à connaître l’homme, sa destinée, ce pour quoi il existe. Le philosophe, quand il a découvert la vérité, désire la communiquer aux autres. Son dialogue sera donc ordonné à la communication de la vérité, et cette communication, pour le philosophe chrétien, doit se faire, dans le sens le plus charitable et le plus miséricordieux, avec un désir d’aider ceux qui n’ont pas encore découvert la vérité à la découvrir. La philosophie se centre sur l’homme, avons-nous dit. Mais l’homme est un être qui progresse constamment, qui « se fait ». Un enfant a peu de personnalité. La personnalité morale, artistique, intellectuelle, s’acquiert progressivement ; et elle s’acquiert à partir d’une certaine action. Notre personnalité est liée à toutes nos activités. Il y a un devenir de l’homme dans l’action. L’homme qui n’agit pas reste en virtualité, en potentialité, rien ne « s’actue » chez lui. Avec SAINT Th o ma s, disons que l’action représente « l’acte second », l’homme dans sa personnalité métaphysique étant l’acte premier. L’action est insépa­ rable de l’homme. S’il y a joie après une action accomplie et réussie, c’est que la personnalité s’épanouit dans l’action. Homme et action sont essentiellement liés. Le propre de l’architecte est d’édifier, le propre du philosophe est de philosopher, le propre du sage est de contempler... Ce que souligne l’adage d’ARlSTOTE : operatio sequitur esse, l’opération suit l’esse, ce qui existe. Mais lorsqu’on veut comprendre ce qu’est l’action, —■ quel est, préci­ sément, le rapport homme-action — et que l’on veut établir une hiérar­ chie de nos diverses actions, des questions se posent : la « pensée » est- elle une « action » ? Travailler, manger, sont des actions diverses ; dormir est-il une action ? Le repos est-il une action ? Et la contem­ plation est-elle une action ? En nous posant ces questions, nous constatons que l’homme pos­ sède en lui un capital de vie qui peut s’exploiter de façons bien diffé­ rentes, qu’il est, à lui seul, un petit « cosmos » : ceci parce qu’il est comme une synthèse. N’est-il pas à « l’horizon » de deux mondes, le inonde matériel et le monde spirituel ? L’homme est, parmi les réalités que nous expérimentons, la réalité la plus complexe qui soit — ce qu’avait déjà reconnu SAINT THOMAS après ARISTOTE — et qui par uploads/Philosophie/ bulletin-du-cercle-thomiste-saint-nicolas-de-caen-nn0-34-36-39-marie-dominique-philippe-l-x27-homme-et-l-x27-action-les-trois-parties-1966-1967.pdf

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