Burkina Faso lenseignement de la philosophie au Burkina Paul-Marie Bayama, Insp
Burkina Faso lenseignement de la philosophie au Burkina Paul-Marie Bayama, Inspecteur de l'enseignement secondaire en philosophie et formateur à l'École Normale Supérieure de l'Université de Koudougou Le contexte institutionnel Le Burkina Faso fait partie des pays africains qui fêtent leur cinquante ans d'indépendance en 2010. L'état des lieux de l'enseignement de la philosophie ne peut se faire que dans les limites de cette existence historique. L'étude de l'Unesco1 donne quelques éléments d'information assez parcellaires et parfois incomplets2. Nous proposons de dresser un état des lieux sommaire de cet enseignement, avec quelques éléments comparatifs avec le système français dont il est héritier, et une perspective en tant que praticien. Certes, comme dans le système français, la philosophie n'existe institutionnellement qu'au secondaire et au supérieur. Nous allons nous intéresser surtout au secondaire où il y a beaucoup d'enjeux. S'il y a un secteur où la décolonisation ne pouvait pas être effective, c'est bien le système éducatif. "En Afrique francophone, et dans d'autres pays également, l'enseignement de la philosophie est calqué sur le système français, et n'intervient qu'en classe terminale des lycées. C'est le cas du Mali, mais aussi du Burkina Faso, où la philosophie est enseignée dans toutes les classes de terminale3". À cinquante ans de distance, les dépendances où interdépendances sont là, et elles sont diverses. Il y a le lien de la langue. Le français est la langue nationale, utilisée de la maternelle au supérieur dans l'éducation. Et s'il y a une discipline d'enseignement où il n'y a pas eu rupture entre les indépendances et après les indépendances, c'est bien la philosophie. Le programme de philosophie appliquée jusqu'à ce jour, est le contenu du programme français de 1973, avec comme instructions officielles la référence à celles de 1925. Ce programme est réparti depuis la rentrée scolaire 1989-1990 entre la classe de première et celle de Terminale pour résoudre le problème de "l'immensité du programme". En effet, pour la classe de Terminale, à raison de 8 heures par semaine, il y a environ 43 notions à étudier : 4h en moyenne par notion, sans les auteurs et les questions d'approfondissement, les méthodologies de la dissertation et du commentaire, les évaluations et leurs corrections. Il était impossible de finir rigoureusement parlant le programme de philosophie. Cela a donné la nouvelle répartition dans le tableau ci-dessous. Pour une année scolaire de 26 semaines de cours effectif, on aurait (Ces propositions ne prennent pas en compte le temps imparti à l'enseignement de la dissertation et du commentaire ni aux corrections des devoirs en classe4. Classes Volume horaire hebdomadaire Volume horaire annuel Total Notions Horaire moyen Notions 1ère A 3 78 17 5 Tle A 6 156 26 6 1ère BCDE 3 52 12 4 Tle FGH 2 78 18 4 Tle BCDE 2 78 12 6 Le programme ainsi réparti est celui qui est évalué au baccalauréat. Il n'y existe pas à proprement parler un esprit de progressivité. Dans son exécution, conformément aux Instructions de 1925, l'enseignant est libre. Mais cette liberté est déterminée par ses conditions réelles, et en l'absence de contrôle, la pratique de la classe en philosophie donne lieu aux pratiques les plus disparates, et différents abus se sont manifestés. La situation d'"anarchie" a été surtout ressentie dans le domaine de l'évaluation. La subjectivité des notes en philosophie est légendaire, mais il y a des pratiques très discutables. Toutes les évaluations sommatives en philosophie, donc le baccalauréat, sont à l'écrit, même pour le rattrapage pour éviter la fraude. La question des manuels, l'étude de l'Unesco l'a notée, est l'une des entraves à l'exercice de la liberté de l'enseignant, qui se contente de ce qu'il trouve. Il n'existe pas jusqu'à ce jour de manuel de philosophie propre au Burkina Faso. Comme le programme s'inspire de celui de la France, ce sont les manuels français qui sont exploités. Ces manuels ne sont pas systématiquement mis à disposition des enseignants, encore moins des élèves par l'administration et coûtent cher pour la bourse des enseignants. Cette question des manuels est devenue cruciale ces dernières années, parce que le programme du Burkina retarde sur celui de la France de près de trente ans ; mais le programme français s'est replié pour l'essentiel sur le patrimoine textuel, et les textes ne sont que partiellement exploitables, même pour les enseignants qui y ont accès. Le recrutement des enseignants se faisait à partir de la maîtrise, comme le note le rapport de l'Unesco5. Il faut compléter en reconnaissant que des diplômes d'autres disciplines sont acceptés, dont la psychologie et la sociologie. Et le niveau de recrutement a été ramené à la licence. Pour ce qui est de la formation des enseignants, il y a diverses situations. Des efforts sont faits depuis les années 1990 pour une formation systématique des futurs enseignants du secondaire, en particulier ceux de philosophie, avec la création de l'Institut National des Sciences de l'éducation (INSE) à l'Université de Ouagadougou, transféré à Koudougou sous le nom d'Ecole Normale supérieure de Koudougou (ENSK), qui est devenue l'École Normale Supérieure de l'Université de Koudougou. La formation initiale, quand elle a lieu, se fait en 18 mois : une phase théorique d'un an à l'école et la deuxième année en stage en responsabilité avec des visites de classes, le tout sanctionné par un examen (l'exécution de séances de cours évalué par un jury de trois membres présidé par un inspecteur). Le système éducatif burkinabè dans son ensemble est en plein essor. Et pour faire face à la pénurie de professeurs, des sortants de l'université peuvent être recrutés et envoyés directement en classe et en responsabilité. La justification est simple : "il vaut mieux un enseignant pas formé que pas d'enseignant du tout." De sorte que l'apprentissage de l'enseignement de la philosophie au secondaire se fait aussi par mimétisme, et celui-ci peut aller jusqu'à la reprise d'un ancien cours à partir d'un cahier et sa dictée à la virgule près. Le Burkina a entrepris aussi le recrutement et la formation d'encadreurs pédagogiques (conseillers pédagogiques et inspecteurs). Nous avons vécu le renforcement du personnel d'encadrement pédagogique et l'effet des quelques efforts de formation continue sur l'enseignement de la philosophie. Il a été organisé des rencontres qui ont permis l'harmonisation des critères d'évaluation des exercices de la dissertation et du commentaire de texte par des grilles sur le contenu et un barème6. Avec une telle grille, certes les disparités ne disparaîtront pas, mais les critères étant explicités, le débat est possible pour se comprendre en cas de disparité. D'autres thèmes ont été aussi objet de formation au niveau national : les annotations des copies, la fiche pédagogique, les méthodes actives et l'enseignement de la philosophie, les épreuves de philosophie dans l'enseignement technique et professionnel etc. Avec le renforcement progressif du corps des encadreurs, cela a permis de les rapprocher des enseignants en les affectant dans les régions du pays. L'assistance aux enseignants s'est renforcée par les visites de classes (l'observation d'une séance de cours suivi d'un entretien- conseil), et des activités de formation locales. Propositions Voilà le contexte institutionnel dans lequel nous avons été, par la force des choses et l'évolution de la carrière, confronté au problème de la didactique de la philosophie7. Quand nous avons été responsabilisés pour donner des cours de didactique de philosophie à l'Ecole Normale de Koudougou, nous avons réalisé que si nous avions pu enseigner sans difficulté au secondaire, c'est parce qu'à la différence des jeunes enseignants d'aujourd'hui, nous avions l'avantage d'avoir une solide formation académique, et à notre disposition une part de "l'héritage textuel8" adapté à la situation. Mais notre formation pédagogique initiale d'enseignant du secondaire réduite à un certain nombre de considérations méthodologiques dont le contenu est consigné dans le livret guide de l'inspecteur Louis Dabiré9 était insuffisante pour constituer le contenu d'un cours de didactique. Et il n'y a pas de réflexion spécifique sur la didactique de la philosophie, un manuel comme au secondaire derrière lequel se refugier. Or, contre l'avis des anti-didacticiens en philosophie, il y a bien des choses dont il faut avertir le futur enseignant de philosophie (le programme par exemple). Et nous avons constaté le caractère lacunaire de la culture des futurs enseignants. La question se pose déjà quand ils ont fait des études académiques de philosophie ; alors quand ce sont des licences de psychologie ou de sociologie... Des lacunes qui vont des procédés didactiques aux méthodologies de la dissertation et du commentaire. La modalité privilégiée est le cours avec comme procédé didactique majeur, l'explication du contenu puis sa dictée, le contenu de la dernière n'étant pas forcément en adéquation avec la première. C'est vrai que le plafonnement de principe des effectifs au second cycle du secondaire n'empêche pas d'avoir des classes de 70 à 100 élèves. Ce qui contraint beaucoup l'utilisation de procédés didactiques. Mais cela ne change pas quand les enseignants ont des classes plus légères : conséquence logique d'une transmission didactique informelle et par mimétisme. Les cas les plus pathologiques se trouvent dans la pratique de la dissertation. Il y a d'abord l'institution de cette leçon uploads/Philosophie/ burkina-faso 1 .pdf
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- Publié le Mai 09, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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