1 STRUCTURES CONCEPTUELLES, REPRESENTATION DES OBJETS ET DES RELATIONS ENTRE LE

1 STRUCTURES CONCEPTUELLES, REPRESENTATION DES OBJETS ET DES RELATIONS ENTRE LES OBJETS Soulaimane Chemlal et Françoise Cordier Laboratoire Langage & Cognition (LaCo) FRE CNRS 2725 99 avenue du Recteur Pineau F - 86000 Poitiers hal-00086727, version 1 - 19 Jul 2006 Author manuscript, published in "N/P" 2 Résumé Cet article présente un panorama général de l'étude psychologique des concepts liés aux objets, l'insistance étant mise sur les conceptualisations les plus récentes et les derniers développements de la recherche dans ce domaine. Ces derniers développements portent essentiellement d'une part sur la notion de contexte et son rôle dans l'organisation des concepts, et d'autre part sur la notion de relations entre traits - et singulièrement les relations de nature causale. Des illustrations expérimentales viennent étayer l'analyse théorique du domaine. Nous terminons par une réflexion sur les recherches ayant pour objet les déficits catégoriels spécifiques, en les positionnant par rapport à l'évolution des théories de la catégorisation. Mots-clés: concept, contexte, trait, relation de causalité, essentialisme. Abstract This article provides an overview of psychological studies of object concepts, highlighting the more recent re-conceptualizations, and the latest developments in research in this field. These developments have tended to focus on the notion of context, as well as on the notion of causal relations between features. Our theoretical analysis of this field is backed up by experimental illustrations. We complete with an examination of " category-specific impairments " studies, in the light of the evolution of concept theories. Key-words: concept, context, feature, causal relation, essentialism. hal-00086727, version 1 - 19 Jul 2006 3 Les connaissances liées aux objets ont été l' enjeu de plusieurs théorisations successives. Dans toute évolution scientifique normale, des phases plus ou moins longues d' accumulation des données sont suivies par des périodes où le nombre de faits à reconsidérer est suffisamment important pour que le besoin d' une nouvelle cohérence s' exprime plus fortement. De nouvelles propositions sont alors avancées, en réaction aux attendus précédents. Le but de cet article est de mettre l' accent sur la chaîne de bouleversements paradigmatiques qui a touché les théories conceptuelles, l' insistance étant mise cependant sur les bouleversements les plus récents. Les concepts sont des unités élémentaires du traitement cognitif. Le monde réel n' étant donné à l' esprit que tel un flot continu et dynamique de stimulations, c' est à l' individu d' élaborer des représentations susceptibles d' être traitées, stockées et transmises. C' est pourquoi on conçoit les représentations conceptuelles comme des intermédiaires entre le monde perçu et le monde représenté ayant, selon la formule de Neisser (1987) " un pied dans la perception et un autre dans la cognition ". Elles posent d' emblée la question de l' interaction esprit / monde (Medin & Coley, 1998). La catégorisation est ainsi un processus fondamental de prise d' information sur le monde. "Concevoir" et "énoncer" constituant deux activités cognitives intimement liées, l' étude des concepts se trouve concernée par les recherches sur les processus langagiers, et plus généralement sur les activités cognitives liées à l' utilisation d' informations sémantiques (compréhension et production de textes, résolution de problèmes, mémorisation). Les théories de la catégorisation se hal-00086727, version 1 - 19 Jul 2006 4 trouvent donc occuper une position stratégique particulière par leur résonance dans d' autres champs de la cognition. Nous considérerons quatre grandes familles théoriques qui traitent des représentations des objets, en en respectant globalement la chronologie. Nous commencerons par la théorie classique et les théories de l' air de famille de façon conjointe. Nous les commenterons succinctement car elles sont bien connues dans leurs attendus. Les théories dites " de l' exemplaire " et les théories fondées sur les connaissances viendront ensuite, que nous développerons plus largement. Nous terminerons cet article en recherchant l' évolution des théories conceptuelles au travers des interprétations des déficits catégoriels spécifiques dans le champ de la neuropsychologie. Théorie classique et théories de l'air de famille La question posée est de caractériser l’intension des représentations telle qu’elle rende compte de leur extension, c’est-à-dire d’un regroupement d’objets. Les deux conceptions de la structure conceptuelle que sont la conception classique et la conception de l' air de famille (conception probabiliste) ( Medin & Coley, 1998; Medin & Heit, 1998; Medin & Wattenmaker, 1987) atteignent ce but dans la mesure où la représentation contient des conditions ou des règles claires d’appartenance, un ensemble circonscrit de traits sémantiques qui constitue la signification. Il n' est pas utile de présenter ces deux conceptions en détail. Elles ont été largement présentées par ailleurs (Cordier, 2002; Komatsu, 1992; Pothos, in press). hal-00086727, version 1 - 19 Jul 2006 5 Dans ces conceptions, la signification des objets ne change pas quelle que soit la situation. Ainsi, les concepts sont vus comme une liste de traits indépendants dans un cas ou corrélés dans l’ autre, traits communs de manière plus ou moins stricte à tous les exemplaires. Les traits jouent un double rôle. D’ une part, qu’ ils soient définitoires ou seulement probables, leur combinaison permet de décrire l’ ensemble des exemplaires de la catégorie, l’extension. Ils déterminent l’appartenance catégorielle. Les objets d' une même catégorie partagent des traits en totalité ou en grande partie et entretiennent ainsi une relation de similitude (Heit, 1997; Murphy & Medin, 1985; Rips, 1989). Le degré de similarité est considéré comme le principe organisateur des catégories et donc de la mémoire sémantique. Catégoriser implique d' estimer cette similitude ( Barsalou, 1991; Hahn & Chater, 1997; Rips, 1989). On pourrait penser que la notion de similitude est superflue pour la conception classique, puisque les exemplaires d' un même concept sont également semblables entre eux. Cependant, certains auteurs, dans une discussion de résultats expérimentaux obtenus par ailleurs, ont montré que la similitude avec des exemplaires déjà classés affectait même l’ application d’ une règle simple et explicite (Hahn & Chater, 1997; Pothos, in press). De ces considérations générales, on peut noter que les objets qui sont semblables1 occupent une place équivalente dans le monde représenté, ont la même signification, engagent les mêmes actions (Neisser, 1987; Reed, 1996; Tijus, Poitrenaud, & Barcenilla, 1997), et ont souvent la même dénomination. Sur ce dernier point, les travaux de Malt, Sloman, Genneri, Shi et Wang (1999) et 1 Une typologie des propriétés est proposée par Cordier et Tijus (2001). Cette typologie se donne pour but d' unifier le langage employé lorsqu' il s' avère important d' examiner les rôles respectifs des différentes propriétés dans la catégorisation. Deux raisons majeures peuvent être évoquées: une raison théorique, les différentes hal-00086727, version 1 - 19 Jul 2006 6 Malt, Sloman et Genneri (2003) portent cependant à l' attention les déterminismes propres apportés par le langage. Dans les expériences rapportées, des dessins d' objets dont la fonction est de contenir des liquides, doivent être répartis par des adultes selon leur degré de ressemblance (1° classement demandé) et selon leur dénomination (2° classement). Les répartitions obtenues en fonction des 2 critères sont grosso modo homogènes, mais certains objets s' écartent de la règle commune. Et ces objets ne sont pas les mêmes selon la langue considérée (anglais, espagnol, chinois). Ces expériences soulignent le caractère multidéterminé du fonctionnement langagier, et ses arrière-plans culturels et sociaux. La dénomination tient ainsi une place particulière comme indicateur des regroupements conceptuels. Globalement, les théories classique et de l' air de famille se distinguent sur deux points. (1) La conception classique est censée rendre compte de la catégorisation de tout type d' objets alors que la conception de l’air de famille cible la catégorisation des objets du monde réel. Les catégories naturelles contiennent, outre les traits nécessaires et suffisants, les traits présents avec une probabilité notable : ils sont dits caractéristiques. S’ il n’ y a aucune raison de penser que l’ appartenance catégorielle est moins claire 2, la représentativité des entités diffère puisqu' elles ne possèdent pas toutes le même nombre de traits. (2) La théorie classique tente de cerner une catégorisation logique et idéale alors que la seconde s’ attache davantage à décrire la catégorisation naturelle effective. La théorie classique est concernée par les concepts scientifiques et leurs taxonomies. Les théories conceptualisant les propriétés différemment; une raison méthodologique, les distinctions entre propriétés permettant un grain d' analyse plus fin. hal-00086727, version 1 - 19 Jul 2006 7 concepts sont d’ ailleurs formalisés comme des fonctions de vérité sur un domaine de connaissance (Frege, cité par Le Ny, 1989). Tiberghien (2003) souligne que de nombreux problèmes d' enseignement des sciences viennent d' une méconnaissance chez l' élève des traits cruciaux, alors que dans le même temps, il utilise des traits caractéristiques (Cordier & Cordier, 1991; Cordier, Cordier, & Es Saïdi, 1997). Les travaux de Cordier et Cordier (1991) portent sur la résolution du théorème de Thalès et mettent en évidence que les erreurs des élèves peuvent être trois fois plus nombreuses quand la figure géométrique met en situation des parallèles qui se trouvent situées de part et d' autre d' une intersection, par rapport à une situation où les parallèles se trouvent du même côté de l' intersection. uploads/Philosophie/ chem-lal-cordier.pdf

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