I II I - - C CO OM MP PT TE ES S R RE EN ND DU US S D DE ES S E EP PR RE EU UV

I II I - - C CO OM MP PT TE ES S R RE EN ND DU US S D DE ES S E EP PR RE EU UV VE ES S 13 CULTURE GENERALE D DI IS SS SE ER RT TA AT TI IO ON N Options scientifique, économique et technologique ESSEC : Robert LEVY EDHEC : Christian Jacques DUBOIS Sujet : Qu’est-ce qu’un juste salaire ? Commençons d’abord par un motif de satisfaction. Dans leur grande majorité, les copies satisfont aux critères formels élémentaires de la dissertation. L’orthographe est dans l’ensemble très correcte, et les élèves ont appris au cours de leurs deux années de préparation à agencer convenablement leur réflexion, ou du moins s’y essaient sans méprise fondamentale sur ce qui est exigé d’eux. Mais si la forme est là, le contenu, souvent, pêche et tout n’est pas encore parfait, bien des défauts demeurent et il faut redire aux candidats qu’ils passent un concours (ils doivent exposer leurs qualités, se distinguer en évitant en particulier de voir en quelques lieux communs l’alpha et l’oméga de la pensée, affronter le sujet dans sa particularité) et que cette épreuve comporte des exigences, conséquences elles- mêmes de sa définition, que nous nous permettons de rappeler : "La dissertation de culture générale est un exercice, écrit dans une langue maîtrisée et choisie, au cours duquel, à propos d'un sujet faisant explicitement référence au thème de l'année, le candidat manifeste une aptitude tout d'abord à effectuer l'analyse et la problématisation du libellé proposé, ensuite à organiser et mener une discussion construite, sans préjugé, ouverte, conséquente et cultivée ; il y mobilise librement ce qu'il connaît des littératures française et étrangère, des différents arts (cinéma, peinture, photographie, théâtre...), de la tradition philosophique, des sciences exactes et des sciences de l'homme, des grandes religions et des principaux courants idéologiques contemporains ; il y démontre enfin en quoi cet enrichissement culturel permet de mieux comprendre le monde dans lequel il vit." Que les candidats examinent avec soin cette définition et ils verront : - tout d’abord qu’elle préside à l‘élaboration et à l’élection du sujet qui leur est proposé : il se doit d’être ouvert, formulé simplement, lié mais non limité au thème de l’année (il faut réaffirmer la nécessité de mobiliser les acquis de la première année -enseignement de culture générale- pour le traiter effectivement ; le thème est l'occasion d'une réflexion conduisant à la confection d'une dissertation de culture générale), susceptible de prendre en compte la diversité des directions et des domaines qui font d’un terme (« la justice ») un programme et de conduire à des analyses portant sur la réalité sous tous ses aspects ; 14 - ensuite qu’elle organise le travail des correcteurs en ce qu’elle fixe les principes généraux de l’évaluation des copies : importance primordiale de la problématisation (il nous faut donc sanctionner toute copie dont l’introduction n’est qu’une formalité, qui évite ou dénature le sujet et se contente d’annoncer un programme là où on attend l’énoncé d’un problème) ; importance de l’aptitude à approfondir avec soin et minutie une perspective, pertinente évidemment (il nous faut donc sanctionner toute copie qui se contente d’évoquer allusivement un grand nombre de directions possibles de réflexion et au contraire valoriser toute copie qui pense longuement et précisément en compagnie et à l’aide d’une référence, quelle qu’elle soit) ; importance des exemples que, là encore, on doit choisir et exposer avec attention et scrupule (il nous faut donc sanctionner et les copies sans exemple et celles qui, pratiquant la livraison en vrac d’exemples à peine évoqués, la plupart du temps confondent d’une part références et exemples et d’autre part exemples littéraires, philosophiques et historiques) - On redira enfin que « citation n’est pas raison » ; cela est encore plus vrai pour les textes dits « littéraires » ; il faut garder en mémoire le point suivant : la valeur d’une citation n’est que la valeur du commentaire qui l’explique. Rappelons un principe qu’on ne se lasse pas de ressasser : l‘épreuve de culture générale en est une de réflexion. Il s’agit moins d’exposer des contenus emmagasinés que de saisir problématiquement un objet. Bien sûr, cela ne signifie pas que les doctrines, les œuvres et les auteurs ne doivent pas être sollicités – mais ils doivent être mis à contribution pour penser le réel. Il serait bien injuste de cantonner « la justice » dans une plate récitation de cours ! Le sujet proposé cette année se prêtait tout à fait à cet exercice réflexif de mise en perspective et de discussion qui demande à la fois la maîtrise des théories et une claire conscience des problèmes concrets. Las, la séparation entre les doctrines et les œuvres littéraires confinées dans un monde idéal et imaginaire (la « culture » !), d’une part, et le réel supposé immédiat, d’autre part, a souvent entravé les candidats. Cette difficulté principale à exercer une réflexion peut se monnayer au long de plusieurs remarques. 1) Un exemple emblématique montre tout particulièrement le défaut de compréhension du statut même de ce qu’on avance, et donc l’impossibilité de le mettre vraiment à contribution. Nous avons souvent rencontré les « ouvriers de la onzième heure », et nous nous en félicitons. Cette parabole évangélique donnait tout à fait à penser. A condition, justement, qu’on la comprenne comme une parabole, et qu’on la saisisse dans son caractère paradoxal, inversant et questionnant la logique du « monde », la logique « ordinaire » de la rétribution, qui n’est pas celle du royaume de Dieu. Or, la plupart du temps, ce n’est pas le cas, et la force de provocation du texte est ignorée : la parabole est rapportée comme une « anecdote », censée témoigner d’un cas flagrant d’injustice, quant elle n’est pas vue comme un paradigme forcément défaillant pour d’éventuelles conventions collectives. Il s’agit là du plus bel exemple qu’on puisse trouver de la caricature de la « culture générale », où un texte enregistré est ramené à un contenu absurde et erratique, coupé de son contexte, de son genre et de son horizon, donc de son sens – et ne peut plus « servir » à rien. 2) Justement, la parabole pouvait montrer que, si les premiers seront les derniers, il fallait s’interroger sur le rang des uns et des autres, et ceci au fil de plusieurs « logiques » concurrentes. Les candidats s‘y sont essayé, mais ont souvent eu du mal à penser le terme de salaire autrement que trivialement. Par trivialité, on n’entend pas le sens « économique » obvie du « salaire », qui devait être interrogé. Mais pour ce faire, encore fallait-il entendre d’abord le sens du mot dans son acception générale de rétribution, positive ou négative, récompense ou punition, répondant à un acte qui n’est pas forcément un travail, et questionner ce sens, ce qu’il entraînait quant à l’exigence de mesure, d’équivalence et de réciprocité quant à la justice. Peu l’ont fait, qui auraient pourtant pu par là rejoindre problématiquement le sens « économique » du mot de salaire, dont on pouvait alors se demander s’il était bien séparable tout à fait du sens « éthique », c’est-à-dire si l’ « économie » pouvait se passer tout à fait d’une référence à la justice. 15 3) Certains candidats, à l’inverse, ont manifesté une crainte de rédiger une copie « trop économique », et ont alors, de leur propre aveu, choisi des dégagements « philosophiques ». Mais c’est alors pour cantonner le « philosophique » au point de vue d’une réflexion toute « générale », qui n’engage à rien et se contente de dévider des arguments dans un ciel utopique, ou de moraliser sans conséquences. Une théorie fausse en pratique est une théorie fausse tout simplement ! Et puis, Smith et Marx n’étaient seulement philosophes qu’à leurs moments perdus… La prudence disciplinaire ne doit pas servir de barrière : supposer une théorie pure et exacte des salaires ne va nullement de soi, on pouvait même être amené à discuter cette supposition. La culture générale doit être un art rigoureux des frontières. Il ne s’agissait donc pas d’un choix à faire entre économie et philosophie, mais d’une interrogation qui, par exemple, impliquait de questionner les fondements même de l’économie politique classique, qui tient aussi, historiquement, à l’émergence et à la généralisation du salariat. Trop de candidats tiennent l’homo oeconomicus pour une créature de tous les temps. Quelques bonnes copies, parfois au fait des travaux de K. Polanyi, interrogeant le don, ou même le bénévolat, ont su faire preuve cependant d’un élémentaire sens historique. 4) Discuter des fondements de la science économique demande qu’on les comprenne. Et qu’on comprenne d’abord ce qu’est le « salariat » ; à la grande surprise du jury, ce n’est souvent pas le cas. Le salaire est le terme d’un rapport, qu’il entretient avec le capital. Ce repérage simple est souvent inaperçu, et noyé sous des termes vagues : l’employeur, ou le « patron », et l’employé ». Et la plupart uploads/Philosophie/ compte-rendu-des-epreuves-ecrites-2006.pdf

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