Ếtude morpho-sémantique et diachronique des formants du lexique populaire franç

Ếtude morpho-sémantique et diachronique des formants du lexique populaire français Examen d'un recueil argotique du XVIIe siècle : Le Jargon de l'argot reformé d'Ollivier Chereau Françoise Nore Problématique de la thèse Nous présentons aujourd'hui un recueil argotique du début du XVIIe siècle, Le Jargon de l'Argot reformé, d'Ollivier Chereau. Nous avons choisi cet ouvrage car les termes qu'il renferme nous semblent représentatifs des problèmes que l'on rencontre lorsqu'on vise à articuler études morphologiques et diachronie. En effet, notre thèse de doctorat traite du morpho-sémantisme des formants1 du lexique populaire2 français à la lumière des faits historiques. Il s'agit d'établir s'il existe des règles de construction de mots spécifiques à ce lexique et de voir si ce même lexique met en jeu des types de formants différents de ceux auquel recourt le lexique standard pour sa propre formation. Analyse et comparaison président donc à cette étude.3 L'investigation est menée en s'appuyant sur différents corpus, notamment le TLFI, à partir duquel nous avons effectué un relevé des entrées portant l'une ou l'autre des mentions "familier", "populaire" et "argotique". Ce relevé a été enrichi des mêmes types d'entrées du Dictionnaire de l'Argot de Jean-Paul Colin. La réunion des deux corpus nous a ainsi permis de constituer un ensemble de termes populaires contemporains, mais, dans la mesure où notre étude est également diachronique, nous avons aussi recours à d'anciens glossaires argotiques, dont, en l'occurrence, l'ouvrage d'O. Chereau. Tout ce matériel assemblé nous permet de mener une réflexion sur la morphologie du lexique non standard4 contemporain prenant en compte les incidences historiques de l'évolution de la langue : évolutions morphologiques, phonologiques, emprunts, etc. En ce qui concerne l'ouvrage que nous présentons aujourd'hui, nous examinerons uniquement les mots composés ou dérivés présentant des formants particuliers, à l'exclusion des métaphores et tropes en général que l'on rencontre déjà dans ce recueil ancien de quatre siècles, le but de notre travail étant une recherche morphologique, une réflexion sur la formation des mots, combinée nécessairement à des recherches étymologiques dans la mesure où il est indispensable, dès que l'on travaille sur du matériel ancien – et a fortiori sur du lexique marginal –, de s'appuyer sur les bases philologiques les plus sûres possibles afin de conduire un raisonnement morphologique non contestable. La diachronie, éclairant le mécanisme historique de formation des mots, apparaît donc comme un outil d'aide à la réflexion sur les règles morphologiques contemporaines. Présentation de l'ouvrage Nous n'avons guère de renseignements sur Olivier Chereau ; on sait que l'auteur du glossaire intitulé Le Jargon de l'argot reformé était drapier à Tours. L'ouvrage en lui-même est un opuscule d'une soixantaine de pages comportant une brève préface, le glossaire proprement dit (avec des gloses de l'auteur), une description des activités délictueuses des locuteurs de cet argot, un dialogue entre deux argotiers et des documents divers, dont des chansons argotiques. 1 Nous avons choisi le terme formants utilisé par B. Fradin dans son dernier ouvrage (Fradin 2003a:72). 2 Nous choisissons le terme générique de populaire pour identifier les unités lexicales ne relevant pas du registre standard, qu'elles soient enregistrées dans la lexicographie sous les étiquettes de "familier", "populaire" ou "argotique". 3 Précisons que nous sommes en première année de doctorat. 4 À l'exclusion des langages que nous qualifierions de non spontanés comme le verlan, le largonji, le loucherbem, le javanais. Le texte sur lequel nous avons travaillé se trouve dans un ouvrage de Lazare Sainéan (Les sources de l'argot ancien, 1912), chercheur qui se consacra en grande partie à l'étude du parler populaire. Il s'agit de la plus ancienne version conservée, que l'on date généralement de 16285. Nous disposions également d'une édition de 1740 mais nous avons choisi de prendre en compte celle de 1628, en raison naturellement de sa plus grande ancienneté, mais aussi par méfiance envers les versions ultérieures, qui ont été – en particulier celles parues au cours du XIXe siècle – enrichies de termes dont l'origine argotique est douteuse.6 Avant tout développement sur le contenu, le titre de l'ouvrage lui-même mérite quelques mots d'explication : le sens que le terme argot avait il y a quatre cents ans doit être précisé. En effet, au XVIIe siècle, argot n'est pas synonyme de jargon ; le mot désigne l'ensemble des "gueux". La mention d'argot reformé indique donc qu'il y aurait eu, à cette époque, une sorte de constitution nouvelle de cette confrérie et de réaffectation des diverses "tâches" de mendicité et de truanderie à des groupes de "gueux" nouvellement constitués, ce qui est donc l'un des thèmes principaux de l'ouvrage de Chereau. Le Jargon de l'argot reformé apparaît donc comme le parler propre à une nouvelle organisation du monde de la mendicité et de la truanderie. L'intégralité de l'ouvrage a été prise en compte. Le glossaire est composé de 216 entrées glosées, ce qui ne pourrait que difficilement être considéré comme un lexique exhaustif du parler argotique de l'époque (on peut en effet supposer qu'il était plus fourni). Outre le fait que ce glossaire est succinct, d'autres raisons nous ont conduite à ne pas exclure de notre étude les synapsies ou les mots composés, notamment le fait que ceux-ci sont formés soit de termes inconnus aujourd'hui qu'il nous a semblé intéressant d'étudier, soit de termes ayant survécu sous des formes différentes. Faire des coupures parmi un si faible nombre d'entrées aurait certainement rendu l'ensemble trop peu étoffé pour être représentatif. En effet, nous considérons également que ce recueil doit être étudié dans son intégralité car il nous paraît représentatif, dans ses choix lexicaux – Chereau a forcément dû en faire –, de ce que devait être le lexique argotique du début du XVIIe siècle : les thèmes principaux sont la truanderie, la nourriture, la représentation des autorités, civiles, religieuses et royales. L'ordre des mots, tels que ceux-ci se présentent dans le tableau synoptique donné en annexe de cette étude, est alphabétique. Cependant, à l'intérieur de chaque lettre initiale, on remarquera que ce même ordre alphabétique n'est pas scrupuleusement respecté. Nous avons en effet reproduit l'ordre donné par Sainéan, lequel est lui-même fidèle à celui imprimé dans l'ouvrage de référence, un ordre alphabétique non strict. Signalons que les gloses données par Chereau ont été fidèlement recopiées à l'identique, sans changer ni la forme ou le sens, ni la syntaxe ou l'orthographe. Sur un total général de 216 entrées dans le glossaire, nous avons retenu ici 82 entrées, unités lexicales ou synapsies dont l'un des deux éléments, voire les deux, apparaît comme mot complexe construit. Ceci donne un pourcentage de près de 38 % du nombre total des entrées. Nous avons également pris en considération des mots présents dans les autres parties de l'ouvrage (dialogues, chansons et descriptions) ; ils sont au nombre de 15 (également présents en annexe). Nous n'examinerons pas tous ces termes en détail ici ; nous allons présenter ceux d'entre eux que nous estimons exemplaires des questions que la morphologie peut se poser au sujet de ce genre de lexique. Enfin, nous tenons à faire une dernière remarque avant de développer : le lexique populaire ou argotique pose de très nombreux problèmes d'ordre étymologique. Aussi nous semble-t-il nécessaire, avant toute étude morphologique de ce lexique, d'établir avec le plus de sûreté possible l'étymologie des termes étudiés. C'est pour cette raison que la difficulté majeure fut d'opérer un tri parmi les termes de l'ouvrage. En effet, comment savoir si, pour tel ou tel mot, nous sommes en présence d'un mot complexe, construit ou non, ou d'un mot simple ? Cette question se pose continûment car le recueil présente un grand nombre de termes d'étymologie incertaine, sinon inconnue. Toutes ces étymologies n'ont pas encore été éclaircies, et les termes donnés en annexe comme mots complexes présentant un ou plusieurs affixes, standard ou populaires, le sont donc sous toutes réserves. Le Jargon de l'Argot reformé est donc un bon terrain d'expérimentation pour la question de la composition lexicale, puisque, en effet, la tâche la plus ardue consiste à identifier les formants entrant dans la composition des termes de l'ouvrage. L'investigation est compliquée par le fait que, si plusieurs termes sont bien identifiés comme étant des emprunts à des langues étrangères ou à des variétés régionales de français ou à des patois, ou encore des survivances de l'ancien français, il reste difficile de se prononcer avec 5 "La première édition de cet opuscule est perdue ; celle dont nous venons de citer le titre, est sans date. Les bibliographes la placent généralement vers 1628." (Sainéan 1912:177, 1er vol.). 6 Nous avons ainsi tenu compte des mises en garde que L. Sainéan adresse au lecteur au fil des deux tomes de son ouvrage ; en effet, il a parfois été mis au jour la présence de mots (dans les rééditions du glossaire de Chereau aussi bien que dans d'autres recueils) qui n'ont jamais existé ni n'ont été, a fortiori, utilisés dans la langue populaire. 2 assurance sur l'étymologie de plusieurs termes, ceci entraînant le risque d'identifier un affixe ou un autre type de formant7 là où ce n'est pas le cas. uploads/Philosophie/ conference-1er-avril-2005-version-internet.pdf

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