Diana GRADU, Cours de civilisation française médiévale 1 Cours de civilisation

Diana GRADU, Cours de civilisation française médiévale 1 Cours de civilisation française médiévale I. Culture et civilisation. Le modèle français Le terme de civilisation est, dans toutes les langues, assez ambigu. Par civilisation, notion chargée d’ethnocentrisme, on comprend le stade auquel sont arrivées les cultures pendant leur évolution. Ce qui distingue une civilisation d’une culture est la « révolution urbaine », à savoir l’apparition de la cité (de la ville) en tant que centre des activités économiques, politiques, sociales et cérémoniales. Par la suite, on peut parler de civilisations précolombiennes (aztèque, maya, inca) ou de civilisation chinoise, mais de cultures dogon, pueblo, etc. Parfois, on comprend par civilisation un état de la société qui présente des traits culturels spécifiques : civilisation paléolithique, hellénistique ou indienne. Le terme de civilisation est utilisé aussi en tant qu’aire culturelle. La civilisation, lato sensu, est une somme de modes de vie individuels et collectifs, d’actes, d’œuvres, d’événements vécus et conçus par un ensemble de gens qui vivent, d’une génération à l’autre sur un territoire donné, à l’intérieur d’une longue histoire. Il s’agit d’une totalité, plus ou moins cohérente, d’un ordre, plus ou moins parfait, saisis et affirmés de manière consciente, par des idées, sentiments, mœurs, valeurs. Une civilisation est un ordre spirituel, animé par la conscience collective. La civilisation, stricto sensu, est représentée par les sciences, id est par la totalité des procédés de connaissance qui visent un objet de référence spécifique, la réalité naturelle et les résultats de ces procédés, autrement dit, les techniques et/ou la technologie. Quant à la culture, ce terme englobe les notions d’ethnie, de tribu, de société ou de civilisation. On a enregistré, jusqu’à présent, plus de 300 définitions, mais, il faut dire que la culture se retrouve au sein de la civilisation lato sensu. La culture comprend la totalité des valeurs, des normes et des buts d’une communauté humaine, les actions et les œuvres que celle-ci les anime. Autrement dit, la culture exprime l’activité créatrice de l’homme et sa liberté. La meilleure définition de la France est donnée par sa culture. Elle suppose l’existence de l’homme, entité foncièrement libre à l’intérieur d’une culture. Le désir permanent de l’homme de comprendre et d’évaluer afin de trouver son propre sens voit son apogée dans une philosophie, le plus souvent vécue. Jusqu’à la fin du Moyen Âge il n’y avait pas une philosophie française, anglaise, allemande, etc., mais une philosophie européenne dont l’instrument d’expression était le latin. Les maîtres philosophes étaient itinérants et ils exprimaient, de manière timide, les cultures, nationales. L’usage du français a contribué à l’apparition des caractères propres à la philosophie française, à savoir la rigueur des structures logiques, l’exigence de clarté, le degré élevé d’analyse, de synthèse et d’abstraction, etc. Diana GRADU, Cours de civilisation française médiévale 2 Au XVIIIe siècle, Rivarol, dans son Discours sur l’universalité de la langue française (1784) voulait transformer le français en langue universelle. À partir du XVIIe siècle, la philosophie française prend distance par rapport à la culture grecque et à la culture latine, en devenant l’expression d’une culture moderne. Cette prise de conscience aboutira, en passant par la dispute entre les Antiques et les Modernes, à une philosophie du progrès et de la liberté de pensée. Le premier qui marque le triomphe de la pensée indépendante c’est Michel de Montaigne (1533-1599), auteur des Essais (1580-1595). René Descartes (1596-1650) dans Discours sur la méthode (1637) avance l’idée du progrès grâce aux sciences. La même idée est reprise par Blaise Pascal (1623-1662). Dans ses Pensées (publication posthume, 1670) Pascal évoque les Anciens et les générations précédentes, dont les épaules servent aux héritiers (symboliques) pour voir plus loin dans le temps et pour progresser. La philosophie de l’histoire a été inventée par Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), celui qui a mis en circulation l’idée et le terme de perfectibilité, un autre nom donné à la liberté créatrice. Des écrits de Jean-Jacques Rousseau on retient Discours sur les sciences et les arts (1750), Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1754), et le fameux Contrat social (1762, Du Contrat social ou Principes du droit politique). On retrouve des parallélismes et des prolongements de la pensée de Rousseau (en matière de philosophie politique) chez Condorcet (1743-1794) surtout dans Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (publication posthume, 1795). Les philosophes allemands Immanuel Kant (1724-1804) et Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) vont continuer et approfondir ces idées de philosophie politique. Le XIXe siècle sera dominé par le positivisme d’Auguste Comte (1798-1857), celui qui fonde aussi la sociologie, en tant que discipline indépendante. Dans ses œuvres Cours de philosophie positive (6 volumes, 1830-1842), Système de politique positive (4 volumes, 1851-1854), Catéchisme positiviste (1852), en dépit d’une conception biologisante et mécaniciste, Auguste Comte affirme l’unité du genre humain et l’unicité du devenir de son histoire. La pluralité des civilisations et des cultures – négligée par Auguste Comte – sera mise en évidence, après 1850, par les découvertes de la linguistique et de l’ethnologie et de la sociologie comparée. La civilisation occidentale a quelques traits dominants, façonnés et modelés aussi par le Moyen Âge, et retrouvés dans les grandes tendances de la culture française. Il s’agit, tout d’abord, de l’idée d’un ordre éternel du monde, un ordre préétabli, harmonieux et intelligible où la science et la métaphysique font corps commun et où la justice, la beauté et le bonheur s’unissent. C’est l’héritage gréco-latin. Diana GRADU, Cours de civilisation française médiévale 3 Deuxièmement, on parle de l’idée de Dieu unique, éternel, créateur d’un monde où l’homme, en tant qu’être imparfait, vit, en égale mesure, le péché et la rédemption, car il est capable de pardon, de salut et d’espoir. C’est l’héritage judéo-chrétien. Troisièmement, on constate la permanence de l’effort de connaître et de maîtriser la nature afin de construire un ordre du monde typiquement et essentiellement humain. Cet effort, qui tend à créer une forte civilisation matérielle, au détriment des valeurs humaines ou sacrées, par la perte de la finalité humaniste de chaque culture, est accompagné, contrôlé et équilibré par l’effort parallèle de maintenir et de défendre l’originalité et la liberté de création de chaque culture particulière. Les valeurs spécifiques de la culture française sont dominées par la clarté qui définit l’esprit philosophique français. Il ne faut pas oublier la définition des idées claires chez Descartes, l’importance donnée à la méthode, placée de manière continue dans un ordre du monde où la raison se constitue en principe d’existence et en principe d’intelligibilité. On y ajoute l’esprit de liberté qui affermit l’esprit critique et l’esprit d’opposition et qui s’incarnent dans l’affirmation du moi, dans la manifestation de l’individualité, dans la maîtrise de soi et dans le sens de sa propre responsabilité. Nous avons toujours la possibilité du choix, de dire oui ou non, d’affirmer le libre arbitre. Cette liberté intellectuelle est le fruit d’une décision ferme et constante d’agir au sens du bien, de la générosité, de l’estime justifiée envers les autres, d’agir aussi en respectant la vérité et la raison. De même, l’indépendance et la primauté de l’esprit se retrouvent dans tous les secteurs de la culture française. L’esprit se manifeste comme substance et comme principe d’existence et d’éclaircissement. L’humanisme français est un art de penser et de vivre : les formes et la méthode sont aussi importantes que le contenu. L’esprit français signifie ordre et grâce, rigueur et simplicité, clarté et propension vers l’essentiel. Il peut unir le respect pour le particulier et pour l’original à la volonté d’universalité. Une civilisation est la présence du passé dans notre présent. Notre vie actuelle est le résultat d’un long processus historique, transmis de génération en génération, modifié et enrichi, de manière progressive, par des apports nouveaux et dont nous sommes les héritiers. En ce qui concerne la France (et l’Europe, en général), il s’agit d’un riche héritage historique. L’organisation politique actuelle, c’est-à-dire la démocratie, la notion d’état, la centralisation, la souveraineté du peuple, etc., ont leurs racines dans la civilisation grecque. Il ne faut pas ignorer, également, l’apport de la civilisation romaine, en question de droit, d’état, d’unité impériale, de villes et cités romaines. Diana GRADU, Cours de civilisation française médiévale 4 Le modèle de la monarchie absolue, présent dès le Moyen Âge, a laissé des traces, tout comme les grands courants d’idées du XVIe siècle, l’Humanisme, la Renaissance, la Réforme. Il faut y ajouter les grandes conquêtes de la Révolution Française, l’idée de liberté, de souveraineté et d’état moderne. Le système de production actuel, capitaliste, trouve ses origines au XVIe siècle et dans la Révolution Industrielle. Les croyances religieuses – le monothéisme, l’organisation de l’Eglise, en tant qu’institution, la construction des monuments religieux, la Réforme et ses conséquences sur la civilisation européenne – remontent à l’histoire du peuple juif et à la religion du Dieu unique. Le christianisme et la promesse du salut viennent après, et, certes, la civilisation médiévale continue ce processus d’évolution, en conservant la dimension chrétienne. Le système d’enseignement actuel a ses origines au Moyen Âge et à la Renaissance et, bien après, uploads/Philosophie/ cours-de-civilisation-francaise-medievale.pdf

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