Revue européenne des sciences sociales Numéro XLIV-135 (2006) Citoyenneté et dé

Revue européenne des sciences sociales Numéro XLIV-135 (2006) Citoyenneté et démocratie providentielle ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Beate Collet Pour l’étude des modes d’intégration entre participation citoyenne et références culturelles ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Beate Collet, « Pour l’étude des modes d’intégration entre participation citoyenne et références culturelles », Revue européenne des sciences sociales [En ligne], XLIV-135 | 2006, mis en ligne le 01 août 2006. URL : http:// ress.revues.org/258 DOI : en cours d'attribution Éditeur : Librairie Droz http://ress.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://ress.revues.org/258 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. © Librairie Droz La présente contribution se propose de retracer le cheminement intellectuel autour d’un concept, l’«intégration» et sa mise en œuvre dans une typologie des modes d’intégration. Ce cheminement est d’abord interpersonnel, entre une direc- trice de thèse et sa doctorante. Quand je suis venue voir Dominique Schnapper en 1987 avec le projet d’une étude comparative des mariages mixtes en France et en Allemagne dans le cadre d’un DEA, j’ai tout de suite senti son intérêt pour le sujet et pour la comparaison, mais aussi sa circonspection concernant la réalisation de l’entreprise. Rétrospectivement, je peux dire aujourd’hui que mes recherches s’inscrivent dans la droite ligne des travaux de Dominique Schnapper. J’y ai puisé de l’inspiration théorique et méthodologique et j’y ai adhéré grâce à son style pédagogique particulier imposant rigueur de raisonnement et précision quant à la production des données. Ce cheminement intellectuel est aussi devenu scientifique dans la mesure où il a cherché à combiner l’ensemble de ces apports pour en faire une conceptuali- sation qui m’est personnelle, afin de la confronter ensuite aux réalités empiriques d’une enquête originale auprès de conjoints étrangers de couples mixtes en France et en Allemagne qui, à leur tour, ont permis d’affiner la théorisation. J’ex- poserai ci-dessous en introduction, les trois domaines (intégration, approche théorique, idéal-type) dans lesquels l’influence de la sociologie de Dominique Schnapper a été décisive pour la suite de mes travaux, pour ensuite développer dans le corps de l’article ma mise en œuvre de ces apports théoriques et métho- dologiques. Au moment où j’étais en train de mettre en place ma comparaison France- Allemagne en proposant une double enquête empirique cadrée par des réalités juridiques, Dominique Schnapper était membre de la Commission des Sages char- gée de réfléchir à une réforme du Code de la nationalité1. Pour formuler des pro- positions, la commission était amenée à confronter la législation française aux dis- positions existantes dans d’autres pays européens afin de trouver des explications concernant les différences dans les histoires nationales spécifiques. * Sociologue, maître de conférence à l’Université Lyon 2. 1 Commission installée par le Premier ministre (Jacques Chirac) en juin 1987 sous la présidence de Marceau Long, vice-président du Conseil d’Etat. Entre le 18 septembre et le 16 octobre 1987, la commission a procédé à de très nombreuses auditions publiques et le 7 janvier 1988 a été remis au Premier ministre le rapport des travaux de la commission intitulé: Etre français aujourd’hui et demain, La Documentation française, Paris. Beate COLLET* POUR L’ÉTUDE DES MODES D’INTÉGRATION ENTRE PARTICIPATION CITOYENNE ET RÉFÉRENCES CULTURELLES Revue européenne des sciences sociales, Tome XLIV , 2006, N° 135, pp. 93-107 L’intégration était alors politiquement le mot d’ordre et suscitait de vifs débats publics. Dans le séminaire de Dominique Schnapper à l’EHESS son utilisation politique et sociale était déconstruite et son héritage sociologique rappelé. La France de l’intégration (1991) attestera ensuite des réflexions issues de ces séances. Un chapitre est consacré aux conceptions française et allemande de la nation, basé sur un travail d’analyse historique et philosophique, réflexion que Dominique Schnapper approfondira dans La communauté des citoyens (1994). Sa perspective comparative m’a été fort utile pour élaborer le cadrage structurel et national de mon enquête empirique. Avec d’autres, j’ai participé à ce débat sur l’intégration et il s’est avéré très rapidement que ce concept pour- rait constituer le dénominateur commun d’une recherche comparative franco- allemande. En ce qui concerne l’orientation théorique de la sociologie de Dominique Schnapper, je garde le sentiment que ses étudiants disposaient d’une relative liberté dans le choix de leurs approches théoriques. La sociologie préconisée met- tait toutefois clairement les acteurs au centre de l’analyse, sans pour autant méconnaître le poids des structures et surtout de l’histoire. Les choix théoriques des doctorants étaient diversifiés, je me souviens autant des références à Weber et Goffman, qu’à Berger et Luckmann ou plus classiquement, en sociologie fran- çaise, à Durkheim, Boudon ou Crozier. Aujourd’hui je pense que j’étais particu- lièrement sensible à ces courants car, laissant une place au libre arbitre de l’indi- vidu, ils étaient en phase avec mon expérience sociale: immigrée en France et en ascension sociale par les études, j’étais plutôt attirée par l’analyse des phéno- mènes de non-reproduction sociale. Quant à la méthodologie, l’analyse idéal-typique de Max Weber était très présente au séminaire. Dominique Schnapper avait elle-même analysé plusieurs enquêtes grâce aux typologies, notamment Juifs et Israélites en 1980 et L’Epreuve du chômage en 1981, qui nous servaient de modèles. Régulièrement les doctorants ou les anciens doctorants présentaient leurs typologies élaborées à partir de l’ana- lyse des expériences vécues des acteurs interrogés. Les séances des séminaires ser- vaient à expliciter la théorisation proposée et permettaient de revenir sur les prin- cipes de base de son élaboration. Progressivement la méthode typologique s’est imposée à moi comme le meilleur moyen pour dépasser l’analyse thématique simple et d’avancer dans la ‘compréhension sociologique’ (titre choisi par D. Schnapper pour son manuel au sujet des typologies, 1999). En élaborant une typo- logie dans ma thèse pour ensuite l’appliquer à mon matériau empirique, j’ai éprouvé concrètement le saut théorique que permettent les idéaux-types dans le passage de la description à l’analyse. Cet article sera donc l’occasion de rappeler comment j’ai utilisé le concept d’intégration. Je commence par le nécessaire dépassement des prénotions autour de la notion d’intégration, avant d’exposer les différents apports théo- riques qui ont contribué à forger mon approche conceptuelle, pour ensuite pré- senter la typologie des modes d’intégration. Cette typologie, conformément au cadre théorique proposé, conçoit les modes d’intégration comme des articula- tions spécifiques entre la participation citoyenne et des références culturelles ou ethniques. Aujourd’hui, plus de dix ans après la réalisation de l’enquête empirique, les données concrètes ont nécessairement vieilli, notamment les réalités juridiques 94 BEATE COLLET auxquelles sont confrontées les étrangers ont changé, et les cadres nationaux, français et allemand, ont évolué notamment sous l’influence de l’harmonisation européenne. Toutefois, il s’avère que la typologie proposée dans ma thèse en 19962 garde sa valeur heuristique et pourra même, on le verra dans la conclusion de l’article, servir de cadre d’analyse à d’autres populations, qu’elles soient issues de l’immigration ou non. ROMPRE A VEC LES PRÉNOTIONS DU MONDE SOCIAL ET POLITIQUE Alors que le concept de l’intégration dispose d’un héritage sociologique solide depuis les travaux de Durkheim, on constate aujourd’hui que son usage dans le monde social et politique lui confère un sens flou et réducteur qui fait en quelque sorte obstacle à son utilisation sociologique. Les écueils à une conceptualisation relèvent au moins de trois registres différents: le sens commun utilise ‘intégra- tion’ comme un jugement de valeur, les représentations sociales et politiques en ont fait un concept réservé aux immigrés et de nombreuses études sociologiques l’ont mobilisé sans interroger ce sens commun ou politique. Le terme ‘intégration’ est couramment utilisé dans le langage commun pour qualifier l’adaptation des immigrés à la société d’accueil. En général, on évoque la bonne intégration par opposition à son corollaire péjoratif, l’absence d’intégra- tion. L’invisibilité sociale et culturelle des immigrés – et de leurs descendants – sans être clairement exprimée comme telle, semble le but à atteindre. Cette exi- gence de conformité est aux antipodes des libertés d’expression et de style de vie proclamées par ailleurs. Jugement de valeur par excellence, la prétendue «bonne intégration» est établie par rapport aux normes en vigueur dans le milieu social et culturel de celui qui l’énonce et fait bien souvent l’amalgame avec la réussite sociale. Progressivement l’intégration apparaît comme une thématique qui concerne- rait exclusivement les populations issues de l’immigration, comme si la partici- pation à la société (aux différentes instances de socialisation) et la conformité aux normes, qu’elles soient générales ou partielles, ne se posaient pas à tout un chacun. Les politiques dites «d’intégration» mises uploads/Philosophie/ modes-d-x27-integration-entre-participation-citoyenne-et-reference-culturelle.pdf

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