1 La dissertation 1. Introduction La dissertation est l’exposé cohérent et rigo

1 La dissertation 1. Introduction La dissertation est l’exposé cohérent et rigoureux d’une pensée sur un sujet donné. Le plus souvent, elle porte sur des sujets de controverse, pour lesquels une réponse unique et définitive n’existe pas ; on ne disserte pas sur un fait, mais sur le sens et la valeur qu’on lui attribue. La dissertation est un exercice qui suppose la discussion : il s’agit, face à des thèses qui se contestent, s’opposent ou se complètent, de définir le point de vue qui paraît préférable, puis de justifier celui-ci de manière raisonnée et convaincante, tout en réservant une place équitable aux objections éventuelles. La dissertation est un exercice qui requiert l’implication intellectuelle de son rédacteur ; l’exaltation lyrique n’y a pas sa place, pas plus que le ton objectif propre aux exposés scientifiques. La dissertation est un texte de type argumentatif. Il s’agit de rallier à la thèse que l’on veut défendre un interlocuteur qui n’est pas forcément acquis d’avance. La dissertation se distingue ainsi de trois types de textes, soit du texte d’exposition, qui se limite à transmettre des informations sans que l’auteur prenne parti dans l’exposé, du texte injonctif, qui exprime des ordres ou des conseils, et du texte polémique, dont la visée critique suscite ordinairement un débat vif entre parties clairement opposées. 2. Le plan Analyse du sujet La toute première démarche consiste à dégager le domaine, ou thème, sur lequel porte l’énoncé. De quoi l’auteur de la citation nous parle-t-il, de la vie, de la mort, de la fonction de l’art ou du rôle de la science ? Une fois le domaine défini, une étude attentive de l’énoncé doit permettre de déboucher sur une reformulation de la thèse : quel propos spécifique l’auteur nous tient-il au sujet de la vie ou du rôle de la science ? « On vient au monde tous les matins. » Ionesco « Le quotidien démolit tout. » Brel Ces deux énoncés traitent du même domaine, le temps vécu, ou plus précisément le présent récurrent que constitue chacune de nos journées ; ils proposent en revanche deux thèses radicalement différentes, dont on notera globalement le caractère respectivement optimiste ou pessimiste. La simple lecture de l’énoncé nous livre généralement une première intuition de son sens. Mais tous les énoncés n’offrent pas un accès aussi direct que ceux de Ionesco et de Brel d’une part, d’autre part même dans le cas d’énoncés apparemment limpides, il est indiqué de vérifier son intuition par une démarche plus systématique. On commencera par étudier la structure de l’énoncé : certains mots sont-ils mis en opposition, ou au contraire posés comme équivalents ou associés ? Ces mots sont-ils, dans le contexte de l’énoncé considéré, porteurs d’une connotation positive ou négative ? 2 Pour saisir les nuances de la thèse, on se penchera attentivement sur toutes les caractéristiques formelles de l’énoncé qui concourent à lui donner son sens bien particulier : choix de termes, temps verbaux, syntaxe, ponctuation, procédés stylistiques (comparaisons et métaphores notamment), ton... La bonne compréhension de l’énoncé tient parfois à un mot ou à une modalité grammaticale. « On jugerait bien mieux un homme sur ce qu’il rêve que sur ce qu’il pense. » Hugo L’emploi du conditionnel doit être relevé, qui condense en lui plusieurs significations contiguës : a) on ne juge pas les hommes sur ce qu’ils rêvent ; b) on devrait le faire ; c) on a tort d’obéir à l’idée reçue qui réduit l’identité individuelle à la pensée et néglige ainsi le vaste champ de l’imaginaire. Enfin, il importe le cas échéant de décoder toute image présente dans le sujet, en veillant à se maintenir dans le contexte de l’énoncé plutôt qu’à interpréter l’élément imagé au gré de son inspiration ou à l’aide d’un dictionnaire de symboles. Au terme de ces différentes étapes de l’analyse, on devrait être en mesure de reformuler la thèse, c’est-à-dire de traduire l’énoncé en une formulation brève, précise et claire, directe (non imagée). Dans un deuxième temps, l’analyse du sujet doit viser à clarifier le cadre de la discussion qui suivra, en approfondissant la réflexion sur les valeurs affirmées dans l’énoncé (les connotations positives ou négatives), pour en saisir la dimension critique : la présence d’une vision personnelle de la réalité, de ce qu’elle est ou de ce qu’elle devrait être. On ne disserte pas sur des faits, mais sur des jugements de valeur. Une compréhension fine et complète du sujet est décisive pour toute la suite du travail. Si l’analyse de l’énoncé est mal conduite, la discussion manquera forcément de pertinence. Problématique Etape aussi essentielle que l’analyse du sujet, elle consiste, comme son nom l’indique, à transformer l’affirmation contenue dans l’énoncé en problème, donc en quelque chose qu’on peut mettre en doute et critiquer. Bien posée, la problématique dessine l’ensemble de la démarche qui suit : si les questions sont judicieusement choisies et ordonnées, les réponses développées pourront former un ensemble cohérent. Quelques règles directrices simples peuvent être énoncées pour ce travail de problématisation. Nous nous servirons de cet énoncé de Gide pour illustrer cette étape : « Quiconque aime vraiment renonce à la sincérité. » A) Pour formuler des questions pertinentes : - Laisser de côté autant que possible les questions qui paraphrasent l’énoncé en l’accompagnant d’un « est-ce que vraiment … ? (une interrogation de ce type ne permet pas un recul critique) Gide a-t-il raison de dire qu’aimer c’est renoncer à être sincère ? - S’assurer que chacune des questions posées renvoie bien à la thèse de l’auteur et non au seul domaine délimité par l’énoncé 3 Qu’est-ce que l’amour ? - Éviter les questions fermées (auxquelles on peut se contenter de répondre par oui ou non) N’est-il pas toujours mauvais de mentir ? - Leur préférer des questions ouvertes qui stimulent la réflexion Qu’est-ce qui peut pousser à la dissimulation dans la relation amoureuse ? - S’efforcer de varier l’orientation du questionnement, en adoptant tantôt le point de vue de l’auteur, tantôt un point de vue différent ou carrément opposé. B) Pour constituer la problématique à partir d’une liste de questions : - Ne pas abuser du questionnement pour éviter de perdre la maîtrise synthétique du problème : une bonne problématique comprend trois à quatre questions, pas davantage ; - Peser soigneusement l’ordre des questions, de manière à permettre une véritable progression dans la démarche - Se souvenir que la problématique est toujours solidaire de l’objectif argumentatif, et qu’elle ne peut déboucher indifféremment sur une conclusion favorable à la thèse de l’auteur ou l’inverse. Il est de ce fait nécessaire de reconnaître d’une part les questions qui pourront introduire une concession, d’autre part celles qui permettront d’objecter. Rédaction du plan Arrivé à ce point du travail de défrichement, il devient possible et nécessaire d’en condenser le résultat sous forme écrite, de manière à avoir sous les yeux l’ossature du travail global. Le plan doit être court, et clair. Après la problématique, on y trouvera, esquissés, les principaux arguments qui constitueront les réponses aux questions posées, c’est-à-dire la réflexion proprement dite. 3. L’introduction L’introduction a pour but de définir, avec exactitude et honnêteté, la position adoptée par l’auteur dans la citation qui constitue le sujet de la dissertation. Le matériau de l’introduction est fourni par l’analyse de l’énoncé. L’introduction signalera, dans tous les cas, quel est le domaine délimité par le sujet ; de même, elle devra faire état de la thèse qu’il propose. Il ne s’agit pas d’être exhaustif : une introduction gagne à être courte. On sélectionnera donc, parmi les diverses orientations que peut prendre l’analyse, celles qui sont le mieux à même de dégager la spécificité et les enjeux du sujet. Cette mise en relief prépare la discussion à venir : elle en souligne l’intérêt, en fixe le cadre et permet ainsi au débat de prendre appui sur des bases pertinentes. En résumé, l’introduction doit rapidement situer et poser le problème. 4 4. L’argumentation Définitions On entend par argument tout élément du discours destiné à susciter ou à accroître l’adhésion à la thèse proposée ; tout argument est donc toujours orienté vers une conclusion qui en constitue l’objectif argumentatif. L’efficacité d’un argument dépend de sa pertinence et de son poids dans la discussion. Il est donc essentiel de montrer clairement le rapport de chaque argument avancé avec le sujet et d’adapter le développement qui lui est consacré à son importance dans le débat. Certains types d’arguments sont à manipuler prudemment, d’autres à éviter carrément : - L’argument d’autorité, par lequel on se réfère à X…, ou à l’avis général, ou à la « science », comme à autant d’autorités incontestables ; un tel argument n’est pas dépourvu d’intérêt, mais il ne peut suffire à accréditer une thèse. « Sigmund Freud l’a prouvé : la sincérité n’existe pas en amour. » - L’argument relativiste est toujours tentant parce que passe-partout, mais peu intéressant précisément pour cette raison ; il a pour effet d’inhiber toute réelle discussion. « La manière d’aimer dépend des gens et des caractères et chacun a uploads/Philosophie/ cours-sur-la-dissertation.pdf

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