LE STRUCTURALISME : UNE DESTITUTION DU SUJET ? Étienne Balibar Presses Universi

LE STRUCTURALISME : UNE DESTITUTION DU SUJET ? Étienne Balibar Presses Universitaires de France | « Revue de métaphysique et de morale » 2005/1 n° 45 | pages 5 à 22 ISSN 0035-1571 ISBN 9782130550402 DOI 10.3917/rmm.051.0005 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2005-1-page-5.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Je soutiens que le structuralisme ne se caractérise pas par une position objectiviste, mais par la relance de la tentative pour produire une « genèse » ou une « construction » du sujet au sein de structures transin- dividuelles, et donc pour y voir un système d’effets au lieu d’une cause originaire. Cette conversion d’un point de vue du sujet constituant au point de vue du sujet constitué explique l’importance des modèles linguistique, psychanalytique et anthropologique, ainsi que d’une certaine interprétation du marxisme comme théorie de l’imaginaire social chez les structuralistes. Quant au post-structuralisme, il déploie un mouvement de rectification, en présentant les limites de la subjectivité, qui impliquent la dissolution de la « normalité » et la mise à jour de la violence inhérente au processus de constitution, comme des « différences » pures qui engendrent l’activité et la passivité. Ce second mouvement contribue de façon décisive à conférer au structuralisme, non seulement une portée épistémologique, mais aussi une orientation éthique. ABSTRACT. — « Structuralism » is used here in a broad sense. It includes the works of Levi-Strauss and Barthes as well as Althusser, Lacan and Foucault. I see it, not as a system or a school, but as a movement, and I include « post-structuralism » (Derrida or Deleuze) within the scope of structuralism itself, as a « definite negation » of certain initial assumptions. I defend the thesis that Structuralism was not characterized by its « objectivist » stance, or its refusal to acknowledge the importance of the category of the Subject, but by its renewed effort at producing a « genesis » or « construction » of the subject within transindividual structures, therefore viewing it as a complex system of « effects » rather than an originary « cause ». This conversion form the constituent to the constituted subject explains the importance of the linguistic, psycho-analytical and anthropological models, but also of a certain understanding of Marxism as a theory of the social imaginary. Post-structuralism displays a second internal movement, whereby the « limits » of subjectivity (particularly inasmuch as they involve a dissolution of the « normality » of the structures and a reflection on the violence of the constitution process) are presented in terms of pure « differences » involving both activity and passivity. It is this second movement which contributes decisively to grant structuralism, not only an epistemological, but also an ethical philosophical relevance. Revue de Métaphysique et de Morale, No 1/2005 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 189.6.253.255) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 189.6.253.255) L’exposé que je veux présenter ici 1 constitue simplement de ma part une tentative pour ordonner un certain nombre de textes (notion que j’installe par hypothèse entre celle d’œuvre et celle d’énoncé, de telle façon que ces deux possibilités, d’extension vers la totalité ou de restriction vers l’élémentaire, y soient bien impliquées, mais que ne soit présupposée a priori ni l’unité des œuvres en question, repérables par leurs auteurs ou groupes d’auteurs, ni l’uni- vocité des énoncés, soumis à l’inévitable dissémination de la lecture et du réemploi). Cette perspective d’assemblage et d’interprétation des textes corres- pond de ma part à un objectif pratique, quasiment professionnel, qui constitue l’arrière-plan immédiat et la condition de possibilité de mon intervention. Je veux parler de l’obligation où je me trouve en ce moment (en vertu d’un contrat signé avec un éditeur américain) de réaliser – dans des limites à la fois très généreuses et pourtant, au bout du compte, assez contraignantes pour qu’il faille aller à l’essentiel – une anthologie de la philosophie française de l’après-guerre (Postwar French Philosophy), disons de 1950 à 1980 (même si ces dates conven- tionnelles exigent immédiatement d’être assouplies pour faire surgir certains enchaînements, certaines bifurcations ou manifester certains effets en retour significatifs). Le fait que je me trouve associé dans cette entreprise avec un collègue d’une autre nationalité et d’une autre formation que la mienne (John Rajchman) garan- tit à certains égards que les sélections faites ne traduisent pas un parti pris trop étroit, mais il n’empêche évidemment pas qu’il nous ait fallu imposer à notre description, à notre « classement », des protocoles de simplification par défini- tion contestables. Le bénéfice qu’on peut en attendre, c’est de marquer aussi nettement que possible des hypothèses relatives aux tendances et aux problèmes cruciaux pour la philosophie française dans la période considérée, qui ne se confondent évidemment pas avec un recensement d’écoles et de débats. Au bout du compte, mon hypothèse principale est que le structuralisme – je vais dire en quel sens il faut entendre ce terme – aura été le moment vraiment marquant, pour ce qui est de la philosophie, dans la pensée française de la deuxième moitié du XXe siècle. Ce qui, si l’on peut en étayer l’affirmation, suffirait à indiquer que, bien que nous trouvant d’ores et déjà dans la position d’en caractériser rétrospectivement des aspects ou des événements fondamen- taux, d’en repérer des énoncés significatifs, nous avons toutes raisons aussi de 1. Ce texte d’Étienne Balibar fit l’objet d’une première présentation orale (de même que l’ensem- ble des autres textes qui composent ce numéro) dans le cadre du colloque « Normes et structures », organisé à Rennes, les 21 et 22 mars 2001, dans le cadre de l’équipe d’accueil liée à l’UFR de philosophie. 6 Étienne Balibar © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 189.6.253.255) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 189.6.253.255) penser qu’ils forment rien moins qu’une récapitulation finale ou un tombeau. Au contraire, ce qui donne sens à cette tentative, c’est la possibilité de montrer que le mouvement structuraliste, multiple et inachevé par sa nature même, est toujours actuellement en cours – bien que peut-être en des lieux et sous des noms qui ne le rendent pas immédiatement reconnaissable. Dans un texte désor- mais bien connu de 1973, rédigé pour l’Histoire de la philosophie dirigée par F. Châtelet et intitulé Qu’est-ce que le structuralisme ?, Gilles Deleuze avait tenté, au travers de l’énumération d’un certain nombre de marques ou de critères transversaux à l’écriture de ses contemporains, de formuler le diagnostic d’un premier tournant dans le parcours du structuralisme et d’y contribuer lui-même. Je dirai modestement que mon intention ici est, de façon analogue, après qu’un autre cycle d’élargissement et de transformation a été parcouru, de tenter à mon tour un diagnostic et peut-être de contribuer à une relance. Les considérations que je propose sont centrées sur la question de la contri- bution du structuralisme à une reformulation philosophique de la question du sujet et de la subjectivité, mais auparavant il me faut formuler trois observations préalables d’un caractère plus général. La première concerne précisément l’idée de mouvement. Il est bien connu que le structuralisme n’a pas été une école, et ne risquait pas de le devenir. Il ne comporte aucun fondateur, pas même Claude Lévi-Strauss, ni par voie de conséquence aucune scission ou dissidence. En revanche, il s’est caractérisé d’emblée par une rencontre entre des questions ou des problématiques, donc entre des voix ou des écritures. Cette rencontre a donné lieu à des publications en forme de « manifestes » (signés Barthes, Foucault, Lacan ou Althusser), dans lesquels se montrait au grand jour ce que Deleuze appelle la valeur essentiel- lement polémique du structuralisme. Mais elle a surtout donné lieu à des déné- gations, uploads/Philosophie/balibar.pdf

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