1 Diogène Laërce LIVRE VII Chrysippe 2 CHRYSIPPE. [179] Chrysippe, fils d'Apoll
1 Diogène Laërce LIVRE VII Chrysippe 2 CHRYSIPPE. [179] Chrysippe, fils d'Apollonius, naquit à Soles, ou à Tarse, selon Alexandre dans ses Successions. Il s'exerça au combat de la lance avant, qu'il ne devint disciple de Zénon ou de Cléanthe, qu'il quitta lorsqu'il vivait encore, assurent Dioclès et plusieurs autres. Il ne fut pas un des médiocres philosophes. Il avait beaucoup de génie, l'esprit si délié et si subtil en tout genre, qu'en plusieurs choses il s'écartait de l'avis, non seulement de Zénon, mais de Cléanthe même, à qui il disait souvent qu'il n'avait besoin que d'être instruit de ses principes, et que pour les preuves il saurait bien les trouver lui-même. Cependant il ne laissait pas que de se dépiter lorsqu'il disputait contre lui, jusqu'à dire fréquemment qu'il était heureux à tous égards, excepté en ce qui regardait Cléanthe. [180] Il était si bon dialecticien, et si estimé de tout le monde pour sa science, que bien des gens disaient que si les dieux faisaient usage de la dialectique, ils ne pouvaient se servir que de celle de Chrysippe. Au reste, quoiqu'il fût extrêmement fécond en subtilités, il ne parut pas aussi habile sur la diction que sur les choses. Personne ne l'égalait pour la constance et l'assiduité au travail, témoin ses ouvrages, qui sont au nombre de sept cent cinq volumes. Mais la raison de cette multitude de productions est qu'il traitait plusieurs fois le même sujet, qu'il mettait par écrit tout ce qui lui venait dans la pensée, qu'il retouchait souvent ce qu'il avait fini, et qu'il farcissait ses compositions d'une infinité de preuves. Il avait tellement pris cette habitude, qu'il transcrivit presque tout entière la Médée d'Euripide dans quelques opuscules ; jusque là que quelqu'un, qui avait cet ouvrage entre les mains, et à qui un autre demandait ce qu'il contenait, répondit que c'était la Médée de Chrysippe. [181] De là vient aussi qu'Apollodore l'Athénien, dans saCollection des dogmes philosophiques, voulant prouver que quoique Épicure ait enfanté ses ouvrages sans puiser dans les sources des autres, ses livres sont beaucoup plus nombreux que ceux de Chrysippe, dit que si on ôtait des écrits de celui-ci ce qui appartient à autrui, il ne resterait que le papier vide. Tels sont les termes dans lesquels s'exprime Apollodore à cette occasion. Dioclès rapporte qu'une vieille femme, qui était auprès de Chrysippe, disait qu'ordinairement il écrivait cinq cents versets par jour. Hécaton assure qu'il ne s'avisa de s'appliquer à la philosophie que parce que ses biens avaient été confisqués au profit du roi. [182] Il avait la complexion délicate et la taille fort courte, comme il paraît par sa statue dans la place Céramique, et qui est presque cachée par une autre statue équestre, 3 placée près de là ; ce qui donna occasion à Carnéade de l'appelerCrypsippe au lieu de Chrysippe.[1] On lui reprochait qu'il n'allait pas aux leçons d'Ariston, qui avait un grand nombre de disciples. « Si j'avais pris garde au grand nombre, répondit-il, je ne me serais pas adonné à la philosophie. » Un dialecticien obsédait Cléanthe, et lui proposait des sophismes. « Cessez, lui dit Chrysippe, de détourner ce sage vieillard de choses plus importantes, et gardez vos raisonnements pour nous, qui sommes plus jeunes. » Un jour qu'il était seul avec quelqu'un à parler tranquillement sur quelque sujet, d'autres s'approchèrent et se mêlèrent de la conversation. Chrysippe, s'apercevant que celui qui lui parlait commençait à s'échauffer dans la dispute, lui dit : « Ah ! frère, je vois que ton visage se trouble. Quitte promptement cette fureur, et donne-toi le temps de penser raisonnablement. » [183] Il était fort tranquille lorsqu'il était à boire, excepté qu'il remuait les jambes; de sorte que sa servante disait qu'il n'y avait que les jambes de Chrysippe qui fussent ivres. Il avait une si haute opinion de lui-même, que quelqu'un lui ayant demandé à qui il confierait son fils, il répondit : « A moi. Car si je savais que quelqu'un me surpassât en science, j'irais dès ce moment étudier sous lui la philosophie. » Aussi lui appliqua-t-on ces paroles : « Celui-là seul a des lumières ; les autres ne font que s'agiter comme des ombres.[2] » On disait aussi de lui que s'il n'y avait point de Chrysippe, il n'y aurait plus d'école au Portique. [184] Enfin, Sotion, dans le huitième livre de sesSuccessions, remarque que lorsqu'Arcésilas et Lacydes vinrent à l'académie, il se joignit à eux dans l'étude de la philosophie, et que ce fut ce qui lui donna lieu d'écrire contre la coutume et celle qu'il avait suivie dans ses ouvrages, en se servant des arguments des académiciens sur les grandeurs et les quantités.[3] Hermippe dit que Chrysippe, étant occupé dans le collège Odéen, fut appelé par ses disciples pour assister au sacrifice, et qu'ayant bu du vin doux pur, il lui prit un vertige, dont les suites lui causèrent la mort cinq jours après. Il mourut âgé de soixante-treize ans, dans la cent quarante troisième olympiade, selon Apollodore dans ses Chroniques. Nous lui avons composé cette épigramme : Alléché par le vin, Chrysippe en boit jusqu'à ce que la tête lui tourne. Il ne se soucie plus ni du Portique, ni de sa patrie, ni de sa vie ; il abandonne tout pour courir au séjour des morts. [185] Il y en a qui prétendent qu'il mourut à force d'avoir trop ri : voici à propos de quoi. Ayant vu un âne manger ses figues, il dit à la vieille femme qui demeurait avec lui, 4 qu'il fallait donner à l'animal du vin pur à boire ; et que là-dessus il éclata si fort de rire qu'il en rendit l'esprit. Il paraît que le mépris faisait partie de son caractère, puisque d'un si grand nombre d'ouvrages écrits de sa main, il n'en dédia pas un seul à aucun prince. Il ne se plaisait qu'avec sa vieille, dit Démétrius dans ses Synonymes. Ptolomée ayant écrit à Cléanthe de venir lui-même le voir, ou du moins de lui envoyer quelque autre, Sphærus s'y rendit ; mais Chrysippe refusa d'y aller. Démétrius ajoute qu'après avoir mandé auprès de lui les fils de sa sœur, Aristocréon et Philocrate, il les instruisit; et qu'ensuite s'étant attiré des disciples, il fut le premier qui s'enhardit à enseigner en plein air dans le lycée. [186] Il y a eu un autre Chrysippe de Cnide, médecin de profession, et de qui Érasistrate avoue avoir appris beaucoup de choses. Un second Chrysippe fut le fils de celui-ci, médecin de Ptolomée, et qui, par une calomnie, fut fouetté et mis à mort; un troisième fut disciple d'Érasistrate, et le quatrième écrivit sur les occupations de la campagne. Le philosophe dont nous parlons avait coutume de se servir de ces sortes de raisonnements : Celui qui communique les mystères à des gens qui ne sont pas initiés est un impie : or, celui qui préside aux mystères les communique à des personnes non initiées ; donc celui qui préside aux mystères est un impie. Ce qui n'est pas dans la ville n'est point dans la maison : or il n'y a point de puits dans la ville ; donc il n'y en a pas dans la maison. S'il y a quelque part une tête, vous ne l'avez point : or il y a quelque part une tête que vous n'avez point ; donc vous n'avez point de tête . [187] Si quelqu'un est à Mégare, il n'est point à Athènes : or l'homme est à Mégare ; donc il n'y a point d'homme à Athènes ; et, au contraire, s'il est à Athènes, il n'est point à Mégare. Si vous dites quelque chose, cela vous passe par la bouche : or vous parlez d'un chariot ; ainsi un chariot vous passe par la bouche. Ce que vous n'avez pas jeté, vous l'avez : or vous n'avez pas jeté des cornes ; donc vous avez des cornes. D'autres attribuent cet argument à Eubulide. Certains auteurs condamnent Chrysippe comme ayant mis au jour plusieurs ouvrages honteux et obscènes. Ils citent celui sur les anciens Physiciens, où il se trouve une pièce d'environ six cents versets, contenant une fiction sur Jupiter et Junon, mais qui renferme des choses qui ne peuvent sortir que d'une bouche impudique. [188] Ils ajoutent que, malgré l'obscénité de cette histoire, il la prôna comme une histoire physique, quoiqu'elle convienne bien moins aux dieux qu'à des lieux de débauche. Aussi ceux qui ont parlé des Tablettes n'en ont point fait usage, pas même 5 Polémon, ni Hypsicrate, ni Antigone ; mais c'est une fiction de Chrysippe. Dans son livre de laRépublique, il ne se déclare pas contre les mariages entre père et fille, entre mère et fils ; il ne les approuve pas moins ouvertement dès le commencement de son, traité sur lesChoses qui ne sont point préférables par elles-mêmes. Dans son troisième livre du Droit, ouvrage d'environ mille versets, il veut qu'on mange les corps morts. [189] On allègue encore contre lui uploads/Philosophie/ crysippe.pdf
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- Publié le Aoû 25, 2022
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