95 l z Ce que vous devez savoir « Il s’agit de réfl échir aux diff érentes form
95 l z Ce que vous devez savoir « Il s’agit de réfl échir aux diff érentes formes de l’argumentation (directe ou indirecte) afi n de développer la maîtrise de la comparai- son entre plusieurs opinions pour constituer la sienne propre. » Extrait du Bulletin offi ciel, 12 juillet 2001. z Explication l L’essai, le dialogue, l’apologue sont trois formes que peut emprunter le discours argumentatif selon que l’on choisisse l’argumentation directe ou l’argumentation indirecte. Le premier enjeu de votre travail sera de distinguer ces trois formes et d’en apprécier les différentes réalisations, chacune de ces formes se déclinant de diverses façons. l Convaincre, persuader, délibérer sont trois modes d’argu- mentation. Il vous faudra d’abord les défi nir, c’est-à-dire les distinguer les uns des autres, puis voir en quoi ils peuvent se compléter pour une argumentation effi cace. l Enfi n, on vous demande aussi d’agir par vous-même : savoir apprécier une argumentation afi n d’y trouver votre propre place. Le but de cet objet d’étude est donc double : comprendre et faire ! Le cours Consultez aussi le chapitre en ligne Question de forme Question de mode … Et vous ? Convaincre, persuader, délibérer les formes de l’essai, du dialogue et de l’apologue Toutes séries 96 Les bases de l’argumentation z L’argumentation suppose le langage, un émetteur et un récepteur, mais, vous le voyez, parler et communiquer ne sont pas des actes si simples que cela puisque l’énoncé qui semble le plus anodin du monde, le constat du temps qu’il fait, peut donner lieu à des interprétations si diverses. Qu’en sera-t-il alors de l’argumentation ? On ne peut donc se contenter de défi - nir l’argumentation par l’exposition du déroulement du schéma argumentatif et de l’étude d’une stratégie argumentative. Il faut rappeler d’abord quelques données. ■ Le schéma de la communication et les fonctions du langage l Le schéma de la communication permet de prendre en compte les six instances en œuvre dans toute communication. On ne parle pas toujours directement. Certains vont même jusqu’à dire qu’on ne parle jamais directement ; que « Il fait chaud ici » ne signifi e jamais qu’il fait chaud ici mais, c’est selon, « Ouvre la fenêtre », « Ferme le radiateur », « Est-ce que je peux tomber la veste ? », « Il fait frais ailleurs », « Je n’ai rien de plus intéressant à dire », etc. C. Kerbrat-Orecchioni, L’Implicite, 1986. Pour un récepteur Référent (ce dont on parle) Contact (manières d’établir le contact entre l’émetteur et le récepteur) Récepteur Émetteur Message Schéma en ligne Code (moyen utilisé pour communiquer : langue) 97 l Convaincre, persuader, délibérer z À partir du schéma de la communication, on attribue (depuis les analyses du linguiste Jakobson) six fonctions au langage se- lon que l’accent est mis sur telle ou telle instance. Quand l’ac- cent est mis sur le récepteur, on parle de fonction conative. L’argumentation relève principalement de cette fonction puis- qu’il s’agit de tout mettre en œuvre pour agir sur le destinataire et l’amener à se ranger à la thèse de l’émetteur, c’est-à-dire de l’argumentateur. La réussite d’une argumentation se jugera à l’adhésion du destinataire. Dans les textes que vous étudiez, le destinataire peut être présent et participer à l’argumentation : c’est le cas du dialogue. L’argumentation peut lui être destinée sans qu’il puisse intera- gir. C’est le cas du discours et de tout texte qui prend en compte explicitement un récepteur clairement identifi é (apostrophes, impératifs, pronoms personnels de seconde personne…), ou plus vaguement (utilisation du pronom indéfi ni « on » à valeur inclusive, et du pronom « nous »). Le destinataire est alors le lecteur. Mais il est parfois absent : c’est le cas des dissertations, par exemple. ■ Polyphonie et dialogisme l Une argumentation fait toujours entendre plusieurs voix (polyphonie). En effet, même quand il y a absence totale des marques d’un destinataire, on peut dire que l’argumentateur n’est jamais seul dans la mesure où argumenter, c’est se situer, soi, personnellement, dans un débat déjà ouvert ; c’est prendre position par rapport à d’autres thèses déjà énoncées, évaluer les argumentations, et les arguments. l Quand l’auteur joue avec ces diverses voix, qu’il énonce et répond aux diverses thèses qu’il réfute, on parle de dimen- sion dialogique ou de dialogisme. Ainsi, Diderot pour dénoncer l’esclavage, dans la Contribution à l’Histoire des deux Indes de l’abbé Raynal (1780), fait entendre deux voix, celle d’un « on » qui reprend les arguments habituels des défenseurs de l’escla- vage et celle d’un « je » qui contre-argumente. Mais, dit-on, dans toutes les régions ou dans tous les siècles, l’esclavage s’est plus ou moins généralement établi. Je le veux : mais qu’importe ce que les autres peuples ont fait dans les autres âges ? Est-ce aux usages du temps ou à sa conscience qu’il faut en appeler ? Est-ce l’intérêt, l’aveugle- ment, la barbarie ou la raison et la justice qu’il faut écouter ? Si l’universalité d’une pratique en prouvait l’innocence, l’apo- On n’argumente jamais seul Utiliser le dialogisme 98 Entendre ce qui n’est pas dit logie des usurpations, des conquêtes, de toutes les sortes d’oppressions serait achevée. Diderot, Contribution à l’Histoire des deux Indes de l’abbé Raynal, 1780. Il est, dans ce cas, fondamental d’étudier attentivement l’énon- ciation, afi n de ne pas se tromper dans l’attribution des propos. ■ Valeurs, croyances, implicite, présupposés l Argumenter, c’est aussi s’inscrire dans un système de valeurs autour desquelles l’auteur construit son argumentation, et dans un monde de croyances qui constitue le socle de sa réfl exion. Le système de valeurs est souvent explicité par l’utilisation d’un lexique évaluatif. Quant au monde de croyances, c’est souvent au lecteur de le déceler en analysant l’implicite et les présuppo- sés de tel ou tel énoncé : l’énoncé « Pierre a arrêté de fumer » pose que Pierre ne fume plus, il présuppose qu’il fumait aupa- ravant, et implicitement il peut suggérer qu’il faudrait en faire autant. L’énoncé « Pierre, lui, a arrêté de fumer », devient déjà un reproche et sous-entend : « Mais pas toi, et tu ferais bien d’en faire autant. » Vous voyez à quel point vos analyses des textes argumenta- tifs doivent être fi nes ! N’omettez aucun détail. Quels sont les différents genres de l’argumentation ? 1 z Comment s’épargner la peine de composer un long traité ? Voltaire, dans cette brève réfl exion qui clôt un article de son dictionnaire, oppose deux types d’argumentation : l’argumen- tation directe, le long traité qui semble connoté par l’ennui (à écrire et à lire), et une autre indirecte qui serait du côté de la brièveté et du plaisir (de l’auteur et du lecteur). Faut-il écrire un essai, un dialogue, ou un apologue ? ■ L’essai Ce sont ici mes humeurs et mes opinions ; je les donne pour ce qui est en ma croyance, non pour ce qui est à croire ; je ne vise ici qu’à découvrir moi- même qui serais autre demain si un nouvel apprentissage me changeait… Montaigne, Essais, 1580. […] et il s’épargna la peine de composer un long traité sur le beau. Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « Beau, beauté », 1764. Plus en ligne 99 l L’essai fait partie des cinq genres littéraires que l’on vous apprend à différencier en seconde : il est défi ni comme texte d’idées. En effet, il ne s’agit pas de construire un monde fi ctif, qu’il soit sous forme de récit ou de pièce de théâtre, mais de réfl échir à des thèmes divers en utilisant la prose. La réfl exion est personnelle, c’est-à-dire qu’elle est un « je » qui s’exprime, que l’auteur choisisse une énonciation à la première personne ou qu’il s’efface derrière l’emploi des pronoms « nous » ou « on ». l Dans l’étude de l’argumentation que l’on mène en classe de première, on a tendance à considérer que tout ce qui n’est ni dialogue ni apologue appartient à l’essai, puisque, dans ce cas, l’argumentation est menée directement, sans aucun truchement. L’essai est alors donné comme l’exemple même du texte argu- mentatif et on y cherche et retrouve l’arsenal habituel de cette forme de discours : thèse(s), arguments, exemples, connecteurs logiques (voir p. 187). C’est en effet pratique, mais un peu réduc- teur, et les choses sont malheureusement plus compliquées que cela. l C’est Montaigne qui le premier emploie ce terme pour inti- tuler ses écrits. Ses Essais (dont la rédaction et les diverses rééditions s’étalent sur une vingtaine d’années, de 1572 à 1592) sont constitués de trois livres, composés respectivement de cinquante-sept, trente-sept et treize chapitres qui se donnent, chacun, un thème de réfl exion. Une écriture très personnelle et apparemment sans souci de remise en ordre est revendiquée par l’auteur : « Mes fantaisies se suivent, mais parfois c’est de loin, et se regardent mais d’une vue oblique. » l Pour caractériser le genre de l’essai tel qu’il est pratiqué par Montaigne, il faut être attentif au sens du mot lui-même : c’est une uploads/Philosophie/ demo-convaincre.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/rIPryfSyYN3huBOqhqpPM1SSQgPLKOFal54rehxbGEbRmcQ0HHoVwHppCfLu4r3pSiViSAYAy4XEGdkiJoShPM6N.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/g4NsYHjoCSVd3Bq2uIkyiqolo0MJmkbuhzU4LQzyEjTBDnlHcaGXbGhx87qUcMoM89XMipro1L8GVgXaLhKp4h1I.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/ufilUiqbJhqRAyxvGjPvEuZMxrvNqaC0MnOkHhUzSFvy1StVlyABkALkmZyER3J3MkTOOgHSBSRbGMZ1cd4yQQKs.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/X0Qut9wo3oJukLnSNbERHHhpxlgx6Xxi6wiNEP34gofXC2ot6LQGQz9il29QCgJHW0I1RyBCaqCHP2wwaj1kvQfN.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/3QosItH50MgeWzDnbD0gl3ko6oZxugvtx2KisiLMD5xwlwSnnwHyGSeGKczJoDFm1yoZqmIvYOmyEnxJpdxFTdq5.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/g7riwAVXe4k5nX7ZS7BB2sTI9iKp2rzmCWQKWa34BNDIzj9TsiqZ80ifzIMyGq2PaVfeKKkzmmeACpxbWdhuXnPo.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/HmDR0UhKXiBLsKbb7n6t8d3hMAok4pYQqXFmJnuLe8UAfLacTxaQUsUdn5ATW7OP4rQDmK7y1Pq7Kc2ZNFYWU2fI.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/4YITDKbveyCUiWItcB0OerHCkyvHFQo2PplVn5roGlQyarP4YKTdb1w7LRnOt4h46ql3oc0A5b9a2Y4nQgnor4nr.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/wWbwWcPtI0SFgmQoadO286lBmoBSWA0U2aHfL6GlW7tFgX25rIXwTIe2xYpWCreO3PoLsqerVk2dRdDZxTZhP7GY.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/y7TlnXRyHjlPRtHrzaXdfWIfRWnjJVfRssAHTFKRWszEZ2VZipAEZIdMHVdtFXmF3BhPZDBsUn4yR3Mb6sHqCBWS.png)
-
23
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 27, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.5417MB