Saida Chraibi 36 penser l’apprenant comme lecteur et de recentrer sur lui la ré

Saida Chraibi 36 penser l’apprenant comme lecteur et de recentrer sur lui la réflexion didactique et non plus sur le professeur-exposant. La théorie élaborée par Iser4 selon lequel l’analyse littéraire en restreignant son champ d’application à l’œuvre et à l’auteur néglige la part fondamentale du lecteur, destinataire du message littéraire et sans la participation duquel l’œuvre n’a pas de sens, est voisine de celle de Jauss selon lequel l’œuvre « englobe à la fois le texte comme structure donnée et sa réception ou perception par le lecteur»5. Une œuvre n’est jamais reçue par un esprit vierge et prend place dans le système de références du lecteur, dans « tout un ensemble d’attente et de règles de jeu avec lesquelles les textes antérieurs l’ont familiarisé »6. Cette approche est reprise par l’école franco-italienne : Umberto Eco7, Tzevtan Todorov8, Michael Riffaterre9 ont beaucoup nourri la réflexion sur la lecture réelle dont la lecture en situation d’apprentissage est une expérience. Les théories de la réception dédoublent le lecteur en un lecteur réel et un lecteur implicite ou virtuel qui est inscrit dans le texte (Eco parle de lecteur modèle c’est-à-dire le lecteur idéal qui accepterait de coopérer à toutes les potentialités du texte). En situation d’apprentissage, un étudiant qui est lecteur réel n’est pas toujours capable de remplir son rôle de lecteur virtuel et de répondre correctement aux sollicitations explicites et implicites d’un texte donné (remplir les interstices, les blancs du texte). Mais en même temps un lecteur n’est jamais entièrement vierge de toute connaissance : lorsqu’il lit, il projette sur le texte des connaissances plus ou moins diffuses acquises antérieurement. La didactique peut exploiter cette théorie en se demandant comment identifier cet écart pour trouver le moyen de le combler et comment exploiter ce que sait déjà un lecteur. Nous pouvons mesurer combien cette théorie du lecteur co-constructeur du sens et qui postule en même temps que la réception d’une œuvre n’est pas un acte individuel relevant de la pure subjectivité et qu’elle s’inscrit dans un horizon d’attente, a révolutionné la traditionnelle explication de texte qui supposait un sens déjà là que le professeur dans sa grande érudition révélait aux étudiants. La notion d’horizon d’attente est primordiale dans l’acquisition de compétences et de connaissances, car elle implique l’élaboration d’hypothèses de lecture et va permettre, à la fois de mobiliser des savoirs antérieurs (et les réactualiser particulièrement dans le commentaire composé, exercice conçu comme lecture personnelle qui à partir d’hypothèses de 4 Wolfgang Iser (1987). L’Acte de lecture (1976), Traduction française, Ed, Mardaga. 5 Jauss Hans.Robert (1978). Pour une esthétique de la réception, Paris : Gallimard, p.50. 6 Ibid. 7 Umberto Eco (1985). Lector in fabula. Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs. Paris : Ed. Grasset, coll. « Biblio », p.70. 8 Tzevtan Todorov (1971). « Comment lire ». In Poétique de la prose, Paris : Seuil et « La lecture comme construction » (1978). In Les genres du discours. Paris : Seuil, Coll. « Poétique ». 9 Michael Riffaterre (1979). La production du texte. Paris : Seuil. uploads/Philosophie/ didactique-du-texte-litteraire-a-l-x27-universite-tome-3.pdf

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