Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie 34 (avril 2003) Le Rêve de D'Alemb

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie 34 (avril 2003) Le Rêve de D'Alembert ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Colas Duflo Diderot et Ménuret de Chambaud ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Colas Duflo, « Diderot et Ménuret de Chambaud », Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie [En ligne], 34 | avril 2003, document 5, mis en ligne le 24 février 2011, Consulté le 12 octobre 2012. URL : /index157.html ; DOI : 10.4000/rde.157 Éditeur : Société Diderot http://rde.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : /index157.html Ce document est le fac-similé de l'édition papier. Propriété intellectuelle Colas DUFLO Diderot et Ménuret de Chambaud Dans quels termes penser les rapports de Diderot écrivain et philosophe avec la médecine vitaliste et, en particulier, avec celle dont il se fait l’éditeur dans l’Encyclopédie ? Telle est la question qui fournira ici le fil directeur d’une analyse centrée sur les articles de Ménuret de Chambaud dans l’Encyclopédie et l’écho qu’ils trouvent dans les trois dialogues du Rêve de D’Alembert. Un tel travail n’aurait pas été possible sans les travaux de Roselyne Rey1, qui ont permis une bien meilleure connaissance de Jean- Jacques Ménuret de Chambaud et une juste évaluation de la participation de ce dernier à l’Encyclopédie. Né en 1733 ou en 1739 selon les sources, Ménuret de Chambaud soutient sa thèse de médecine à Montpellier en 1757, De generatione dissertatio physiologica, dans laquelle il décrit les organes de la génération, la formation du fœtus, et polémique vigoureusement contre les partisans de la préexistence des germes et de la théorie de l’emboîtement, en soulignant notamment que, même si la matière était divisible à l’infini, ce qu’on ne peut admettre, il serait absurde de penser qu’Ève contient toutes les générations futures2. Ménuret adopte à l’égard de la génération du vivant 1. Voir principalement : Roselyne Rey, Naissance et développement du vitalisme en France, Voltaire Foundation, Oxford, 2000. C’est de ce livre que nous tirons les éléments concernant la biographie de Ménuret que nous avons cru bon de rappeler succinctement en commençant. R. Rey fournit aussi un très utile instrument de travail dans son annexe 1, avec la liste des articles attribués à Ménuret (p. 410-412) établie d’après R. N. Schwab et W. E. Rex, et complétée par elle-même. Tous les articles de l’Encyclopédie cités ici sont attribués à Ménuret par R. Rey. On en modernise l’orthographe, mais pas la ponctuation. On cite le tome en romain, puis la page. 2. La Suite d’un entretien entre M. D’Alembert et M. Diderot (qu’on appellera désormais « premier dialogue » pour éviter d’alourdir inutilement ce texte) reprend ces arguments : « La raison […] nous apprend que la divisibilité de la matière a un terme dans la nature […] et […] répugne à concevoir un éléphant tout formé dans un atome, et dans cet atome un autre éléphant tout formé, et ainsi de suite à l’infini. » (DPV, XVII, 97 ; GF, 61) Cela témoigne d’une proximité de pensée, mais pas nécessairement d’un emprunt de Diderot à Ménuret, car ces arguments sont assez répandus chez les adversaires de la préexistence des germes (ce qui peut d’ailleurs expliquer la rapidité avec laquelle Diderot traite ici cette question). Les références aux trois dialogue du Rêve de D’Alembert sont ici données dans l’édition DPV (t. XVII) et dans l’édition GF-Flammarion, 2002. Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, 34, avril 2003 26 COLAS DUFLO une solution proche de celles de Buffon ou de Maupertuis, et conforme à son hippocratisme affirmé : « Il existe des atomes vivants communs à tous les corps organisés, diversement disposés et agencés […]. Ces parties diversement disposées forment des corps différents. »3 Il y a double semence, le père et la mère donnent les atomes venus de leurs corps, et épigenèse, nutrition et développement4. Ménuret, sans doute introduit par Venel ou par d’Aumont, commence à travailler pour l’Encyclopédie à partir du tome VIII. Ce qui signifie que sa contribution se trouve intégralement dans les volumes que Diderot et les libraires élaborent clandestinement en attendant leur publication collective en 1766. De JAUNISSE (Méd.) à YVRESSE (Méd.) Ménuret effectue un travail considérable qu’on peut évaluer avec R. Rey à près d’une centaine d’articles, qui constituent, dans le corpus encyclopédique, l’ensemble le plus important et le plus homogène pour les articles relatifs à la médecine. Si l’Encyclopédie a été le lieu le plus important de la diffusion du vitalisme au dix-huitième siècle, c’est au fond beaucoup à Ménuret qu’elle le doit. Le rapport de Ménuret à Diderot, tel qu’on peut le lire dans ces articles, n’est pas frappant. Lorsque Ménuret se laisse aller à philosopher, on peut souvent noter une certaine proximité aux idées de Diderot, mais pas dans leur aspect le plus original : l’idée que la vocation de chacun est déterminée par la nature5, ou que la différence du sommeil et de la veille n’a pas de signe assuré, si ce n’est la constance des impressions6, se retrouvent bien sûr chez Diderot, mais aussi chez quantité d’autres auteurs. Une allusion aux Bijoux indiscrets atteste cependant que Ménuret a connaissance de l’œuvre pré-encyclopédique de Diderot, et qu’il l’apprécie : « Il y a aussi des ventriloques, suivant Tertullien, qui rendaient les oracles par les parties de la génération ; un auteur moderne a dans un badinage ingénieux métamorphosé les femmes en ventriloques de cette espèce. » (VENTRILOQUE, XVII, 33) Aussi n’est-ce pas à cet égard que Ménuret nous concerne ici. C’est lorsqu’il s’attache à son objet propre, lorsqu’il développe du point de vue du médecin ses conceptions vitalistes, qu’il devient intéressant d’analyser les rapports de sa contribution à l’Encyclopédie et des idées développées dans le Rêve de D’Alembert. La question qu’on peut alors se poser en premier lieu est la suivante : on peut être sûr que Diderot, en tant qu’éditeur, 3. R. Rey, op. cit., p. 68. 4. La célèbre description de la genèse de D’Alembert dans le premier dialogue répond exactement à ce schéma et permet le même constat d’une proximité de pensée entre les deux auteurs : les molécules éparses dans les corps des deux parents, filtrées, constituent les éléments qui forment le germe, qui devient le fœtus. (DPV, XVII, 95-96) 5. Cf. INFLUENCE DES ASTRES. 6. Cf. SOMNAMBULE. DIDEROT ET MÉNURET DE CHAMBAUD 27 a lu ces articles (parmi beaucoup d’autres textes) ; qu’y trouve-t-il qui rejoint sa pensée, l’alimente, lui donne des idées, des pistes, des inspirations, des modèles pour penser le corps, un poids d’expérience et de scientificité qui lui manque ? Il faut rappeler que Diderot n’est pas médecin (contrairement à La Mettrie, par exemple) et que, malgré sa contribution à la traduction du Dictionnaire de médecine de James, il ne semble pas avoir d’abord de connaissances très poussées concernant les sciences du vivant (contrairement à Maupertuis ou à Buffon, par exemple). En témoigne la Lettre sur les aveugles, où la maigre place accordée aux considérations physiologiques (qui avaient pourtant intéressé Condillac, longuement cité dans ce texte) manifeste un intérêt tout relatif pour ces questions. Entre la Lettre sur les aveugles et Le Rêve de D’Alembert, où les connaissances et les spéculations relatives au vivant tiennent une place cruciale, le savoir que Diderot a acquis est pour une très grande part livresque, d’où l’importance de Ménuret, Bordeu, Fouquet, etc. en tant qu’auteurs. Il ne s’agit pas ici de mettre à jour des sources, à proprement parler, au sens direct du terme qui supposerait une relation stricte de cause à effet. Avec Diderot, ce genre d’enquête est souvent un vain projet dans la mesure où, chez lui plus que chez tout autre, les idées peuvent venir de plusieurs endroits différents. Il s’agit plutôt de se demander, à partir d’une certaine proximité qu’on va tâcher de mesurer entre Le Rêve de D’Alembert et les articles de Ménuret pour l’Encyclopédie, ce qui, dans la médecine vitaliste, alimente la pensée de Diderot et comment. Pourquoi, par exemple, Diderot se nourrit-il d’abord des théories vitalistes et non des autres théories possibles concurrentes ? Qu’apportent à Diderot les articles de Ménuret (avec d’autres textes qui ne nous intéressent pas ici) qui l’autorise à écrire Le Rêve de D’Alembert ? 1. Penser le vivant Une doctrine médicale, c’est une pratique et des expériences inséparables d’une conception du vivant à laquelle elles renvoient, sur laquelle elles s’appuient, et dans le cadre de laquelle ces uploads/Philosophie/ diderot-et-menuret-de-chambaud.pdf

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