Jean-Claude Dumoncel LA TRADITION DE LA MATHESIS UNIVERSALIS Platon, Leibniz, R

Jean-Claude Dumoncel LA TRADITION DE LA MATHESIS UNIVERSALIS Platon, Leibniz, Russell Cahiers de l'Unebévue Unebévue-éditeur Jean-Claude Dumoncel LA TRADITION DE LA MATHESIS UNIVERSALIS Platon, Leibniz, Russell Cahiers de l'Unebévue Unebévue-éditeur Table des matières Préface Introduction L'Histoire de la Philosophie, son Objet, ses Méthodes 13 1 È R E Partie : PLATON ou LE LOGOS DES NOUMÈNES 39 Chap I. La Structure du Platonisme 41 Chap IL La Théorie platonicienne des Idées-Nombres 73 2e Partie : LEIBNIZ ou LA RAISON BAROQUE 97 * Chap 1. La Structure du Système leibnizieft :, le Mécanisme Métaphysique en tant que Jurisprudence Universelle 99 Chap II. Note sur Leibniz et le Calcul Infinitésimal 107 3e Partie : RUSSELL ou LE RIRE DE LA RAISON PURE 113 Chapl. Principia Mathematica 115 Chap IL Un Système de Philosophie Analytique 151 Coda: Trois contresens capitaux en Histoire de la Philosophie 199 Préface Le présent ouvrage est par son contenu le produit de la rencontre entre l'idée directrice qui lui donne son titre et diverses circonstances mêlées. De là résulte pour une grande part la manière dont il a été composé : Dans la Première Partie l'article sur «La théorie platonicienne des Idées- Nombres » est paru dans l a d e Philosophie Ancienne en 1992 et «L'Essai sur la Structure du Platonisme » dans L'Unebévue en 1999, à l'initiative de Jean Allouch . Dans la Deuxième Partie l'article sur «La Structure du Système Leibnizien» a été écrit pour les Perspectives sur Leibniz dont Renée Bouveresse a dirigé la publication par la Librairie Vrin et l'Institut Interdisciplinaire d'Études Epistémologiques en 1999. La Note sur Leibniz ainsi que les deux Études composant la Troisième Partie, consacrée à Russell, sont des textes inédits. Il en est de même pour l'Introduction et la Coda. Ma reconnaissance va donc tout d'abord aux directeurs des publications d'où proviennent les textes déjà parus, pour l'amabilité avec laquelle ils en ont autorisé la réédition. Dans la Troisième partie mon travail a été grandement stimulé par les échanges avec Ivor Grattan-Guinness. Je le remercie tout particulièrement d'avoir permis que je cite le texte encore sous presse où il renouvelle notre manière de voir la genèse du logicisme en nous faisant pénétrer directement dans le creuset de sa conception. Dans ce que je peux inversement revendiquer sans restriction, il y a au moins la paternité de ce que les pages qui suivent ont sans doute ajouté à la liste des erreurs. Une nouvelle fois ma gratitude va spécialement à Mayette Viltard. Sans compter le rôle qu'elle a joué à l'origine du présent recueil, elle a su apporter à sa réalisation à la fois son sens toujours sûr des problèmes pratiques et son sérieux inlassable devant les exigences théoriques. Septembre 2002 Introduction L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE SON OBJET, SES MÉTHODES A la mémoire de Jules Vuillemin (1920-2001) Une des anecdotes les plus instructives au sujet de ce que peut être la philoso- phie est celle où Bertrand Russell (1872-1970) raconte un de ses échanges avec Jean Nicod (1893-1924) : Je lui disais un jour que les gens qui étudiaient la philosophie devraient essayer de comprendre le monde, et pas seulement, comme on fait dans les universités, les systèmes des philosophes précédents. Il me répondit : « Oui, mais les systèmes sont tellement plus intéressants que le monde » 1. Bertrand Russell est, avec G.E. Moore, un des pères fondateurs de la philoso- phie analytique^. Son disciple le plus illustre, Ludwig Wittgenstein, déclarait dans son Cours de 1930-1932 : Si la philosophie consistait à choisir entre des théories rivales, en ce cas il serait sain de l'enseigner historiquement. Mais si ce n'est pas le cas, c'est alors une faute de l'enseigner historiquement, parce qu'il n'est pas du tout nécessaire de le faire ; nous pouvons attaquer directement notre sujet^. Et Wittgenstein avait donné auparavant la raison de cette décision : à savoir que l'avènement de la philosophie analytique est comparable « à ce qui fait la dif- férence entre l'alchimie et la chimie » : avec la philosophie analytique « nous som- Pour les traductions, la date est celle de l'original. 1. B. Russell, Autobiographie, traduction Stock, tome 2, 1968, p. 112. 2. Cf. R. Monk, « Was Russell an Analytical Philosopher ? », in H. J. Block, The Rise of Analytic Philosophy, Blackwell, 1997. 3. L. Wittgenstein, Cours de Cambridge 1930-1932, traduction Elisabeth Rigai, Mauvezin, TER, pp. 74-75. 16 Introduction mes désormais dotés d'une méthode pour faire de la philosophie, et nous pouvons parler de philosophes de métier ». Jean Nicod fut aussi un disciple de RusselH et, entre Couturat et Cavaillès, un des pionniers de la philosophie analytique en France^. Mais avant d'obtenir une bourse pour Cambridge, il avait étudié à la Sorbonne et avait donc été formé à « cette école française d'histoire de la philosophie, dont les noms d'Émile Boutroux, de Victor Brochard, de Victor Delbos et d'Octave Hamelin suffisent à rappeler l'importance »6. La doctrine de cette école avait trouvé sa formule extrê- me chez Lachelier déclarant que le seul « chemin à suivre » en philosophie était « l'étude directe, patiente et docile des maîtres grecs, français et allemands », pour poser en axiome : « La philosophie est tout entière dans leurs ouvrages ». Une telle école semble avoir laissé chez un Nicod une trace indélébile. Et c'est ainsi que chez lui comme chez beaucoup d'autres, les systèmes philosophiques en sont venus à éclipser la réalité. Sous forme spontanée, c'est le point de vue dont Martial Gueroult fera plus tard un système"'. Un des aspects de la mondialisation a été le débat récent sur le rapport entre « philosophie continentale » et philosophie analytique^. Il se ramenait pour l'essentiel à une confrontation entre histoire de la philosophie et philoso- phie analytique^. De tels débats sont en eux-mêmes très importants. Cependant ils dissimulent encore les termes du problème plus profond dont ils ne sont finalement que les symptômes. Les deux termes cachés de ce problème ont été à l'avance décelés par Deleuze dans un seul et même entretienio. Deleuze y déclare d'abord : Je n'ai jamais eu de souci concernant un dépassement de la métaphysique ou une sorte de mort de la philosophie^. Inversement, la croyance à la mort de la philosophie justifierait que la « phi- losophie » universitaire se réduise à l'histoire de la philosophie. Le premier terme de notre problème est donc ici un autre différend, cette fois entre ceux qui croient 4. Cf. J. Nicod, « Les tendances philosophiques de M. Bertrand Russell », in Revue de Métaphysique et de Morale, 1922. 5. Avec ses deux thèses publiées en 1924, sur l'induction et sur la géométrie, qui sont aujourd'hui des classiques réédités en anglais mais introuvables en français. En 1993, des Conférences Jean Nicod, pré- sidées par J. Bouveresse, ont été fondées au CNRS. 6. E. Gilson, Préface aux Etudes de Philosophie Grecque de Georges Rödler, Paris, Vrin, 1926. 7. Cf. notre article « Gueroult & Wittgenstein » à paraître. 8. Cf. La philosophie continentale vue par la philosophie analytique, n° 35 de Philosophie, 1992, dirigé par Joëlle Proust. 9. Cf. J. M. Vienne (ed), Philosophie analytique et Histoire de la philosophie, Paris, Vrin, 1997. 10. G. Deleuze, « Signes & événements », in Deleuze, n° 257 du Magazine littéraire, 1988. ÌÌ.Ibid,^. 16. 17 Introduction à une « mort de la philosophie » et ceux pour qui cette locution ne peut être qu'une fiction forgée par la fatigue - le second groupe réunissant Deleuze et l'école ana- lytique. Puis Deleuze met en question l'opinion qui croit définir l'activité philoso- phique par la « discussion »12. Il remarque à ce propos qu'« on a déjà assez de peine à comprendre quel problème pose quelqu'un et comment il le pose ». Dans un autre entretien décisif, dès 1968, Deleuze avait développé ce point sur l'exemple para- digmatique de Kant : Kant est l'incarnation parfaite de la fausse critique : pour cette raison, il me fascine. Seulement, quand on se trouve devant une œuvre d'un tel génie, il ne peut pas être question de dire qu'on n'est pas d'accord. Il faut savoir admirer ; il faut retrouver les problèmes qu'il pose, sa machinerie à lui. C'est à force d'admiration qu'on retrouve la vraie critique. La maladie des gens aujourd'hui, c'est qu'ils ne savent plus rien admirer : ou bien ils sont « pour » ou bien ils sont « contre », ils situent tout à leur taille, et bavar- dent, et discutent. Il ne faut pas procéder ainsi : il faut remonter jusqu'aux problèmes que pose un auteur de génie, jusqu'à ce qu'il ne dit pas dans ce qu'il dit, pour en tirer quelque chose qu'on lui doit toujours, quitte à se retourner contre lui en même temps. Il faut être inspiré, visité par les génies qu'on dénoncel3. Selon Deleuze, par conséquent, il y a toujours à trouver le vrai, ce qui entraî- ne qu'il y a souvent à percer le faux. Mais tout d'abord, là où l'on se contente habi- tuellement de uploads/Philosophie/ dumoncel-la-tradition-de-la-mathesis-universalis-platon-leibniz-russell.pdf

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