Éducation comme pratique de Liberté [extraits] Réédition numérique Responsable

Éducation comme pratique de Liberté [extraits] Réédition numérique Responsable de la publication : Gauthier Tolini Édition numérique réalisée avec SIGIL (logiciel libre) www.bibliofreire.org Janvier 2020 Présentation L'ouvrage Éducation comme pratique de Liberté (Educação como Prática da Liberdade) a été rédigé par Paulo Freire en 1965 au Chili, pays où le pédagogue brésilien s'est réfugié après le coup d'Etat militaire survenu au Brésil en 1964. Bien qu'écrit en exil, ce livre est, avant tout, consacré au programme d'alphabétisation des adultes que Paulo Freire et ses équipes menèrent d'abord dans le Nordeste puis dans une grande partie du Brésil entre 1962 et 1964. Cet ouvrage est paru en français sous le titre L’Éducation : pratique de la liberté aux éditions du Cerf (Paris) en 1971. Aujourd'hui, ce livre est épuisé dans le commerce et il reste difficile d'accès pour les personnes intéressées par les travaux pédagogiques de Paulo Freire. Avant l'édition de l'ouvrage en France, une traduction partielle - s'appuyant sur une version dactylographiée de 1965 - a été publiée dans la revue Communautés en 1968 sous le titre : « L’Éducation, praxis de la liberté : une étude du mouvement d’alphabétisation et d’éducation de base au Brésil ». Il s'agissait d'une première traduction française d'une partie du chapitre 4 (consacré aux aspects méthodologiques de l'alphabétisation des adultes) ainsi que d'une partie de la préface rédigée par Francisco C. Weffort*. Nous proposons aux lecteurs et aux lectrices francophones une édition numérique de cette première traduction afin de faire découvrir et partager librement une partie de l'ouvrage L'Éducation comme pratique de Liberté. Gauthier Tolini *« L’Éducation, praxis de la liberté : une étude du mouvement d’alphabétisation et d’éducation de base au Brésil », dans : Communautés (Archives lnternationales de Sociologie de la Coopération et du Développement) n°23, jan-juin, Paris, 1968, p.4-29. Ces mêmes extraits (avec quelques légères différences) ont également été publiés sous le titre de « La méthode d’alphabétisation des adultes employée dans le Nord-Est brésilien » dans : Pièce au dossier n°2 de l’ICEA (Institut canadien d’éducation des adultes), Montréal, septembre 1970. Sommaire I. Éducation et Politique (préface) II. La méthode d'alphabétisation des adultes (chapitre 4) 1. Présentation de la méthode d'alphabétisation des adultes *La relation Homme-Monde *Dialogue et Participation *Le concept de culture *De l'analphabète à l'alphabétisé 2. Les phases d'élaboration et de mise en oeuvre pratique de la méthode 3. Les actes concrets de l'alphabétisation *De la lecture à l'écriture 4. L'extension et les prolongements de l'expérience I. Éducation et Politique (préface) Par Francisco C. WEFFORT Dans cet essai, Paulo Freire nous présente la conception de sa pédagogie et de sa méthode d'enseignement. Les idées et principes qu'il expose portent, de façon claire et précise, les traces de l'expérience vécue par le Brésil au cours des dernières décades. Paulo Freire a su reconnaître la priorité du recours à la pratique, à ce stade de l'émergence politique des classes populaires et de la crise des élites dominantes. Aussi, bien avant la rédaction de cet ouvrage — écrit après la chute du gouvernement Goulard, interrompu par deux séjours en prison et terminé en exil — ses idées se répandirent-elles dans tout le Brésil non pas tant au travers des textes académiques qu'à l'occasion de conférences atteignant le grand public, et de polémiques avec les adversaires du mouvement d'éducation populaire qu'il créa et dirigea lui-même pendant les années précédant le coup d'État de 1964. L'urgence des problèmes d'organisation de ce mouvement de démocratisation de la culture ne permit pas à l'auteur de consacrer tout le temps qu'il aurait souhaité à l'élaboration théorique de sa méthode ; pour que la systématisation fût possible, il dut attendre l'exil. Paulo Freire expose ici pour la première fois une vision globale de ses idées pédagogiques. Il ne s'agit certes pas d'un exposé définitif et achevé, car le propre de cette pensée unie à la pratique est précisément de se développer et de se reformuler sans cesse. Mais ce qu'il est important de noter c'est que cet essai sur l'éducation, qui prétend avoir comme toute théorie une valeur générale, est également imprégné des circonstances historiques où il est né ; il est surtout une réflexion de l'auteur sur son expérience et celle de son peuple durant la dernière étape de l'histoire brésilienne, dans la mesure où il n'a jamais cessé d'être le théoricien et l'inspirateur du mouvement qu'il dirigeait. La vision de la liberté occupe une place prépondérante dans cette pédagogie. Elle est la matrice donnant un sens à une éducation qui ne peut être effective et efficace que dans la mesure où les élèves y prennent part de façon libre et critique. C'est l'un des principes essentiels à l'organisation du cercle de culture, unité d'enseignement qui remplace l'école traditionnelle, et réunit un coordinateur et quelques dizaines d'hommes du peuple dans un travail commun de conquête du langage. Le coordinateur n'exerce pas des fonctions de « professeur », le dialogue est la condition essentielle de sa tâche : « coordonner, ne jamais imposer ni influencer ». Le respect de la liberté des élèves — qui ne sont pas qualifiés d'« analphabètes », mais de gens « qui apprennent à lire »(1) existe bien avant la création du cercle de culture. Déjà dans le « relevé du vocabulaire populaire » pendant la phase de préparation du cours, on recherche autant que possible l'intervention du peuple dans l'élaboration du programme et la définition des « mots générateurs » dont la discussion permettra à celui qui apprend à lire de prendre possession de son langage, tout en exprimant une situation réelle — « une situation-défi » — comme dit Paulo Freire. L'alphabétisation et la « conscientisation » sont inséparables. Tout apprentissage doit être intimement associé à la prise de conscience d'une situation réelle et vécue par l'élève. Notre but n'est pas d'effectuer une description minutieuse de la méthode d'enseignement exposée dans cet ouvrage, ébauche d'une pédagogie pour hommes libres. Mais les sources de la pensée de Paulo Freire — et surtout la mise en pratique de cette pensée — nous découvrent une vision totalement différente des conceptions abstraites du libéralisme. Sa filiation existentielle chrétienne est explicite : « ... Exister est un concept dynamique, impliquant un dialogue éternel de l'homme avec l'homme, de l'homme avec son créateur. Et c'est ce dialogue éternel à propos du monde et avec le monde lui-même, à propos des défis et des problèmes, qui le rend historique ». Dans cette perspective qui s'ouvre à l’histoire se détache dès le début une possible notion formelle de liberté. Celle-ci est conçue comme manière d'être et destin de l'Homme, mais elle ne peut avoir de sens que dans l'Histoire vécue par les Hommes... Paulo Freire propose clairement « une éducation comme usage de la liberté ». Il s'agit moins d'un axiome pédagogique que d'un défi à l'histoire actuelle, reconnaissant l'oppression évidente dans tout le Tiers-Monde et l'espérance en l'engagement de la lutte pour la liberté... Assumer la liberté comme une manière d'être homme est le point de départ du travail dans le cercle de culture. L'apprentissage (très rapide, puisque, selon l'expérience brésilienne, il suffit de 45 jours pour alphabétiser un adulte) ne peut devenir effectif que dans le contexte démocratique des relations établies entre élèves et coordinateur, et entre les élèves eux- mêmes. Les attitudes de liberté et de critique ne se limitent pas aux relations internes du groupe ; elles expriment la prise de conscience, par le groupe, de sa situation sociale. Ce qui compte essentiellement c'est que dans la discussion, ces hommes, êtres individuels et concrets, se reconnaissent eux-mêmes comme créateurs de culture. Par cette discussion précédant l'alphabétisation s'ouvrent les travaux du cercle de culture et s'amorce la conscientisation. Ce serait une erreur d'imaginer la conscientisation comme un simple « préliminaire » à l'apprentissage. Il ne s'agit pas de faire succéder l'alphabétisation à la conscientisation, ou de présenter celle-ci comme condition de celle-là. Selon la pédagogie de Paulo Freire, l'apprentissage est déjà une manière de prendre conscience du réel, et ne peut donc s'effectuer qu'au sein de cette prise de conscience. C'est pour cela qu'à l'étape suivante du cours le coordinateur continue de projeter des images auxquelles s'ajoutent les « mots générateurs », toujours en rapport avec des situations réelles. Pour comprendre cette pédagogie dans son étendue pratique, il faut admettre que l'idée de liberté n'acquiert sa signification totale que lorsqu'elle coïncide avec la lutte concrète des hommes pour se libérer. Cela veut dire que les millions d'hommes opprimés du Brésil — semblables sous beaucoup d'aspects à tous les opprimés du Tiers-Monde — pourront trouver une aide réelle, peut-être même un point de départ, dans cette conception de l'éducation. L'un des résultats — c'était un de ses objectifs — du coup d'État fut, entre autres, le démantèlement de ce qui fut l'un des plus grands efforts de démocratisation réalisé jusqu'alors au Brésil par le Mouvement d'Éducation Populaire. Cette expérience connut un succès total ; en quelques mois, en effet, on réussit à alphabétiser des dizaines de milliers de travailleurs, et à préparer quelques milliers de jeunes uploads/Philosophie/ education-comme-pratique-de-liberte.pdf

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