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HAL Id: halshs-00653366 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00653366 Submitted on 19 Dec 2011 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Art et liturgie au Moyen Age. Nouvelles approches anthropologique et épistémologique Eric Palazzo To cite this version: Eric Palazzo. Art et liturgie au Moyen Age. Nouvelles approches anthropologique et épistémologique. Anales de Historia del Arte, Universidad Complutense de Madrid, 2010, Extra 2, pp.31-74. <halshs- 00653366> Anales de Historia del Arte 31 2010, Volumen Extraordinario 31-74 Art et Liturgie au Moyen Age. NouvellesApproches Anthropologique et Epistémologique1 Eric Palazzo Université de Poitiers-CESCM eric.palazzo@mshs.univ-poitiers.fr Dans une remarquable contribution de nature à la fois synthétique, rétrospective et posant les jalons de l’avenir des études d’histoire de l’art du Moyen Age, Herbert Kessler a énuméré les axes de recherches essentiels ayant dominé l’historiogra- phie récente2. Parmi ces axes, il faut particulièrement mentionner l’intérêt pour « l’objet d’art médiéval » considéré dans toutes ses dimensions à la fois matérielle, historique et spirituelle ainsi que la « fonctionnalité » au sens large des images, des objets ou bien des monuments. A côté de ces deux axes, le savant américain soulignait aussi l’importance des approches que je qualifierais de plus « tradition- nelles » de l’art médiéval concernant sa périodisation, les modes de production ou bien encore la place des œuvres dans l’histoire politique et sociale de leur temps. Plus récemment, le même auteur a poursuivi sa réflexion à travers un livre fonda- mental que l’on peut à plusieurs égards considérer comme pionnier étant donné la richesse des perspectives qu’il ouvre pour l’avenir des recherches en histoire de l’art du Moyen Age3. Dans cet ouvrage, Herbert Kessler a non seulement remar- quablement démontré la fécondité des principaux axes de recherche dont il avait fait état dans son article mentionné précédemment – notamment l’approche multi- dimensionnelle de l’objet d’art médiéval ou bien encore l’exploration des multiples aspects de sa « fonctionnalité » - mais il a également ouvert la voie en direction de recherches qui se révèleront très fructueuses dans un avenir proche ainsi que l’ont déjà montré certains auteurs dans des travaux que je mentionnerai plus loin dans cette contribution. De façon générale, celle-ci s’inscrit pleinement dans le cadre 1 La seconde partie de cet article reprend quelques aspects de la conférence prononcée lors du colloque organisé par le Center for Medieval and Renaissance Studies – UCLA (Los Angeles ») « Foundations of Me- dieval Monasticism », CMRS Ahmanson Conference Series, 18-19 janvier 2008 et, de façon plus développée, celle donnée à Madrid à l’occasion du colloque « La creacion de la imagen en la edad media: de la herencia a la renovacion » organisé par le Département d’Histoire de l’Art –I- de l’Université Complutense, novembre 2008. 2 H. L. Kessler, « On the State of Medieval Art History », The Art Bulletin, 70, 1988, p. 166-187. 3 H. L. Kessler, Seeing Medieval Art, « rethinking the Middle Ages - 1 », Peterborough, 2004. Art et Liturgie au Moyen Age. NouvellesApproches Anthropologique et Epistémologique Eric Palazzo 32 Anales de Historia del Arte 2010, Volumen Extraordinario 31-74 des ouvertures proposées par Herbert Kessler dans son livre. Dans les pages qui suivent je vais exposer ce qui me semble être les enjeux essentiels d’une approche renouvelée de l’étude des relations entre art et liturgie au Moyen Age, m’appuyant sur des considérations anthropologiques et épistémologiques nouvelles. L ’approche renouvelée de l’étude des relations entre art et liturgie au Moyen Age que je propose ne va pas néanmoins sans un certain nombre d’écueils et de difficultés qui tiennent principalement à la relation d’altérité que nous entretenons de façon générale avec le Moyen Age. De nombreux historiens se sont intéressés à cette altérité du Moyen Age à l’origine de malentendus sur la façon dont notre monde contemporain s’est approprié et continue de penser sa familiarité avec cette période de l’histoire européenne4. Le Moyen Age est « autre » et, à ce titre, il nous oblige à penser la relation que nous entretenons avec « lui » en terme d’altérité. Cette altérité du Moyen Age se caractérise de manière différente selon les pays et les continents5. En effet, la perception du Moyen Age et la façon dont il inter- fère dans les repères de la vie quotidienne ou les structures sociales et politiques d’un pays varient considérablement si l’on se situe aux Etats-Unis ou bien dans le contexte européen, en France par exemple. L ’altérité du Moyen Age implique des relations de proximité plus ou moins fortes avec cette période de l’histoire, variables selon les pays et les cultures. Ainsi, à la différence des Etats-Unis, l’Eu- rope entretient et cultive même une proximité culturelle poussée avec le Moyen Age, déclinée souvent sous des formes patrimoniales, sans pour autant pouvoir prétendre connaître parfaitement « l’autre » que représente la culture médiévale. Pour illustrer ce propos, je rappelle que la proximité et même, pourrait-on dire, la promiscuité physique et matérielle à travers les monuments et les objets médiévaux conservés dans les musées qui caractérise la situation de nombreux pays européens donnent l’illusion d’un Moyen Age familier, parfaitement connu du public comme des spécialistes. Pourtant, ainsi que l’a résumé récemment Hans Belting en une phrase: « Les musées exposent de l’art et non de la religion », soulignant clairement la forte altérité du Moyen Age « artistique » et la connaissance que nous pensons avoir de la signification de ses productions dans le domaine de l’art6. Dans le même esprit, Xavier Barral i Altet a intelligemment « tordu le cou » à plusieurs idées reçues sur nos prétentions à connaître l’art médiéval, en particulier l’art roman7. 4 Voir P . Freedman et G. Spiegel, « Medievalisms Old and New: The Rediscovery of Alterity in North American Medieval Studies », American Historical Review, 103, 1998, p. 677-704 (avec bibliographie) ainsi que, plus récemment, P . Geary, « Multiple Middle Ages – konkurriende Mestererzählungen und der Wettes- treit um die Deutung der Vergangenheit », Historische Zeitschrift, 46, 2007, p. 107-120. Sur l’avenir de la « médiévistique », cf. H.-W. Goetz, Moderne Mediävistik. Stand und Perspektiven der Mittelalterforschung, Darmstadt, 1999. Voir aussi A. Mairey, « L ’histoire culturelle du Moyen Age dans l’historiographie anglo- américaine. Quelques éléments de réflexion », Médiévales, 55, 2008, p. 147-162. 5 Sur ces différences entre les Etats-Unis d’un côté et l’Europe de l’autre dans le rapport à l’altérité du Moyen Age, voir les importantes analyses de Freedman et Spiegel, art.cit. à la note précédente. 6 H. Belting, La vraie image, Paris, 2007, p. 59 et p. 59-63. 7 X. Barral I Altet, Contre l’art roman? Essai sur un passé réinventé, Paris, 2006. Art et Liturgie au Moyen Age. NouvellesApproches Anthropologique et Epistémologique Eric Palazzo Anales de Historia del Arte 33 2010, Volumen Extraordinario 31-74 L ’altérité du Moyen Age dans son ensemble et celle de l’art médiéval en par- ticulier concernent aussi bien le public en général que, de façon plus spécifique, les historiens et les historiens de l’art. Bien plus que le « grand public » auquel on « donne à voir » un certain Moyen Age, le spécialiste est confronté à l’immense difficulté que représente la perception de l’altérité du Moyen Age. Pour contourner cet obstacle qu’il se garde bien souvent d’affronter, le médiéviste se perd fréquem- ment dans le désir d’appropriation absolue des traces du passé médiéval justifié, du moins à ses yeux, par la construction heuristique de sa discipline. En parallèle à ce réflexe de possession obsessionnelle du Moyen Age et de ses « objets » en tout genre, le médiéviste imite spontanément la bêtise scientifique de Bouvard et Pécuchet décrite avec très grande acuité par Gustave Flaubert où le fétichisme clas- sificatoire et le désir irrépressible de posséder « l’ancien », « l’autre », l’emportent sur toute tentative d’une approche « vivante » du Moyen Age et de sa culture8. La notion d’approche « vivante » à laquelle je viens de faire allusion a été remarqua- blement décrite par Willibald Sauerländer à propos de « l’humanisme médiéval » caractérisant selon lui la pensée d’Henri Focillon et la manière dont celui-ci avait été archéologue et historien de l’art du Moyen Age9. « Pour lui un monument mé- diéval n’était pas une charte en pierre mais une forme vivante »10 écrit Sauerländer à propos de Focillon dont l’approche « humaniste » de l’art médiéval privilégiait ce que l’on pourrait appeler la connaissance intime de l’œuvre, considérée comme « vivante », au détriment du fétichisme de la classification et sans rien négliger pour autant de l’exigence propre à l’érudition11. Des problèmes similaires se posent à propos de la relation que le public d’un côté uploads/Philosophie/ eric-palazzo-art-et-liturgie-au-moyen-age.pdf

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