Barbara SÉMEL D9CT0- Approches disciplinaires de la communication M2 AIGEME IFD

Barbara SÉMEL D9CT0- Approches disciplinaires de la communication M2 AIGEME IFD L'éthique de l'information: enjeux et problèmes « Pas d’information sans interprétation de la réalité et pas d’interprétation de la réalité sans le travail subjectif du journaliste»1 1 Dominique Wolton, War Games, L’information et la guerre, Paris, Flammarion, p.221 écrit Dominique Wolton dans War Games, L’information et la guerre. Avec cette remarque, il met d’emblée le doigt sur l’une des problématiques essentielles liée à la notion d’information : celle de son rapport au réel et de sa modélisation par un intermédiaire. Etymologiquement, informare, c’est mettre en forme un contenu, un savoir, des données, des nouvelles. La mise en forme est le préalable nécessaire à la communication, à la transmission de ces contenus à un tiers. Mais mettre en forme, c’est aussi avoir une action, plus ou moins profonde, sur ces contenus. Si la question éthique commence déjà à poindre quand on se demande dans quelle mesure le fait d’informer modèle le réel, c’est surtout dans la relation qui unit l’émetteur et le récepteur que les enjeux et problèmes de l’éthique de l’information se posent de la manière la plus prégnante. On écartera de notre réflexion la question de la désinformation qui semble ne pas appartenir au champ de l’éthique. La désinformation, entendue comme la diffusion d’informations fausses, suppose en effet une volonté consciente et calculée de tromper le destinataire. Le fait d’informer suppose au contraire une adhésion intellectuelle de l’émetteur à l’information qu’il diffuse, mais cette adhésion ne suffit pas à écarter les enjeux et problèmes éthiques, ceux justement que nous voudrions examiner ici. Au cœur de cette question se trouvent les médias, quels qu’ils soient. Au-delà d’une simple relation bilatérale entre un émetteur et un récepteur individuels, ils rendent sensibles la question d’une éthique de l’information en la transportant dans l’espace public. Norme, rôle moral, autorité, responsabilités individuelle et civile sont autant d’enjeux convoqués par une réflexion sur l’éthique de l’information. Ces enjeux ne sont pas sans poser des problèmes, aussi bien aux émetteurs, journalistes notamment mais aussi détenteurs d’informations dont l’émission ou la rétention peut avoir un impact sur l’ensemble de la société. Si l’on reprend la définition de l’éthique comme « pratique réfléchie de la liberté » que Michel Foucault énonce dans Dits et écrits, on mesure la complexité des enjeux qui s’y rattachent. Avoir une éthique, ce n’est pas simplement obéir à une règle donnée a priori, c’est déterminer ce sur quoi doit s’exercer la vigilance et la Barbara SÉMEL D9CT0- Approches disciplinaires de la communication 2 discipline du sujet qui se construit lui-même comme destinataire de la règle, qui s’impose un ensemble de démarches en fonction de la destination qu’il se donne. Nous voudrions donc examiner pourquoi et en quoi l’éthique de l’information ne peut se réduire à une simple déontologie. Quand on parle d’information, les enjeux et les problèmes éthiques semblent se situer moins au niveau du contenu qu’au niveau de son usage et du rapport dans lequel le diffuseur se place par rapport au message qu’il relaie ou qu’il crée. Les problèmes posés dans le cadre d’une éthique de l’information découlent donc en grande partie des enjeux de la diffusion de l’information, en particulier des enjeux de pouvoir et d’occupation de l’espace public. L’éthique de l’information est finalement révélatrice d’enjeux éthiques bien plus larges, en premier lieu ceux de la démocratie elle- même. *** La notion d’information ne se limite pas à celle de contenu, elle se définit comme un élément essentiel du processus de communication au sein duquel elle peut emprunter des chemins et des supports variés. Où prend-elle sa source, où va-t-elle et comment ? A chacune des étapes de ce chemin, la question éthique est susceptible de se poser. Le schéma traditionnel de la communication suppose que l’information est un contenu diffusé depuis un émetteur vers un récepteur de manière linéaire. Si on l’assimile au message dans le schéma de la communication tel que le décrit Jakobson, elle apparait tout simplement comme un contenu diffusé de manière linéaire depuis un émetteur vers un récepteur. En insistant sur les fonctions du langage, porteur de cette information, Jakobson suggère déjà que l’acte de transmettre est susceptible d’avoir un impact sur le destinataire. Même en considérant la transmission d’information dans le cadre d’une relation bilatérale, on peut envisager que cette information puisse venir de différentes sources et être diffusée à travers de multiples supports. A la jonction de cet enjeu définitoire se trouve la question de la qualité de l’information. La majorité de la population ne s’informe que par les médias notamment audiovisuels. On pourrait dans un premier temps se demander si les enjeux éthiques varient fondamentalement en fonction des supports utilisés. L’écrit est souvent considéré comme plus propice à la réflexion, au recul critique sur les informations alors que l’image donnera l’impression, ou l’illusion, de livrer une information plus brute, moins marquée par le point de vue de l’émetteur et qui fera davantage appel à l’émotion. Si cette opposition peut se vérifier, elle peut aussi être discutée dans bien des cas. C’est en effet le point de vue de celui qui relaie l’information qui est primordial dans la qualité de cette dernière. On joue sur différents ressorts. Mais aucun de ces médias ne peut, plus que l’autre, prétendre à l’objectivité. Si l’on peut admettre le principe d’objectivation auxquels les journalistes pourraient s’astreindre, considérer l’information comme une simple observation et retranscription objective du réel ne résiste pas longtemps à l’examen. L’acte même d’informer n’implique-t-il pas finalement en lui-même d’expliquer les faits que l’on diffuse ? Recontextualiser des informations pour en faciliter la compréhension implique un travail de documentation et de prise de distance que l’émetteur peut prendre en charge. Cette nécessité est d’autant plus d’actualité que l’information devient de plus en plus volumineuse, diverse et éparse. La question de sa conservation, de sa transmission, de sa manipulation se complexifie. Il s’agit aussi de la croiser pour qu’elle puisse servir, par exemple à la progression de la réflexion. Avec les nouvelles technologies, cette question s’accentue encore plus, par exemple autour des enjeux du classement, de l’accès et de l’accessibilité à l’information. Le rôle de ceux qui choisissent et diffusent cette Barbara SÉMEL D9CT0- Approches disciplinaires de la communication 3 information est ainsi fondamental. Les enseignants et les intellectuels sont bien entendu en première ligne pour éduquer et sensibiliser chacun à ces questions. Mais ce sont sans doute les journalistes, considérés comme les professionnels de l’information, qui sont au premier chef concernés par les questions éthiques qui se posent en matière de diffusion de l’information. Le filtrage qu’ils doivent opérer au milieu de la multitude des faits qui surviennent quotidiennement les conduit à établir un ordre du jour, ce que Mc Comb et Shaw ont désigné sous le terme d’agenda-setting en analysant l’affaire du Watergate. La fonction de sélectionneur propre au métier de journaliste a été désignée sous le terme de gatekeeper par David White. Si le journaliste est un portier entre son lecteur et l’information, il fait figure d’intermédiaire, il apparaît comme celui qui le guide quand il appréhende le monde, son ordonnancement et son organisation. Se pose donc la question de sa responsabilité par rapport à ce lecteur. Cette responsabilité est d’abord à envisager dans le cadre de l’éthique professionnelle des journalistes. Il faut donc s’intéresser à leur formation initiale, à leurs conditions de recrutement, à leur formation continue. La formation des journalistes comprend par exemple la réflexion sur un certain nombre de principes comme celui de la vérification des sources ou de la liberté d’information et d’expression. Si nous sommes ici dans le domaine de la déontologie, en fonction des cas auxquels les journalistes seront confrontés, des choix éthiques pourront se poser à eux. Bien sûr, les formations d’excellence existent mais en tant que secteur d’activité particulièrement convoité, le journalisme n’échappe pas à certaines logiques : difficulté à percer et importance de la constitution d’un réseau sont des facteurs qui expliquent un certain nombre de tensions autour de l’employabilité et de la progression de la carrière. Ce n’est pas parce qu’on rêve de devenir grand reporter qu’on ne passera pas quelques années à la rubrique people ou à celle des chiens écrasés. Les méthodes employées relèvent aussi de l’éthique. La nature même des enquêtes menées dans le cadre du journalisme d’investigation, par exemple, peuvent aller à l’encontre de principes éthiques. Comment considérer le fait d’obtenir des informations par la ruse, par exemple en taisant sa qualité de journaliste. On pourra se demander ce qui doit primer d’un point de vue éthique, la fin ou les moyens employés par le journalisme d’investigation. Mais c’est aussi en fonction des informations qu’on choisit ou non de diffuser et de la manière dont on choisit de les présenter, que des choix éthiques se posent. Dans son livre Le Sorcier de l’Elysée, biographie de Jacques Pilhan, conseiller en communication de François Mitterrand puis de Jacques Chirac, François Bazin décrit des cas intéressants pour notre réflexion. Il montre par exemple à quel point le conseiller tente d’interférer auprès uploads/Philosophie/ ethique-de-l-x27-information-enjeux-et-problemes-dissertation-en-philosophie-de-la-communication.pdf

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