1 UNIVERSITE DE DOUALA Faculté des Sciences Éthique républicaine, déontologie e
1 UNIVERSITE DE DOUALA Faculté des Sciences Éthique républicaine, déontologie et vivre ensemble Cours de Licence 1 Enseignant : Dr. Joseph Hubert NGON BIRAM Téléphone : 697 510 768 / 674 893 560 Courriel : jhngonbiram@gmail.com Les grandes questions de l’éthique républicaine : Vivre ensemble, défis et enjeux. La question du lien social I. INTRODUCTION : QU’EST-CE QUE L’ÉTHIQUE ? ÉTHIQUE ET MORALE. LE BIEN ET LA VIE BONNE. 1. Qu’est-ce que l’éthique ? Quelle est son importance ? On peut définir l’éthique ou la philosophie morale avec Lewis Vaugh1 comme l’étude philosophique de la moralité. La moralité fait référence aux croyances concernant le juste et l’injuste, le bien et le mal. Celles-ci comprennent les jugements, les valeurs2, les règles, les principes et les théories qui guident nos actions, définissent nos choix et nous donnent des raisons d’être les personnes que nous sommes. Tout le monde s'intéresse à l'éthique. Nous avons tous nos propres idées sur ce qui est bien et ce qui est mal et comment nous pouvons faire la différence. En effet, nous sommes tous les produits de sociétés particulières. Nous ne nous « faisons pas ». Nous devons une grande partie de ce que nous considérons être notre « identité » et nos « opinions personnelles » à la communauté dans laquelle nous vivons. Cela était parfaitement logique pour Aristote. Pour Aristote, la fonction première de l'État était de permettre aux êtres humains collectivistes d'avoir des discussions philosophiques et finalement de s'entendre sur un code d'éthique partagé. Mais dès que nous sommes formés, la plupart d'entre nous commencent à remettre en question la société qui nous a fait, et le font d'une manière qui nous semble propre. Socrate a souligné que c'était en fait notre devoir. L’éthique soulève ainsi la puissante question soulevée par Socrate il y a 2400 ans : Comment devons-nous vivre ? La pertinence et l’actualité de cette vieille question souligne un trait caractéristique de l’éthique : son irrésistibilité. Nous ne pouvons échapper à l’interrogation éthique, parce que la vie nous amène à choisir en permanence, à assimiler, modifier ou rejeter les normes éthiques héritées de nos familles, de nos communautés et de notre société. Jacqueline Russ et Clotilde Leguil pensent même que nous sommes condamnés à inventer l’éthique. Elles écrivent en effet : « La pensée éthique contemporaine nous montre comment les questions du bien et du juste tentent de se formuler de façon nouvelle au sein d’une époque où on ne peut plus faire appel à des valeurs morales immuables et transcendantes. Comme Sartre nous l’avait annoncé au milieu du 1 Lewis Vaugh, Beginning Ethics. An Introduction to Moral Philosophy, W. W. Norton & Company, Inc., 2015 2 Un jugement de valeur est un jugement sur le bien ou le mal de quelque chose ou de quelqu'un, ou de l'utilité de quelque chose ou de quelqu'un, basé sur une comparaison ou une autre relativité. D'un point de vue épistémologique, on peut distinguer, globalement, deux types de jugements : les « jugements de faits » et les « jugements de valeur ». Le jugement de fait implique une observation neutre et objective. Le jugement de valeur implique une évaluation et une appréciation subjective. 2 XXème siècle, « Aucune morale générale ne peut nous indiquer ce qu’il y a à faire ; il n’y a pas de signe dans le monde ». Nous sommes condamnés à inventer notre existence et de même les valeurs que nous souhaitons suivre. »3 Au XXIème siècle, l’éthique se formule par rapport aux nouvelles exigences de la société démocratique qui considère que chaque individu est un sujet libre, et que nous sommes égaux en droit, et d’autre part par rapport aux nouvelles possibilités de la science et de la technique, qui semblent parfois mettre en péril le respect de l’être humain et sa liberté. L’histoire du 20ème siècle nous a montré que tout ce qui est possible techniquement n’est pas nécessairement souhaitable pour l’être humain. Le nazisme a fait la démonstration des pouvoirs de la science et de la technique pour rationaliser la barbarie en la présentant comme une norme morale. Ainsi, on ne peut plus après l’expérience des totalitarismes4 croire dans un souverain bien dont la science serait porteuse pour l’humanité. Le questionnement éthique vient donc se loger dans cet écart entre le possible et le désirable que le progrès de la science et le cours tragique de l’histoire ont rendu nécessaire : « Si le monde contemporain a besoin de penser une éthique, c’est justement qu’il est confronté à un vide du point de vue des valeurs morales. Comment répondre de ses actes lorsqu’on ne peut plus se contenter d’obéir à une instance supérieure qui saurait à notre place ce qu’il faut faire ? »5 L'éthique est évidemment une construction importante de la civilisation, née d'un besoin humain primordial de comprendre le monde. Mais pourquoi, exactement, l'éthique est-elle importante ? Elle l’est parce que l'humanité a besoin de structure pour donner un sens au monde. Au fur et à mesure que nous recueillons des informations sur notre monde, nous les ordonnons et les catégorisons. Cela nous aide à décoder le vaste univers apparemment impossible à comprendre. L'éthique fait partie de cette croisade continue de décodage. Si la connaissance définit le « quoi » de l'univers, alors la philosophie est une tentative de déverrouiller le « pourquoi ». L'éthique est alors la façon dont ce « pourquoi » est mis en œuvre, nous donnant des normes, des vertus et des règles que nous utilisons pour diriger notre comportement, à la fois au quotidien et dans le grand ordonnancement des choses. 2. Éthique et morale L’éthique reste une discipline très compliquée. Elle est en effet une mixture surprenante de tradition reçue et d’opinions personnelles. La réflexion éthique oscille ainsi entre deux pôles : une éthique communautarienne et une éthique individuelle. C’est dans ce sens que certains philosophes ont insisté sur l’importance de la communauté et considèrent l’éthique individuelle comme dérivée. D’autres par contre, insistent sur l’autonomie de l’individu et affirment que la société n’est qu’un arrangement convenable dont le but est de garantir les fins et les ambitions individuelles. Le mot « éthique » (du grec ethos : habitude) et le mot « morale » (du latin more : mœurs) renvoient tous deux à l’ensemble des jugements relatifs au bien et au mal, pour diriger la conduite des hommes. Rien dans l’étymologie ou dans l’histoire de l’emploi de ces mots ne permettrait donc de les différencier réellement, mis à part leurs racines respectivement grecque et latine. Pourtant, on peut faire une distinction entre morale et éthique. En effet, selon le philosophe français Paul Ricœur, on peut distinguer les deux termes en ce sens : « éthique pour tout le questionnement qui précède l’introduction de l'idée de loi morale et [...] morale pour tout ce qui, dans l'ordre du bien et du mal, se rapporte à des lois, des normes, des impératifs »6. Ricœur propose ainsi une distinction entre ce qui 3 Jacqueline Russ et Clotilde Leguil, La pensée éthique contemporaine, Que sais-je ? Quatrième édition, Paris PUF 4 Le totalitarisme est l'un des principaux types de systèmes politiques avec la démocratie et l'autoritarisme. C'est un régime à parti unique, n'admettant aucune opposition organisée et dans lequel l'État tend à confisquer la totalité des activités de la société. C'est un concept forgé au 20 siècle, durant l'entre-deux-guerres, avec une apparition concomitante de régimes totalitaires en Allemagne et en URSS. Le totalitarisme signifie étymologiquement « système tendant à la totalité ». L'expression vient du fait qu'il ne s'agit pas seulement de contrôler l'activité des personnes, comme le ferait une dictature classique. Le régime totalitaire va au-delà, en tentant de s'immiscer jusque dans la sphère intime de la pensée, en imposant à tous les citoyens l'adhésion à une idéologie obligatoire, hors de laquelle ils sont considérés comme ennemis de la communauté. 5 Idem 6 Ricœur, 2003 3 est souhaitable et ce qui est obligatoire. Dans la continuité de ce raisonnement, on peut proposer que l'éthique ne porte pas sur ce qui est, mais sur ce qui devrait être. L'éthique ne vise pas à établir des certitudes. La morale engage plus que l’éthique l’idée d’une certaine transcendance et d’une certaine abstraction d’un devoir universel7. L’éthique au contraire se caractériserait par une certaine immanence, la volonté de guider la conduite humaine vers une vie heureuse. Elle est d’abord une réflexion qui vise la vie bonne8. De nos jours, on réserve généralement le mot « morale » à l’analyse des phénomènes moraux concrets et le mot « éthique » au problème du fondement de toute morale et à l’étude des concepts fondamentaux tels que, le bien, le mal, le devoir, etc. La morale apparait alors comme le système des règles que l’homme suit ou doit suivre dans sa vie aussi bien personnelle que sociale : « Le terme d’éthique se distingue de celui de morale au sens où la morale renvoie davantage à un corps constitué de normes alors que l’éthique implique un questionnement sur uploads/Philosophie/ ethique-l1-chap-1.pdf
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- Publié le Mai 28, 2021
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