Alain (Émile Chartier) (1946) LETTRES à Sergio Solmi sur la philosophie de KANT
Alain (Émile Chartier) (1946) LETTRES à Sergio Solmi sur la philosophie de KANT Avec annotations de Bertrand Gibier Un document produit en version numérique par Bertrand Gibier, bénévole, professeur de philosophie au Lycée de Montreuil-sur-Mer (dans le Pas-de-Calais) Courriel: bertrand.gibier@ac-lille.fr Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Alain (Émile Chartier), Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant (1946) 2 Cette édition électronique a été réalisée par Bertrand Gibier, bénévole, professeur de philosophie au Lycée de Montreuil-sur-Mer (dans le Pas- de-Calais), bertrand.gibier@ac-lille.fr , à partir de : Alain (Émile Chartier) Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant (1946). Avec annotations de Bertrand Gibier. Une édition électronique réalisée à partir du livre d’Alain (Émile Chartier), Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant. Paris : Paul Hartmann, Éditeur, 1946, 96 pages. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 6 janvier 2003 à Chicoutimi, Québec. Alain (Émile Chartier), Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant (1946) 3 Table des matières Première lettre.— La notion de Raison pure. Kant apporte les idées de tout le monde. Sur l’unité du Je pense. Sur l’a priori. Déduction du mensonge. Deuxième lettre.— D’une critique de la Raison pure. Sur l’hypothèse. Sur la religion naturelle. La réfutation de l’idéalisme. Nuages. Troisième lettre. — L’espace et le temps. Sur l’apparence. Que l’espace n’existe pas. Sur quelques exemples fameux. Sur le temps. Quatrième lettre. — L’entendement. Un exemple d’énumération complète. La relation. La modalité. De nouveau sur le théorème de l’analytique. Cinquième lettre. — De la dialectique. Sur un genre littéraire. La psychologie rationnelle. De l’existence. Les antinomies. Encore de l’existence. Sixième lettre. — D’une méthodologie de la Raison. Mathématique et métaphysique. La morale à l’état de pureté. Sur le socialisme. Septième lettre. — De la morale. Se savoir esprit. Les trois maximes. Contre les tyrans. Du salut. De la vieillesse. De l’amour. Huitième lettre. — Du jugement. En présence du noumène. De la finalité. Le cœur commun. De l’idolâtrie. Mes héros. Neuvième lettre. — Du beau et du sublime. Les quatre moments du beau. Ce qui paraît dans le sublime. De Jupiter. Du Judaïsme ou de la vraie religion. L’histoire universelle. Retour à l’esthétique. Alain (Émile Chartier), Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant (1946) 4 NOTE Les Lettres d’Alain ne comportent aucune note. Il nous est apparu qu’il ne serait peut-être pas tout à fait inutile d’expliciter certaines références et d’apporter quelques renseignements complémentaires. Toutes les notes sont donc de notre fait. Bertrand Gibier, 6 janvier 2003. Alain (Émile Chartier), Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant (1946) 5 Première lettre Retour à la table des matières Mon cher ami 1, j’ai résolu de vous écrire quelques lettres concernant la philosophie de Kant. Pourquoi ? Ce n’est pas que je juge que vous ayez trop peu lu cet auteur. Je ne crois pourtant pas que vous l’ayez lu assez ni que personne l’ait lu assez. Et cela se comprend ; car la philosophie de Kant n’ap- porte dans l’histoire des doctrines rien de nouveau. Bergson a dit, assez astucieusement : « Ce n’est qu’un Platonisme à peine renouvelé 2 ». On peut 1 Sergio Solmi naquit à Rieti le 16 décembre 1899. Son père, Edmondo, était philosophe, spécialiste de Léonard de Vinci. À dix-huit ans Solmi partit pour la Première Guerre mondiale. Au retour du front, il reprit ses études à Turin et acheva sa licence de droit en 1923. Pendant ce temps il ne cessa de manifester son intérêt pour la littérature et fonda la revue Primo Tempo, avec Debenetti, Gromo et Sacerdote. Peu après il collabora au Baretti de Piero Gobetti. Installé à Milan, il entra au service juridique de la Banque commerciale, dont il devint par la suite directeur et qu’il ne quitta que pour prendre sa retraite. Pour obéir aux désirs de Raffaele Mattioli, il devint directeur de La Cultura, fondée par Cesare de Lollis. Ses articles critiques lui attirèrent des ennuis avec les autorités fascistes. Entre les deux guerres, il se maria et eut deux enfants (Renato et Raffaela). Sa collaboration s’était étendue aux journaux les plus prestigieux. En 1930, parut son essai Il Pensiero di Alain et, en 1933, son premier recueil de poésie sous le titre Fine di Stagione. En 1942, il rassembla ses études françaises dans le volume La Salute di Montaigne e altri scritti di letteratura francese. Pendant la Seconde Guerre mondiale Solmi adhéra au Partito d’Azione (Parti d’Action qui, de 1942 à 1947, tenta de réconcilier libéralisme et socialisme) et prit part à la Résistance sous le nom de Mario Rossetti. En 1944 il fut fait prisonnier, mais réussit à s’évader de façon rocambolesque avant d’être arrêté une seconde fois en 1945. Après la guerre il dirigea La Rassegna d’Italia, fondée par Francesca Flora, et poursuivit avec bonheur son métier de poète, de prosateur et d’essayiste. Il mourut à Milan le 7 octobre 1981. 2 La Pensée et le mouvant, Introduction à la métaphysique, p. 222. Alain (Émile Chartier), Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant (1946) 6 partir de là. À mes yeux, Kant a justement les vertus de Platon ; il ne nous occupe pas de son système, mais pourtant il exerce sur nos pensées une énergique action. Il se peut que beaucoup lui tiennent rigueur de cela même. C’est qu’en effet Kant nous apporte les idées de tout le monde. Il nous tient, comme Socrate, inquiets devant lui en nous disant : « C’est toi qui répon- dras ». Cela inquiète. Nous voulons être instruits ; nous voulons être réfutés ; et Socrate ne réfute que des êtres imaginaires comme Gorgias ou Protagoras ; jamais il ne réfute l’innocent Criton, ni le naïf Phédon. Ainsi fait Kant. Il dissipe l’erreur ; il anéantit l’objection, mais il ne cesse de fortifier son lecteur. La part de la polémique est, en lui, très petite. Kant ne veut point avoir plus d’esprit que qui que ce soit. Aussi ne forme-t-il pas de disciples. Beau- coup ont dit, comme Rauh 1 : « J’accepte tout Kant moins le noumène ». C’est ne rien dire. Et c’est pourquoi j’ai toujours pensé à exposer Kant, sans jamais le réfuter, en partant de cette idée qu’il a toujours raison. Ce qui vous paraîtra bien jeune. De mon côté, je ne puis m’empêcher de vous trouver un peu disputeur ; et il me faut un philosophe comme Kant pour vous détourner de cette méthode de chercher la vérité qui consiste à tuer les uns et les autres jusqu’à ce qu’on trouve quelque blessé à qui on espère sauver la vie. Mais c’est assez de généralités. Je me propose de traiter dans mes lettres les ques- tions suivantes : de la conscience de soi, de l’espace et du temps, de la géométrie, de l’arithmétique, et autres qu’il est inutile d’énumérer d’avance. Sur toutes ces questions j’ai entendu des discussions, d’où je tirais qu’il était bien malheureux que Poincaré et Einstein n’aient pas lu Kant. Je cite ces deux-là, parce que les erreurs des grands sont instructives. Je reviens à Platon ; car j’ai dit souvent : « C’est malheureux qu’un homme d’entendement n’ait pas lu Platon ». Je conviens qu’on ne peut guère lire Platon ou Kant que dans des traductions ; mais je pense que les traductions reproduisent exacte- ment les idées de l’auteur traduit. Ce n’est pas comme si je cherchais dans les traductions le style et la matière d’un auteur. Mais quant à l’idée, on ne peut pas la manquer quand il s’agit d’un auteur qui expose non pas son idée, mais celle de son lecteur. Vous êtes invité à vous comprendre vous-même. J’avoue 1 Frédéric Rauh (1861-1909), auteur notamment de l’Expérience morale (1903), avait écrit dans le tout premier numéro de la Revue de Métaphysique et de Morale (en 1893) un article intitulé « Essai sur quelques problèmes de philosophie première », qui se trouve ici visé par Alain. Rauh avait écrit (p. 48) : « En somme, supprimez le noumène qui [...] ne peut être dans le système de Kant que le résidu de l’ancienne métaphysique, le kantisme est la vérité même. [...] Ainsi le noumène supprimé, le kantisme est le vrai. » Dans Histoire de mes pensées (Les Arts et les Dieux, Gallimard, p 66), Alain plaçait Rauh dans la catégorie des lecteurs pressés dans les mains de qui les auteurs fondent, « des déblayeurs et dévastateurs ». Il ajoutait : « J’aurais voulu le rappeler au vocabulaire. Noumène veut dire ce qui est uploads/Philosophie/ alain-emile-chartier-lettres-a-sergio-solmi-1946.pdf
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- Publié le Dec 18, 2022
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