ir 2 LA CIRCULATION DES CONCEPTS JURIDIQUES : LE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIR

ir 2 LA CIRCULATION DES CONCEPTS JURIDIQUES : LE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT ENTRE MONDIALISATION ET FRAGMENTATION . Sous la direction de Hélène RUIZ FABRI et Lorenzo GRADONI SÓCIÉTÉ .DE LÉGISLATION COMPARÉE 174 V. GUEVREMONT concilier des valeurs longtemps considérées conflictuelles. Bien qu'initiée, l'intégration des valeurs environnementales dans le droit de l'OMC demeure toutefois inachevée, notamment en raison des limites de l'exception environnementale et de l'insuffisance d'autres mécanismes d'articulation des valeurs environnementales avec les règles du système commercial multilateral (ce demier point n'ayant toutefois pu être explore dans le cadre de cet article). Dès lors, une pression continuera à s'exercer sur le système et il ne fait aucun doute que les multiples problèmes et défis environnementaux auxquels la communauté internationale est confrontée se chargeront d'accomplir cette tâche. La circulation des valeurs environnementales au sem n du système commercial multilateral ne semble donc destinée qu'à s'intensifler. Loin d'être une menace pour l'OMC, la gestion de cette interaction entre intérêts commerciaux et préoccupations environnementales constitue même une fonnidable occasion de faire du système commercial multilateral non seulement un pilier, mais également une passerelle reliant plusieurs piliers de la gouvemance mondiale. (7' • FONCTION INTERSYSTÉMIQUE DU CONCEPT DE DÉVELOPPEMENT DURABLE Laurence DUBIN Selon la Déclaration de Rio de 1992, dans sou quatrième principe, o pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie inteprante du processus de développement et ne peut être considéré isolément » . Selon beaucoup des observateurs du concept de développement durable2, ce principe permettrait de comer son essence. De nature prescriptive, le développement durable se définirait comme un concept visant à décloisonner des espaces normatifs différents de façon à ce que chacun incorpore les contraintes et les valeurs de l'autre. Contrairement à une idée reçue, le concept ne permettrait donc pas nécessairement de faire prévaloir les intérêts de l'environnement sur les intérêts économiques mais plus subtilement de les concilier. En ce sens, ii serait doté d'une fonction « intersystérrijanu, visant à coordonner Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, A/CON. 151/26/Rev. (vol I). 2 Selos Philippe SANDS, Ia Déclaration de Rio « provides a banis for defining « sustainable development » and its application », v. Principies of International knvironmenlal Law, edition, Cambridge Universtity Press, Cambridge, 2003, p. 54. D'autres auteurs considèrent que Ia Oéclarotion a « tracé les contours juridiques de la 'attrabilité' eu matière de développement et de protection de l'envirounement », v. M. A. BEKHECH1, « Le droit international à l'épreuve du développement durable » ; quelques reflexions à propos dc la Déclaration de Rio sur Penvironitement et le développement », Annuaire de La Haye de drait internaiional, 1993, pp. 59- 73, p. 65. À propos du quatrième principe de Ia Déclaration de Rio, d'autres n'hésitent pas à considérer que « Integration of envIronment and development is lhe concept of sustainable development itself », M. FITZMAURICE, <cinternational Protection_af_the Environment » RCADI 2001, Vol. 293, p. 52. Enfin, le Trofesse="1 - 1.— akinue que « Principie 4 is lhe closestWeSio Declaration comes to a definition of 'sustainable development', generally succeeding at finding the balance between development and environment considerations. At its best, lhe principie reflects a more action-oriented approach toward defining suslainable development than many of lhe Declaration's other principies », J. D. KOVAR, « United Nations Conference on Environmer t and Development... », Colorado Journal ofEnvironmental LOW and Policy, 1993, p. 127. l'hétérogénéité de systèmes nonnatifs reposant sur des valeurs différentes. Sans doute, la meilleure illustration de cette fonction apparait-elle dans le dictum devenu célebre de la Cour de Ia Haye prononcé dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros, « le concept de développement durable traduit bien cette necessite de concilier développement économique et protection de l'environnement »3. Au vu de sa remarquable ubiquité, le concept, s'il se limite à son aspect prescriptif, semblerait avoir réalisé son pari. Ainsi, l'accord instituant l'OMC l'expose dans le premier considérant de son preambule de la façon suivante : « Reconnaissant que leurs rapports dans le domaine commercial et économiquesdoivent être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, (...) tout en permettant l'utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l'objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et préserver l'environnement et de renforcer les moyens d'y parvenir d'une maniere qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs à différents niveaux de développement économique ». De même, le Traité sur l'Union Européenne le reconnait dans son preambule: « Determines à promouvoir le progrès économique et social de leurs peuples, compte tenu du principe du développement durable et dans le cadre de l'achèvement du marche intérieur, et du renforcement de la cohésion et de la protection de l'environnement, et à mettre en ceuvre des politiques assurant des progrès paralleles dans l'intégration économique et dans les autres domaines ». Le traité en fait même le premier objectif de 1'Union4, objectif intégralement repriÉ dans le Traité sur la Communauté européenne ainsi que dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne signé à Lisbonne. Ce demier consacre la portée téléologique du développement durable dans les termes suivants : « L'Union établit un marche intérieur. Elle ceuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique Projet Gabelkovo-Nagymaros (Hongrie./Slovaquie), arra du 25 sept. 1997, Recuei! 1997,1 141. Art. 2 du Traité sur l'Union Européenne. équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marche hautement compétitive, qui tend au Wein emploi et au progrès social, et un niveau eleve de protection et d'amélioration de la crialité de renvironnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique » . 'Vim li uerai 1 s tenant à. la rotection de Penvironnement mais une s .jj_ . p n I m s_promesse à ver à laquelle chague système pourrait donner un contenu. Le caractère à la fois performatif et vague du développement durable 1e1 placerait aldrs dans la catégorie des « concepts-slogans ». Cs,u&sl. n'irnpliquemient pas d'iadlintions iuridiques precises, permatraient aux — Etats de (se?) donner rimpression d'avancer sur des sujets éminemment politiques sans pour autant opérer de réels choix et déportet, milT12;—E• p - roblème vers ces acteurs incontournables de Ia mise en balance, les juges°. — Dans un contexte international, de tels concepts, au lieu de résoucTre—les incohérences matérielles, sinon de limiter la schizophrénie des États, contribueraient, au contralre, à la fragmentation du droit international en permettant aux juges placés dans des systèmes particuliers d'interpréter le slogan selon le tropisme du système qu'ils contribuent à consolider. Aussi, avant d'analyser comment les systèmes partieuliers que sont l'OMC et l'Union Européenne envisagent le concept incorporé dans leur droit primaire — ce qui correspond au rayonnement intrasystémique du 'concept') — ii convient d'observer si le concept de développement durable renvoie à des obligations materiollement precises et formellement générales définies ailleurs que dans les sous-systèmes envisagés par l'étude. En somme, il s'agit de voir si le développement durable, en tant que concept 5 Art. 2 § 3 du Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne 6 Jean SALMON polir sa part parle de notions à ~temi variable lesquelles permettent aux Etats « de se décharger de la responsabilité d'en déterminer le eontenu os le sena précis des v'ertnes employés par ceux qui auront à les appliquer ou à &encher eis litige éventuel », v. J. SALMON, « Les notions à contenu variable en droit intertianonal public », ia Les notions à cowenu variable droit, eludes publiées par Perelinan et Vender Eis, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 264. 'v. Pélude de Virginie BARRAL. Ainsi accueilli par des systèmes dotes d'une vocation économique, le développement durable n'a cependant peut-être pas complètement templi sa fonction, à moins de considérer qu'en plus d'être prescriptif, le concept soit également performatif et vague. Performatif, en ce sens qu'il suffirait qu'un système normatif ayant une vocation économique l'integre dans ses objectifs pour considérer que la rencontre entre développement écondmique et protection de l'environnement a eu lieu ; va 1. 2,25„parce crie le concept , - - .II* • • 176 L. DUB1N ROLE 1NTERSYSTEM1QUE OU DÉVELOPPEMENT DURABLE 177 enyironnernentale (§ 5 du preambule). Au plan mondial, on peut citer l'exernple de la Charte de l'énergie de 1994 et, à nouveau, le preambule de l'accord de Marrakech instituant l'OMC. M. KOSKENNIEMI, « À quoi sert le droit International 7 » in La politique du droit international, Collection CERDIN « Doctrines », Paris, Pedone, 2007, p. 323. 12 13. S1MMA, « Foreword », in N. SCHRU VER and F; WEISS (ed.), International Low and Sustainable Development. Principies and Practices, Leiden, Martinus Nijhoff Publishers, 2004, p. vi. RÓLE 1NTERSYSTÉMIQUE OU DÉVELOPPEMENT DURABLE 179 178 L. DUBIN intersystémique par nature (1), est à même de conditionner son rayonnement intrasystémique, ou s'il constitue un concept-slogan laissé dans les mains des juges, fussent-ils originaires d'un système particulier (II). 1. UN CONCEPT INTERSYSTEIvIIQUE PAR NATURE Déconnecté d'une dimension formelle et matérielle, le développement durable peut nourrir un scepticisme et apparaltre, au mieux, comme un «slogan incantatoire », áu pire comme un concept de légitimation des politiques économiques uploads/Philosophie/ fonction-intersystemique-du-concept-de-developpment-durable-laurence-dubin.pdf

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