Pierre Martinez LA DIDACTIQUE DES LANGUES ÉTRANGÈRES Neuvième édition mise à jo
Pierre Martinez LA DIDACTIQUE DES LANGUES ÉTRANGÈRES Neuvième édition mise à jour 26e mille À lire également en Que sais-je ? COLLECTION FONDÉE PAR PAUL ANGOULVENT Jacqueline Vaissière, La Phonétique, no 637. Gaston Mialaret, Les Sciences de l’éducation, no 1645. Sylvain Auroux, La Philosophie du langage, no 1765. Claude Hagège, La Structure des langues, no 2006. Louis-Jean Calvet, La Sociolinguistique, no 2731. Michèle Kail, L’Acquisition de plusieurs langues, no 4005. ISBN 978-2-7154-0784-8 ISSN 0768-0066 Dépôt légal – 1re édition : 1996 9e édition mise à jour : 2021, août © Presses Universitaires de France / Humensis, 2021 170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris Introduction Les besoins de communication entre individus qui ne parlent pas la même langue n’ont jamais été aussi grands. Nous vivons dans un environnement géo politique et informationnel étendu à l’échelle planétaire, avec des flux touristiques, industriels et commerciaux – qui ont été, selon l’OMC, multipliés par 33 entre 1950 et 2010 –, de considérables migrations de population, libres ou contraintes, une croissance exponentielle du digital et des réseaux sociaux. Tout se sait, tout se dit, tout s’échange. Le recours à une seule langue véhiculaire (l’espéranto, l’anglais ou autre) est loin de faire l’unanimité et suscite des objections qui ne sont pas dénuées de justesse. La traduction est une nécessité absolue pour les sciences, les techniques, le maintien de la diversité culturelle. Alors, parce qu’il est difficile d’apprendre une langue étrangère, il semble naturel et nécessaire de se demander comment en améliorer l’enseignement. Plus que jamais une réflexion sur la didactique va s’imposer à tous ceux que préoccupent la communication humaine et son possible perfectionnement. Cette neuvième édition de notre ouvrage voit apparaître, notamment dans le questionnement et les perspectives qu’elle propose, de larges modifications. La soif d’échanges culturels qui habite la jeunesse, le débat sur le plurilinguisme, le recours croissant à des moyens technoscientifiques dont la portée ne pouvait être imaginée il y a peu, tout cela rend la question didactique encore plus stimulante. Il faut partir des mots. Le terme didactique n’est bien entendu pas réservé au domaine des langues : il a pour 3 signification étymologique, comme adjectif d’abord, « propre à instruire » (du verbe grec : didaskein, enseigner). Le substantif recouvre un ensemble de moyens, techniques et procédés qui concourent à l’appropriation, par un sujet donné, d’éléments nouveaux de tous ordres. Parmi ceux-ci, on pourra discerner : – des savoirs, bien sûr, le lexique, la grammaire, les élé- ments et les règles de fonctionnement de la langue ; – des savoir-faire, des moyens pour agir sur le réel, pratiquement (manières d’ordonner, d’approuver, de se présenter, d’informer, etc.) ; – un savoir être, des comportements culturels indis- sociables de la langue, car inscrits dans la langue même : ainsi, dans toutes les langues, la ritualisation du discours emprunte des traits spécifiques (paroles apparemment inutiles, formes de politesse, struc- turation logique), correspondant à des valeurs, un code social déterminant pour l’échange interculturel. Dans cet ouvrage, le terme « apprenant » se rencontrera là où on attendrait le terme plus commun « élève ». Ce n’est pas par goût du jargon. Le substantif « enseignant » étant devenu d’un usage courant, on prendra d’ailleurs facilement l’habitude de ne pas parler d’élève, individu inscrit administrativement, mais d’apprenant, placé dans une certaine situation, dans une posture d’apprentissage. Quant au mot « enseigné », venant en contrepoint d’ensei- gnant, il ne correspondrait en rien, avec sa valeur passive, aux processus dont l’apprenant est l’acteur. C’est donc dans l’espace social existant que se déve- loppe, entre l’enseignant et celui qu’on appellera désormais l’apprenant, un « enseignement/apprentissage » de l’objet en circulation : une langue étrangère. Une idée simple, mais fondamentale, est qu’il existe une inégalité entre les partenaires du processus, l’enseignant sachant beaucoup 4 et l’apprenant sachant moins. Mais l’enseignant n’est jamais qu’un « facilitateur » de l’appropriation, ce proces- sus qui vise à assimiler un objet linguistique en l’adaptant à ce qu’on veut en faire. Ce travail ne peut être effectué que par l’apprenant, et l’enseignant n’est en aucun cas le centre du processus d’appropriation, quelle que soit la méthodologie de l’enseignement adoptée. En outre, la didactique se distinguera de la pédagogie, activité impliquant une relation entre l’enseignant et l’apprenant, indépendamment des contenus disciplinaires (Reuter et alii., 2013), et non, à notre sens, sur la concep- tion et la mise en œuvre des moyens d’enseignement. Cette relation n’est toutefois pas sans incidence sur la qualité des acquisitions, mais elle peut avoir d’autres finalités. L’apprentissage d’une langue dépasse en effet l’appropriation d’éléments linguistiques et le dévelop- pement de compétences langagières, il contribue à la construction de l’individu, par exemple comme adulte ou comme citoyen. Comme le terme « éducation » d’ailleurs, « pédagogie » évoque, étymologiquement, un parcours (grec : agogein, conduire) qu’on fait faire à un enfant (pais, paidos) et on parle d’andragogie (aner, andros, homme) pour désigner la formation des adultes. On verra que la pédagogie et d’autres sciences ou domaines scientifiques, tels que la linguistique, la psycho- logie, la sociologie, les sciences cognitives, la techno- logie, etc., éclairent le champ de la didactique des langues étrangères : elles contribuent à la fonder comme discipline théorique, comme désignation académique et comme communauté de pratiques de recherche (Blanchet, Chardenet, dir., 2011). Elles nous font aussi comprendre que les nouvelles interro gations ne peuvent se satisfaire de réponses étriquées. Ainsi les débats contemporains ont-ils mis en lumière que la question « Qu’est-ce qu’apprendre une langue ? » présuppose une autre question « Qu’est-ce 5 que savoir une langue ? ». Et c’est de la définition complexe de ce « savoir » que vont dépendre les objectifs de l’appren- tissage et les moyens de sa réussite. Il s’agit d’amener l’action d’enseignement à échapper au hasard et à la contingence, et la didactique ne peut par conséquent se concevoir qu’à travers un ensemble d’hypothèses et de principes qui permettent à l’enseignant d’optimiser les processus d’apprentissage de la langue étran- gère. On appellera méthode d’enseignement cette démarche raisonnée qui découle d’hypothèses et de principes : – hypothèses, par exemple, relatives au mode de travail proposé ou imposé. De la sorte : apprendre par cœur est bénéfique, mais ne suffit pas ; un enseignement efficace doit être répétitif, il doit donc être spiralaire, revenir sur les acquis pour les réactiver ; l’acquisition d’automatismes est une bonne chose, mais elle doit laisser jouer toutefois une créativité du sujet par- lant, etc. ; – principes dérivant de ces hypothèses : on choisira d’organiser des groupes de travail pour développer la socialisation et le besoin de communiquer, pour ne pas laisser les apprenants sans contacts entre eux, dans une relation verticale avec l’enseignant ; ou encore des phases d’expression libre alterneront avec des phases centrées davantage sur la structuration et la fixation des acquis, etc. La méthodologie visera donc à dégager l’architecture et les raisons des choix opérés dans des contextes didactiques variés, face à des apprenants différenciés par leur person- nalité, leur histoire, leurs attentes, leurs objectifs. On fera par commodité l’économie des termes « didac- tologie » (Galisson) ou « didaxologie » ( Swiggers), et on désignera par « didactique » à la fois les aspects théoriques et pratiques de l’enseignement des langues étrangères, 6 indissociables de leur apprentissage. Le monde anglophone dit d’ailleurs clairement language learning and teaching. Enfin, on sera amené à distinguer une didactique de la langue maternelle – on dira de préférence langue pre- mière – et une didactique des langues étrangères ou secondes : elles renvoient à une histoire (c’est-à-dire une constitution scientifique, des institutions, une recherche) et surtout à des conditions de mise en œuvre (un proces- sus et un environnement d’apprentissage) qui ne sont que très partiellement les mêmes. C’est à un questionnement de ces mots-clés qu’est consacré le volume. On ne trouvera dans les chapitres suivants ni un manuel pour la classe ni l’éloge d’une éventuelle pensée dominante en didactique, mais des outils pour mieux comprendre ce que représente le fait d’ensei- gner une langue étrangère et ce qu’il représentera à l’ave- nir. Nous osons à peine rappeler l’idée, hélas encore reçue dans quelques milieux peu ouverts, selon laquelle il suffi- rait de savoir une langue pour être en mesure de l’enseigner. Nous partirons de l’étude d’une problématique globale – processus d’apprentissage et processus d’enseignement dans leur interaction – pour analyser, dans un deuxième temps, les méthodologies qui ont compté en didactique, jusqu’aux courants récents. Pour les contextes socio culturels qui nous sont voisins, ceux-ci sont inscrits dans une approche communicative, dans une perspective actionnelle, ou encore dans un Cadre européen commun de référence sur lequel nous reviendrons plus loin. Un certain nombre de questions importantes seront ensuite examinées, telles que la grammaire, l’évaluation, la culture ou encore la défini- tion du curriculum. Toutes soulignent l’importance de l’environnement technoscientifique actuel. Les informa- tions apportées sur ces questions donneront au lecteur, nous l’espérons, les moyens de se construire une opinion, 7 de manière éclairée et critique, sur les perspectives qui s’ouvrent à un domaine en pleine uploads/Philosophie/ pierre-martinez-la-didactique-des-langues-etrangeres-2021.pdf
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- Publié le Oct 19, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
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