Fondements des mathématiques : Cantor et Gödel Jean-Baptiste Campesato 6 janvie

Fondements des mathématiques : Cantor et Gödel Jean-Baptiste Campesato 6 janvier 2010 Cet article présente les débuts de la logique mathématiques en se rattachant à l’histoire de la crise des fondements. La première partie présente le contexte historique et ne contient aucune information théorique. La seconde partie quant à elle présente les travaux de Cantor qui ont initié la théorie des ensembles, pour cela on a expliqué et démontré certains résultats fondamentaux de ce dernier de façon rigoureuse. Ensuite la troisième et dernière partie donne des démonstrations et des détails à propos des deux résultats de Gödel de 1931, ainsi que leurs conséquences en ce qui concerne les fondements des mathématiques. Introduction - contexte historique 1 Depuis le ive siècle av. J.-C. et pendant plus de deux millénaires la logique, qui consiste en l’étude des règles régissant la déduction, a été considérée comme une branche propre à la philosophie et comme étant aboutie. On pensait en effet que la logique classique définie par Aristote selon les principes d’identité, de non-contradiction et du tiers exclu ne pouvait plus évoluer. Tout avait été dit. Cependant en 1847 George Boole publie son Mathematical Analysis of Logic qui marque le début de la logique étudiée d’un point de vue mathématique. Il munit la paire {0, 1} de deux lois de compositions internes + et . définies ainsi : + 0 1 0 0 1 1 1 0 . 0 1 0 0 0 1 0 1 on peut vérifier qu’il définit une algèbre, que l’on nomme algèbre de Boole en son honneur. (1 −x) définie la négation de x. En posant qu’une proposition vaut 0 dans l’algèbre de Boole si et seulement si elle est fausse, qu’elle vaut 1 si et seulement si elle est vraie et que l’on considère la loi . comme l’opérateur de conjonction (ou ET) et la loi + comme l’opérateur de disjonction (ou OU ), Boole retrouve les lois de la logique classique : x = x (l’identité), x(1 −x) = 0 (la non-contradiction) et x + (1 −x) = 1 (le tiers exclus). La même année Auguste De Morgan montre dans Formal Logic or The Calculus of Infe- rence ses lois de dualité (que l’on nomme aujourd’hui lois de De Morgan) qui lient entres elles les négations de la conjonction et de la disjonction : (1 −xy) = (1 −x) + (1 −y) et (1 −(x + y)) = (1 −x)(1 −y). La logique symbolique était née. Cependant, ses détracteurs l’ont considérée comme limitée pour les raisons suivantes : tout comme pour la logique classique, elle part du principe que toute propriété est soit vraie, soit fausse, ce point de vue manichéen ne permet pas de décrire l’ensemble de notre monde et de plus elle est entièrement fondée sur le principe du tiers exclu. Elle va ensuite évoluer et gagner en rigueur (notamment avec l’apparition de définitions rigou- reuses et de symboles) jusqu’à aboutir à de grands résultats dans les années trente. Ce sont ces résultats qui vont nous intéresser par la suite, le présent article ne développera donc pas cette évolution. Notons de même que ce gain en rigueur va aussi donner naissance à un langage universel des mathématiques (ce qui comble une espérance de Gottfried Wilhelm Leibniz, voir sa lettre au Père Berthet de 1667 et son Calculus Ratiocinator). Le xixe siècle est aussi marqué par une augmentation fulgurante du nombre de mathé- maticiens et de théories mathématiques. Le succès de la méthode axiomatique de la géomé- trie euclidienne (nous y reviendrons plus tard, notamment en ce qui concerne le 5e postulat d’Euclide et les axiomes de Hilbert) qui remonte aux alentours de 300 ans av. J.-C. va se répandre et certains mathématiciens vont tenter de formaliser des théories mathématiques en- tières en definissant des axiomes (propriétés considérées comme vraies) dont découleront tous les autres théorèmes de la théorie par déduction logique (encore elle !). Notons cependant que la notion de système formel n’a été rigoureusement défini qu’au xxe siècle notamment grâce aux travaux d’Alan Mathison Turing, nous y reviendrons plus tard. Notons qu’il existe des théories alternatives à ZF(C) pour axiomatiser la théorie des ensembles, par exemple la théorie des classes (aussi nommée Théorie des ensembles de von Neu- mann–Bernays–Gödel). On peut illustrer cet attrait pour le formalisme avec la définition axiomatique de l’ensemble des entiers naturels par Richard Julius Wilhelm Dedekind (il fut le dernier étudiant dont la thèse fut supervisée par Carl Friedrich Gauss) qui précède celle de Giuseppe Peano Fondements des mathématiques - Jean-Baptiste Campesato - Page 2/21 en 1889 dans son Arithmetices principia, nova methodo exposita ou encore la construction axiomatique de la théorie des ensembles (voir ci-dessous) par Ernst Friedrich Ferdi- nand Zermelo en 1908 puis complétée dans les années vingt par Abraham Adolf Halevi Fraenkel et Thoralf Albert Skolem (on parle de la théorie ZF ou ZFC si on ajoute l’axiome de choix de Zermelo). Pour finir de placer le contexte, un petit mot sur la théorie des ensembles sus-cité. Il s’agit d’une théorie de Georg Ferdinand Cantor introduite dans le journal de Crelle en 1874 et dont il fournit une introduction à sa théorie en six articles entre 1879 et 1884 dans l’Acta Mathematica. Il fournit ensuite un article en 1891 qui utilise son argument diagonal (nous y reviendrons et aurons de nombreuses occasions de l’utiliser dans cet article). Puis il réalise ses dernières contributions significatives en 1895 et 1897 avec un article en deux parties publié dans les Mathematische Annalen où il réexamine sa théorie. Notons que Dedekind avait déjà commencé à formaliser la notion d’ensemble en mettant en avant la structure totalement ordonnée de l’ensemble des rationnels (1871) puis en construisant l’ensemble des irrationnels grâce à des coupures dans l’ensemble des rationnels (entres autres, voir une bi(bli)ographie). Il s’agit d’une théorie visant à construire rigoureusement les objets mathématiques usuels (et jusque la définis de façon intuitive) à partir de la notion d’ensemble (définie par Cantor) et d’appartenance en utilisant la logique : le principe du tiers exclu. Cantor définie un ensemble comme une multiplicité qui compte pour un (Une définition très vague, il faut bien le reconnaitre. . . Pour information, cette traduction de la définition de Cantor, qui me plait beaucoup, est tirée du roman de Denis Guedj Villa des hommes). Il s’intéresse notamment aux relations biunivoques (ou bijections) entres les ensembles et aux ensembles contenant une infinité d’éléments. L’article initial de 1874 (Ueber eine Eigenschaft des Inbegriffs aller reellen algebraischen Zahlen dans le journal de Crelle, traduction disponible dans Acta Mathematica Volume 2, Number 1 / décembre 1883) met en place des résultats majeurs comme le fait que l’ensemble des nombres algébriques (racines d’un polynome à coefficients entiers) est dénombrable et que l’ensemble des réels ne l’est pas. Ceci amène deux résultats surprenant : d’abord il met en évidence qu’il y a « plusieurs infinis » (en effet l’ensemble des entiers est infini, l’ensemble des réels aussi, et pourtant on ne peut les mettre en bijection, il montre donc qu’« il y a plus » de réels que d’entiers) et aussi qu’« il y a plus » de nombres transcendants (c’est à dire non algébriques) que de nombres algébriques (et même qu’« il y en a autant » que de nombres réels), or on en connait très peu car la transcendance d’un nombre est souvent difficile à démontrer. L’article de 1891 (Über eine elementare Frage der Mannigfaltigkeitslehre) présente quant à lui une dé- monstration simple du fait que l’ensemble des réels n’est pas dénombrable en utilisant ce que l’on nomme maintenant l’argument diagonal, grâce auquel il démontre dans ce même article le théorème de Cantor (Pour tout ensemble E, il n’y a pas de surjection de E sur l’ensemble des parties de E) ce qui signifie qu’il y a une infinité d’ensemble infinis. Cantor va alors développer la notion de cardinalité et d’ordinalité pour quantifier le nombre d’éléments d’un ensemble et les munir d’une arithmétique, il montre alors que les nombres transfinis (on parle de nombres ordinaux désormais) forment une extension des entiers : on peut les munir d’une addition et d’une multiplication, on peut les comparer. . . On dit qu’un ensemble est dénombrable si est seulement s’il existe une relation bi-univoque (ou bijection) entre cet ensemble et l’ensemble des entiers naturels. Durant le reste de sa vie, Cantor tente de démontrer l’hypothèse du continu (dont il aurait aimé disposer d’une démonstration pour l’aritcle de 1897) : il n’y a pas d’ensemble de cardinal strictement plus grand que celui des entiers et strictement plus petit que celui des réels. Nous nous intéresserons à l’hypothèse du continu dans la suite de l’article. La théorie des ensembles a été très contreversée, d’abord pour une raison philosophique, l’exis- tence de plusieurs infinis ne pouvait être acceptée par de nombreux mathématiciens encore très croyants et pour qui l’infini reflète dieu et doit donc être unique. Ensuite parce qu’elle va engendrer plusieurs paradoxes qui vont ébranler la logique aristotélicienne (le principe du tiers exclu) qui, comme on l’a uploads/Philosophie/ fondements-des-mathematiques-pdf.pdf

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