Jean Lefranc Freud (1996) P h i l o S o p h i e © o c t o b r e 2 0 0 8 « Profi

Jean Lefranc Freud (1996) P h i l o S o p h i e © o c t o b r e 2 0 0 8 « Profil d’un auteur » Collection dirigée par Laurence Hansen-Løve Table des matières Introduction : Freud et la philosophie ..................................... 4 Note sur la traduction .................................................................. 9 Chapitre 1 : La naissance de la psychanalyse ......................... 10 Éléments de biographie (1856-1939) ........................................ 10 Freud neurologue ...................................................................... 12 De l’hypnose à la méthode cathartique ..................................... 15 La résistance .............................................................................. 19 Le transfert ................................................................................ 22 Le complexe d’Œdipe ................................................................ 25 Indications de lecture ................................................................ 29 Chapitre 2 : L’inconscient ....................................................... 31 L’inconscient avant Freud ......................................................... 31 Le travail du rêve : contenu manifeste et contenu latent .......... 35 Condensation et déplacement ................................................... 38 Lapsus et mot d’esprit ............................................................... 42 Conscient, préconscient, inconscient ........................................ 44 Métapsychologie et métaphysique ............................................ 47 Les pulsions et leurs destins ...................................................... 50 Les stades d’organisation de la sexualité infantile .................... 54 La sublimation : le cas de Léonard de Vinci .............................. 58 Indications de lecture ................................................................ 62 Chapitre 3 : Eros et mort ........................................................ 63 Libido et narcissisme ................................................................. 63 Ŕ 3 Ŕ La contrainte de répétition ........................................................ 65 Dualité des pulsions sexuelles et de mort ................................. 66 Le Ça, le Moi, le Surmoi ............................................................ 69 Les deux topiques ...................................................................... 72 Indications de lecture ................................................................ 74 Chapitre 4 : Réalité psychique et vérité historique ................ 75 L’enfant et le primitif ................................................................. 75 La foule et l’identification au chef ............................................. 77 Le mythe de la horde primitive .................................................80 La vérité historique .................................................................... 82 L’illusion religieuse.................................................................... 87 Civilisation ou barbarie ............................................................. 91 Indications de lecture ................................................................ 93 Bibliographie ........................................................................... 95 Ouvrages de Freud ..................................................................... 95 Recueil d’articles........................................................................ 96 Quelques ouvrages sur Freud et la psychanalyse ...................... 97 À propos de cette édition électronique ...................................98 Ŕ 4 Ŕ Introduction : Freud et la philosophie S’il est généralement admis que la psychanalyse freudienne a renouvelé l’ensemble des sciences dites humaines, ses rap- ports avec la philosophie sont beaucoup moins reconnus. Mau- rice Merleau-Ponty plaçait Freud parmi les « philosophes du dehors », philosophe puisque ses œuvres appartiennent de fait à l’histoire récente de la philosophie, du dehors, puisque Freud lui-même n’a jamais voulu s’exprimer qu’en tant que médecin. Voilà qui semble clair, sinon simple, et l’on conviendra que la philosophie porte intérêt à la psychanalyse comme à toute nou- velle science ou doctrine scientifique d’importance ; elle réflé- chit sur la théorie freudienne de l’inconscient comme elle réflé- chit sur la théorie einsteinienne de la relativité. Freud ne semble en effet ne rien proposer d’autre quand il affirme, comme en s’excusant, son éloignement de la philosophie : « Cette attitude m’a été grandement facilitée par une incapacité fonctionnelle ». Pourtant ni les philosophes ni Freud lui-même ne s’en sont tenus à une simple question de philosophie des sciences, et il ne faut pas se laisser prendre à une modestie affectée plus d’une fois démentie dans la carrière de Freud. Etudiant, il avait suivi, sans obligation universitaire, les cours de Brentano sur Aristote, et il connaît mieux les auteurs philosophiques qu’il ne le laisse entendre. Sans doute n’a-t-il voulu apporter sa caution à aucune philosophie de l’inconscient, pas même à la Philosophie de l’Inconscient d’Edouard von Hartman à laquelle il se référé dès L’interprétation des Rêves de 1899. Mais il cite Platon dans Au delà du principe de plaisir, et il admet comme allant de soi, dans la Métapsychologie, la distinction kantienne du phéno- mène et de la chose en soi, posée métaphysiquement. Dans Sigmund Freud présenté par lui-même, quand il est amené à rappeler les rapports de la psychanalyse et de la spéculation Ŕ 5 Ŕ philosophique, Schopenhauer occupe une place centrale entre Fechner et Nietzsche : « Les concordances étendues de la psy- chanalyse et de la philosophie de Schopenhauer (il n’a pas seu- lement défendu la primauté de l’affectivité et l’importance pré- pondérante de la sexualité, mais il a même deviné le mécanisme du refoulement) ne se laissent pas ramener à ma connaissance de sa doctrine. J’ai lu Schopenhauer très tard dans ma vie » (p. 100). Quoi qu’il en soit de cette dernière affirmation, le moment de la formation intellectuelle de Freud à Vienne, correspond à celui de l’influence la plus étendue de Schopenhauer dont les thèmes ont pu être connus indirectement sans même que leur origine soit reconnue, et il avait sûrement lu le schopenhauerien Hartman. Aucune source historique ne serait-elle avérée, que les concordances dont parle Freud ne seraient que plus remar- quables. Schopenhauer est de nouveau cité dans Au delà du principe de plaisir comme précurseur à propos de l’instinct de mort. Le primat de la sexualité, le refoulement, l’instinct de mort sont les principales découvertes dont Freud fait honneur au philosophe : ce sont aussi celles qui sont le plus difficilement admises et que, de nos jours encore, nos contemporains croient pouvoir « dépasser », parce qu’elles ébranlent l’une ou l’autre de leurs convictions les mieux ancrées. Et que n’a-t-on pas dit du pessimisme de Freud, en évitant de se référer à celui qui avait introduit en philosophie le terme même ? Il ne s’agit pas de chercher systématiquement la vérité philosophique de la psy- chanalyse dans une sorte de « Schopenhauero-freudisme » mais de prendre d’abord en considération les références philoso- phiques proposées dans les œuvres de Freud. Avant d’attribuer communément à Freud une « idéologie scientiste » qui substitue à la philosophie une conception dog- matique de la Science, encore faudrait-il examiner ce qu’il en- tend par science et par philosophie. Il est vrai qu’avant tout sou- cieux de se faire reconnaître par ses collègues médecins et bio- logistes, il devait affirmer le caractère purement « scientifique » de la psychanalyse et écarter tout soupçon de contamination Ŕ 6 Ŕ philosophique ou littéraire. Il se souvenait qu’à sa parution en 1899, L’interprétation des rêves avait été le plus souvent igno- rée de la presse scientifique. Il est remarquable qu’en France, c’est un certain romantisme germanique qui frappa ses pre- miers lecteurs. Le psychiatre Pierre Janet, d’ailleurs agrégé de philosophie, lui reprocha d’avoir confondu médecine et méta- physique et d’avoir finalement construit un « énorme système de philosophie médicale ». Mais Freud ne pensait nullement renoncer aux exigences scientifiques quand il recourait à une culture littéraire qui était chez lui très étendue. Fort tôt il cher- cha dans le théâtre et le roman des exemples et des modèles d’analyse. Dans sa dernière contribution aux Etudes sur l’hystérie (1895) il remarque : « Je suis encore étonné de voir que les histoires de malades que j’écris se lisent comme des nouvelles et manquent pour ainsi dire du caractère sérieux de la science. Je me console en me disant que c’est vraisemblable- ment la nature même du sujet, plutôt que mon propre choix qui est responsable de cet état de chose ». Cette mise au point, qui ne manque pas d’une certaine ironie sur le sérieux de la science, n’est en tout cas pas celle d’un « scientiste » étroit qui réduirait toute vérité à la seule objectivité des sciences positives. Si le sa- vant, dans ses tâtonnements et ses incertitudes, se refuse les facilités de l’intuition dont usent le philosophe et l’artiste, la science est d’abord respect de la réalité étudiée, quand bien même celle-ci serait de nature psychique. Dans la septième des Nouvelles Conférences d’introduction à la psychanalyse, Freud précise ce qu’il entend par philoso- phie. Les deux caractéristiques qu’il en donne sont autant d’objections. Tout d’abord le philosophe s’égare quand il « s’accroche à l’illusion de pouvoir livrer une image du monde cohérente et sans lacune qui doit pourtant s’écrouler à chaque nouveau progrès de notre savoir » (p. 214). Sont ici précisément visés les grands systèmes comme l’hégélianisme et le marxisme qui proposent une explication, définitive au moins dans ses grandes lignes, à la fois de la nature, de l’homme et de l’histoire, Ŕ 7 Ŕ par une « dialectique » capable de dépasser, de surmonter la diversité de toutes les contradictions du réel. L’autre reproche s’adresse aux philosophes qui s’attribuent une capacité particu- lière de connaissance comme une intuition intellectuelle. La formation scientifique de Freud l’avait mis en garde contre « les philosophies de la nature » du début du XIXe siècle qui inter- prétaient l’ensemble des phénomènes de l’univers par une ana- logie avec un grand organisme vivant, sans trop se soucier de vérification expérimentale. De toute évidence, ce n’est pas toute la pensée philosophique qui est ainsi caractérisée, mais celle qui se présente comme un système total et qui dispute à la science ses droits et ses domaines. Or ce n’est le cas, par exemple, ni de la philosophie critique de Kant ni de la métaphysique schopen- hauerienne que Freud cite par ailleurs avec faveur. Une lettre à Groddeck du 5 juin 1917 permet de préciser à quel moment la philosophie devient dangereuse pour le travail scientifique : « Pourquoi quitter votre base solide pour vous précipiter dans la mystique, pourquoi supprimer uploads/Philosophie/ freud-lefranc.pdf

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