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Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Métaphysique et de Morale. http://www.jstor.org Brunschvicg et Bachelard Author(s): François Dagognet Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 70e Année, No. 1 (Janvier-Mars 1965), pp. 43-54 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40900856 Accessed: 31-12-2015 16:41 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 142.58.129.109 on Thu, 31 Dec 2015 16:41:12 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions Brunschvicg et Bachelard Avec l'aisance alerte et vive qui le caractérise, Bachelard a d'abord renouvelé un genre et créé un style : du fait même, il s'est joué des diffi- cultés qui guettent toute « histoire et philosophie des sciences ». Rien de plus disjoint, de plus divergent que la philosophie actuelle et la science moderne, de là, assurément, l'extrême importance d'une réflexion qui ne les sépare plus. Il n'est pas impossible que Hegel soit à l'origine du schisme, comme le sous-entend déjà Brunschvicg: «A l'aurore des temps modernes, le dogmatisme d'un Descartes ou d'un Newton était au même niveau que le savoir scientifique ; car les notions initiales que l'un et l'autre avaient posées supportaient le système de mécanique et de physique qui en procédait, et paraissaient faire corps avec lui. Au cours du xvme siècle, les difficultés dans lesquelles les savants s'embar- rassaient pour introduire d'une façon rationnelle les principes de la mécanique, comme d'autre part, les découvertes de la physique expéri- mentale, avaient amené une solution de continuité, détruit l'homogénéité de ton. Les concepts de la philosophie et les résultats de la science ne pouvaient plus être mis sur le même plan.... Hegel se détache de la science contemporaine : elle est devenue trop complexe, trop sinueuse, trop instable, pour servir l'intérêt de la spéculation dogmatique, qui veut des systèmes simples et définitifs *. » Mais la distance ne cessera plus de grandir ; il restait à la philosophie de plus en plus dépassée et esseulée l'arrogance d'une solution désespérée : alors que Hegel et les philosophies de la Nature se rabattent sur un savoir anachronique et mythologique (le vital, le magnétique, l'électrique), le philosophe peut tout simplement s'accommoder de son ignorance, s'efforcer ensuite de la justifier et montrer le caractère inauthentique de la perspective scien- tifique, jugée abstraite et irréelle. A cette science infidèle et artificielle, on substituera les mystères ou les opacités d'un monde contingent qu'il faudra déchiffrer. La coupure va même plus loin qu'on ne le soupçonne. Non seulement, 1. Léon Brunschvicg, L'expérience humaine et la causalité physique, 1922, p. 563. 43 This content downloaded from 142.58.129.109 on Thu, 31 Dec 2015 16:41:12 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions F. Dagognet en effet, les savants lisent de moins en moins les philosophes, sauf excep- tion ou distraction, mais lorsque, d'aventure, ils versent dans la métho- dologie ou les idées générales, leurs réflexions contredisent ou mécon- naissent la hardiesse de leurs démarches ou le système de leurs connais- sances. A la philosophie de la science qu'ils ne font pas, ils préfèrent une philosophie de la science qui ne se fait plus. « Le savant ne professe même pas toujours la philosophie clairvoyante de sa propre science. On en voit qui s'enferment dans la prudence des méthodes scientifiques, pensant que cette prudence détermine à elle seule une philosophie, oubliant, par conséquent, les décisions nombreuses que réclament les choix philosophiques.... La science n'a pas la philosophie qu'elle mérite. Le savant ne revendique pas, comme il pourrait le faire, l'extrême dignité philosophique de son labeur incessant, il ne met pas en valeur le sens philosophique des révolutions psychiques qui sont nécessaires pour vivre l'évolution d'une science particulière l. » De leur côté, les philosophes, nous l'avons dit, se mettent de moins en moins à l'école des savants : outre la difficulté, sinon l'impossibilité, les philosophes s'attachent trop aux « vues d'ensemble », alors que la science contemporaine ne connaît plus que la spécialisation, des pro- blèmes d'une extrême ténuité, au delà des thèmes généraux qui suscitent des adhésions trop faciles. Le global et le vaste ne sont que résumés, dangereux principes, sans aucune vertu opérante. Mais, lorsque les deux courants parviennent à se croiser, il s'en faut que la jonction soit opérée. Il ne suffit pas, en effet, que le travailleur, - pour reprendre un mot qu'emploie volontiers Bachelard - assume l'évolution d'un problème scientifique, il doit aller encore plus loin. Le philosophe n'est pas un savant, ni un compositeur de traités, pas même un historien. Pourquoi, sinon par démission ou par suite d'un goût pour l'hermétisme, dispa- raître sous l'amas d'une lourde et ésotérique érudition ? Pourquoi cette ségrégation d'une science récapitulée par un philosophe qui ne touche pas les savants et qui ne s'adresse pas aux philosophes ? Il ne convient pas d'exposer ni même de démontrer dogmatiquement, mais de sensi- biliser aux nouvelles valeurs intellectuelles, de découvrir des interrela- tions qui éclairent les théorèmes ou les découvertes, bref, prendre conscience et, par conséquent, élever la science au-dessus de ses propres démarches et résultats. Tâche ardue : savants et philosophes y échouent généralement. Les savants qui philosophent, nous l'avons vu, nourrissent parfois des pen- sées usées ou décalées, qu'ils espèrent, au nom de leur compétence, imposer 1. Le Matérialisme Rationnel, 1953, p. 20. Cette citation évoque celle-ci, emprun- tée à la Formation de l'esprit scientifique, 1947, p. 55 : « E. Mach ne manquait pas de malice, quand il répondait à l'affirmation de W. James : « Tout savant a sa philoso- phie » par la constatation réciproque : Tout philosophe a sa science à lui ». Nous dirions plus volontiers encore : « La philosophie a une science qui n'est qu'à elle, la science de la généralité. » 44 This content downloaded from 142.58.129.109 on Thu, 31 Dec 2015 16:41:12 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions Brunschvicg et Bachelard indûment. Et les philosophes, capables de « retentir » au renouveau de la science, risquent, de leur côté, de sombrer dans la compilation, l'inutile complication, grâce à laquelle ils inférioriseront assurément les igno- rants, mais qui dissimule mal parfois la fragilité de leur propre infor- mation. Le rappel de ces habituelles déviations nous permet de définir, par contraste, l'éblouissante réussite de l'œuvre épistémologique de Bache- lard. Il réalise l'osmose fondamentale souhaitée : ses connaissances n'écrasent jamais le développement philosophique, qui court léger au- dessus du savoir qu'il retrace ; et sa philosophie ne transcende jamais les données de la science dans lesquelles il l'enracine. Pédagogue géné- reux, il a évité les défauts qui perdent la philosophique histoire des sciences, discipline hybride et tellement périlleuse : la vulgarisation qui aplatit, le schéma qui abrase et perd les nuances, le pédantisme qui n'enseigne plus, l'encyclopédisme qui se borne à amasser. Son episte- mologie, d'un bout à l'autre, répand une leçon de vigueur et de clarté salubre : enfin, une science qui donne des lumières philosophiques ! enfin, une flamme philosophique qui s'alimente à un foyer réel, pro- méthéen ! On craint de trouver en Bachelard le dernier philosophe qui puisse s'élever à la hauteur de la science de son temps et en prendre une aussi vive conscience. * Mais quelle est cette philosophie que Bachelard tire de la science ? Pour éviter le panégyrique, nous donnerons asile à une objection qu'en- suite nous discuterons. Apparemment, Bachelard semble n'avoir rien inventé ni rien apporté. Ne reprend-il pas les thèmes qu'avant lui Brunschvicg a largement déve- loppés ? On repère l'essentiel des commentaires bachelardiens dans Les Étapes de la philosophie mathématique (1912) ou dans L'expérience humaine et la Causalité physique (1922). Avant Bachelard, Brunschvicg, l'apôtre de l'idéalisme mathématique et du rationalisme ouvert, a combattu les philosophies indurées qui ne tentent pas de se refondre à la faveur de la mutation du savoir, qui n'assument pas le renouveau de la physique moderne. Meyerson, que Bachelard désigne explicitement comme têtu et récalcitrant, Brunschvicg l'avait déjà pris à partie et sévèrement blâmé : « II n'y a pas un a priori de la raison qui aurait pour effet de la réduire à la pure identité, qui la stériliserait dans l'affirmation éléatique 1 » ou encore : « Et si l'on généralise, comme a fait M. Meyerson dans son ouvrage De V Explication dans les sciences, la conception d'un ordre exclusivement logique, si on l'attribue 1. L'expérience humaine et la causalité physique, p. 607. 45 This content downloaded from 142.58.129.109 on Thu, 31 Dec 2015 16:41:12 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions F. Dagognet ou si on l'impose à la raison, devenue la faculté de réduire le même au même, uploads/Philosophie/ dagognet-brunschvicq-et-bachelard.pdf

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