DELEUZE / CONFéRENCES Qu’est-ce que fonder ? Cours hypokhâgne, Lycée Louis le G

DELEUZE / CONFéRENCES Qu’est-ce que fonder ? Cours hypokhâgne, Lycée Louis le Grand 1956-1957 - 00/00/1956 Télécharger ce cours en : pdf (pas disponible) rtf (pas disponible) (Notes manuscrites prises par Pierre Lefebvre) QU’EST -CE QUE FONDER ? (Le début manque : Deleuze commençait par évoquer les héros fondateurs de la mythologie. Ex. Ulysse) …Les empiristes ont raison : ce que nous réalisons ce sont les fins naturelles. Mais le comportement a peut-être d’autres dimensions. Peut-être y a-t-il dans le comportement des fins que la réalisation passe dans l’inconscient ? L’homme, d’une part, peut réaliser des fins naturelles et en même temps, du fait qu’il est homme ne se produit il pas quelque chose en lui ? Il transforme les fins naturelles. Quelle est la fonction d’une cérémonie et d’un rite ? Celui-ci se distingue de la fin naturelle. Soit un groupe social, la famille, dans son aspect cérémoniel. Elle agit bizarrement. Elle arrache à la nature des déterminations pour en faire des évènements de l’histoire : manger, aimer, dormir et mourir. La fonction de la famille c’est la nourriture en commun, La sexualité, le sommeil, la mort. La mort est une détermination de la nature. La famille en fait un évènement de l’histoire en la recueillant dans la mémoire. Cette activité du rituel il faut l’appeler cérémonie. De même la sexualité devient évènement de l’esprit sous la forme par exemple du consentement. La nature est portée au niveau de l’histoire au cours de la cérémonie. C’est en même temps que l’homme transforme…et qu’il réalise des fins naturelles par des moyens indirects . Le comportement humain a donc trois pôles : les fins naturelles sont des fins naturelles transformées, les fins naturelles subsistent en elles-mêmes en dehors de la cérémonie. L’homme les réalise donc. Mais si l’homme ne réalise pas les fins naturelles cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas. Elles ne se donnent pas à réaliser parce que la transformation des fins naturelles en fins culturelles rend celles-ci infinies. Il faut prendre cela à la lettre. Les morts que nous aimons c’est une tâche pour nous inépuisable. Peu importe qu’on s’en détache. Elle n’en reste pas moins infinie. Dire je t’aime au lieu de dire je te désire c’est se proposer une tâche infinie. Celle-ci ne se présente donc pas comme à réaliser. Mais à quoi sert-elle ? On dira qu’elles sont seulement pensées, senties. Si alors la mythologie est l’imaginaire c’est que les tâches infinies ne sont pas à réaliser. La mythologie nous présente cet état des tâches infinies qui nous sollicitent autrement qu’à réaliser. Les dieux passent leur temps à boire une boisson qui leur est réservée. En essayant de vivre un symbole on en retrouve le sens. Les Dieux immortels passent leur temps à boire. A l’origine il y a deux groupes de surhomme qui luttent pour devenir des dieux. L’enjeu de la lutte est la boisson qui rend immortel. Alors les dieux sont immortels parce qu’ils boivent. C’est la transformation de la fin naturelle, boire, en une tâche infinie. Si les dieux cessaient de boire ils ne seraient plus immortels. Ce à quoi les tâches infinies servent c’est que seules elles permettent à l’homme de réaliser les fins naturelles d’une façon qui ne soit plus simplement directe. C’est pourquoi le cynisme est antiphilosophique. Il faut prendre le cynique au mot. Qu’est-ce qui permet le piège. Le détour que le cynique voit. C’est précisément que le cynique nie la transformation des fins naturelles en fins infinies. Mais les fins naturelles ne sont pas encore des fins de la raison. Ce sont des valeurs, des sentiments qui sont sentis, vécus. Que faudra t’il alors appeler raison ? Si les fins naturelles se présentent à leur tour à réaliser cette fois-ci se seraient des tâches infinies qui réclament à être réalisées. Elles deviendront la fin propre de la raison. Celle-ci est la pensée lorsqu’elle se donne à réaliser elle-même. Il y a donc maintenant quatre termes : - les moyens indirects - les fins naturelles - les fins culturelles senties - les fins culturelles de raison Qu’est-ce alors que la tâche infinie de réalisation ? Kant et Hegel disent que c’est la volonté qui se recueille elle-même ou s’élève a l’absolu quand elle est volonté de liberté. Dans cette volonté de liberté il y a l’activité de l’être raisonnable qui consiste à réaliser la tâche infinie. Pour Hegel cette réalisation se fait dans une Histoire. Le fondateur est alors celui qui pose et propose une tâche infinie Comment la propose t’il et sur quel ordre ? Fonder c’est élever la nature au niveau de l’histoire et de l’esprit.Tous ceux qui nous proposent des valeurs se réclament d’une fondation. Quand donc le problème de fonder devient-il philosophique ? A partir du moment où le fondateur nous propose des tâches infinies comme quelque chose qui doit être réalisé dans ce monde même. La notion de fondation devient alors plus claire. Dans la première manière l’homme s’éprouve comme être sentant et dans la seconde comme être raisonnable. D’une manière à l’autre la fondation prend conscience de soi. Il ne s’agit plus de fonder au niveau des valeurs mais de s’interroger sur ce qu’est fonder. Il faut fonder la fondation elle-même. CONCLUSION du chapitre I Des quatre caractères du fondement on peut retenir le caractère équivoque du fondateur. Celui-ci est moins celui qui fonde que celui qui se réclame d’un fondement. A la lettre fonder c’est se réclamer d’un fondement. Ex. Moïse est fondateur car il apporte une religion en prétendant qu’elle est fondée. Il faudra se demander quel est cet être bizarre se réclamant du fondement. D’où les expressions « bien et mal fondé » Une nouvelle recherche s’ouvre : quand se réclame t’on d’un fondement ? Quand on ne rapporte plus son activité à soi agent. Mais quand invoque t’on autre chose ? C’est, nous l’avons vu, passer de la mythologie à la philosophie en trouvant un sujet commun à ses actes (caractères). Cette racine commune c’est la tâche infinie. Nous avons vu que dans le comportement humain il y avait quatre caractères : 1- l’homme poursuit des fins naturelles. 2- Il poursuit ses fins obliquement. Il agence des moyens. 3- Qu’est-ce qui rend possible un tel détour ? C’est qu’en même temps et autre part les fins de la nature retentissent dans l’imagination. Elles se transforment en valeurs ou fins originales de l’homme. Ce sont elles qui justement se présentent comme des tâches infinies, mais qui en elles-mêmes ne sont pas à réaliser. Elles sont à éprouver. Elles déterminaient un genre d’action : la cérémonie et le rituel. Ce sont elles qui permettent la réalisation indirecte des fins de la nature. L’homme est déjà fondateur. On répond à la question : à quoi sert de fonder ? 4- Ces fins originales de l’homme ne sont pas encore celles de la raison. Celle-ci comme fin suprême ne pouvait se présenter que dans la mesure où les tâches infinies deviennent elles-mêmes comme choses à réaliser. Les valeurs ont un caractère extrêmement ambigu. Il y a toujours en elles, semble t’il, une espèce de mystification. (cf. la philosophie des valeurs). La notion de valeur a été créée par Nietzsche dans « La Volonté de Puissance ». Pour lui il n’y a pas de vérité, il n’y a que des évaluations. Affirmer que tout est valeur c’est présenter une mystification qu’il faut détruire. D’où la polémique de Nietzsche. Au contraire les philosophes des valeurs refusent cette mystification. Mais elle y est tout de même. On ne sait plus de quoi on parle. Le cynisme a tort car il veut qu’on s’en tienne aux fins de la nature alors que les valeurs sont les règles d’une détermination indirecte des fins de la nature. Où ils ont raison c’est que les valeurs ne sont qu’un moyen. Mais soumises au tribunal de la raison les valeurs deviennent la fin de l’être raisonnable. Réaliser l’homme n’a pas de sens. Comment se fait donc la conversion ? La tâche infinie comme valeur était un contenu de la volonté. Il s’agissait d’autre chose que d’un simple désir. Aimer c’est d’abord vouloir. La volonté au niveau des valeurs avait un contenu qui lui était extérieur, hétéronome (Kant). « Je veux boire » est autre chose que « je désire boire ». Mais la volonté est encore extérieure au contenu de la volonté. La conversion est simple. Ces valeurs à réaliser perdent leurs figures particulières parce que la volonté devient autonome. C’est une volonté qui ne veut pas autre chose qu’elle-même. Une volonté qui ne veut pas autre chose que son propre contenu. L’autonomie est présentée comme universalité. C’est là exactement la volonté autonome de Kant. C’est la volonté de liberté (liberté universelle). La morale kantienne (Critique de la Raison Pratique) consiste à dire qu’il y a bien une liberté de la volonté lorsque celle-ci veut et ne veut rien d’autre que la liberté. La diversité des valeurs venait de ce qu’elles étaient des fins naturelles transformées. Elles étaient encore uploads/Philosophie/ gilles-deleuze-qu-x27-est-ce-que-fonder.pdf

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