Université de Montréal L’angoisse chez Søren Kierkegaard et chez Martin Heidegg
Université de Montréal L’angoisse chez Søren Kierkegaard et chez Martin Heidegger par Sophie Harvey Département de philosophie Faculté des arts et des sciences Mémoire présenté à la Faculté des arts et des sciences en vue de l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.) en philosophie option recherche juillet, 2011 ©Sophie Harvey, 2011 i Université de Montréal Faculté des études supérieures et postdoctorales Ce mémoire intitulé : L’angoisse chez Søren Kierkegaard et chez Martin Heidegger Présenté par : Sophie Harvey a été évalué par un jury composé des personnes suivantes : M. Jean Grondin président-rapporteur M. Iain Macdonald directeur de recherche Mme. Bettina Bergo membre du jury ii Résumé L’angoisse est un état qui se distingue des autres sentiments en ce qu’elle ne survient devant rien de précis, mais plutôt devant notre vie en général. Mais que signifie-t- elle? Pourquoi fait-elle jour? Le présent mémoire vise à mieux comprendre le phénomène de l’angoisse à travers les conceptions de deux philosophes s’y étant attardé de façon importante : Søren Kierkegaard et Martin Heidegger. Il cherche à cerner ce que ces deux conceptions, malgré des divergences importantes, peuvent amener comme éclairage philosophique à ce phénomène proprement humain. En fait, leurs conceptions philosophiques respectives de l’angoisse transforment – permettent un autre regard -, sur la question. Ils ne font pas vraiment état des effets psychologiques de l’angoisse, mais plutôt de ce que cette dernière peut permettre d’ouvrir comme perspective de saisie de l’être humain. Effectivement, l’angoisse, comme situation affective, permet d’atteindre l’être humain d’une façon plus profonde et plus originaire que ne le ferait n’importe quelle science. Elle permet de se positionner au cœur de ce qui constitue l’être humain, qui est une synthèse entre deux éléments contraires (l’âme et le corps, l’ontique et l’ontologique, etc.), dévoilant ainsi l’existence de l’être humain d’une manière toute particulière. De plus, l’angoisse assure aussi le lien entre le possible et le réel, mettant ainsi l’être humain devant un enjeu fondamental de sa condition, à savoir son possible, son destin. Mots-clés : philosophie, vérité, liberté, angoisse, authenticité, individualité iii Abstract Anxiety differs from other feelings and states in that it is not directed at anything specific, but rather towards life in general. But what does anxiety mean? Why does it come about? The present dissertation seeks to understand anxiety through the works of two philosophers who dealt with these questions at length: Søren Kierkegaard and Martin Heidegger. By taking into account various similarities and differences between these two conceptions, we will come to a better understanding of how philosophy has clarified this peculiarly human phenomenon. In fact, one might say that these conceptions have served to transform — or to open a new perspective on — the question of anxiety. No longer is anxiety treated in terms of its psychological effects, but rather in terms of how it allows us to grasp something essentially human. Anxiety, qua affective situation, provides a privileged mode of access to the human being, deeper and more original than any purely scientific approach. Anxiety thrusts us into the heart of what is constitutive of the human being: a synthesis of two contrary factors (be it the soul and the body or the ontic and the ontological). Moreover, anxiety articulates the connection between possibility and reality, placing the individual before a fundamental feature of human existence: one’s own most possibilities, or destiny. Keywords : philosophy, truth, freedom, anxiety, authenticity, individuality iv Table des matières Résumé……………………………………………………………...…………….…..……ii Abstract…………………………………………..…………………………………..……iii Remerciements……………..…………………………………………………………..viii 0. Introduction …...………………………...………………………………………..…1 1. Analyse du concept de l’angoisse chez Søren Kierkegaard …………………………………………………………………………………………...7 1.1 L’origine du concept de l’angoisse dans le christianisme et sa récupération par Kierkegaard.………………………………………………..………….................7 1.1.1 Le terme grec άγχω (ankhô) comme ancêtre du terme d’angoisse…………….7 1.1.2 Apparition de l’angoisse face au monde dans le Nouveau testament (Jean, 16, 23) ………………………………………………………………….….…9 1.2 La duplicité de l’œuvre de Kierkegaard ……………………………………….10 1.3 Le projet d’une angoisse traitée de façon psychologique servant à introduire l’explication qui se fera par la dogmatique de l’origine du péché originel et permettant de s’opposer à tout autre traitement scientifique du péché…………………………………………………………………….……...13 1.3.1 Des considérations épistémologiques………………………………………13 1.3.2 L’importance d’une pensée probe pour aborder le concept de péché originel………………………………...………………………………....15 1.3.3 Le choix de la psychologie comme science permettant de traiter du péché et de l’angoisse……………………………………………….…………….….16 1.4 Individualité et espèce humaine : le cas d’Adam illustrant le paradoxe……………………………………...………………………..………..17 v 1.4.1 L’absence de distinction qualitative entre le premier péché d’Adam et le nôtre …………………………………………………………………………...17 1.4.2 C’est la pensée qui nous lie à Adam (et aux autres individus)……………….19 1.5 L’angoisse représentative de la grandeur humaine……………………………..21 1.5.1 L’angoisse provenant du rien……………………………………………...21 1.5.2 L’angoissante possibilité de pouvoir n’explique pas le saut…………………23 1.5.3 L’angoisse comme instant dans la vie de l’individu……………………..….26 1.6 La finalité de la pensée de l’angoisse chez Kierkegaard : le salut par la foi..….29 1.6.1 L’angoisse comme échappatoire à la conscience du péché…………….……29 1.6.2 L’apprentissage de l’angoisse comme suprême savoir……………………....31 1.7 Gain philosophique acquis par Le Concept de l’angoisse……………….……..33 1.7.1 Vigilius Haufniensis : un faux scientifique travaillant avec une rigueur toute scientifique……………………………………………………………….34 1.7.2 Le Concept de l’angoisse un ouvrage servant la cause du christianisme mais aussi de la philosophie…………………………………………………………37 2. Analyse de l’angoisse dans la philosophie de Martin Heidegger……………………………………………………………………….…...39 2.1 L’apparition du thème de l’angoisse dans l’ouvrage Être et temps……………………...…………………………………………………….40 2.1.1 Le grand projet d’Être et temps……………………………………………40 2.2 Ce qu’est le Dasein…………………………………………………………..…42 2.2.1 Le Dasein comme être de possibilités…………………………………...…42 2.2.2 L’être-au-monde comme constitution fondamentale……………...........….. 43 2.2.3 L’ouverture affective au monde qu’est le Dasein…………………………...45 2.2.4 Le comprendre du Dasein comme projet…………………………………...48 2.2.5 La fuite du Dasein dans le « On » - la sécurité aliénante du groupe social........49 2.3 L’angoisse comme tonalité fondamentale dans Être et temps……………….…51 vi 2.3.1 L’angoisse comme pouvoir révélant…………………………………….....51 2.3.2 L’angoisse provoquée par le fait d’être dans le monde et comme révélant le pouvoir-être authentique…………………………………………………..53 2.3.3 L’angoisse dévoile au Dasein sa plus grande possibilité : sa propre mort…………………..………………………………………………….55 L’angoisse ouvre à l’instant de la décision…………………………………56 2.4 L’angoisse comme expérience de l’être dans Qu’est-ce que la métaphysique?.....................................................................................................58 2.4.1 Le questionnement métaphysique implique toujours le Dasein qui questionne………………………...……………………………………...59 2.4.2 Le manque de fondement des sciences……………………………………..60 2.4.3 La mise hors connexion de la pensée et de l’entendement…………….…….62 2.4.4 L’importance de la situation affective dans le Dasein………………………64 2.5 L’angoisse qui dévoile le néant…………………………………………...……66 2.5.1 L’angoisse comme tonalité affective dévoilant le néant, se révélant avec lui…66 2.5.2 L’angoisse rendant possible la saisie de la contingence de l’existence : base du questionnement scientifique………………………………………….……….68 2.5.3 La recherche de l’authenticité toujours présente quoique modifiée……………………………………………..……………………….69 2.6 Le gain philosophique de l’angoisse chez Heidegger………………..…………72 3. Confrontation des deux penseurs par leur théorie de l’angoisse………………………………………………………………...………..…75 3.1 L’influence de la philosophie de Kierkegaard sur la philosophie de Heidegger…………………………………………………………………...…..76 3.1.1 Le détachement affiché de Heidegger vis-à-vis la philosophie de Kierkegaard………………………………………….……………..…….76 3.1.2 Emprunts conceptuels faits par Heidegger à Kierkegaard…………...………77 vii 3.2 Point de rencontre des deux philosophies de l’angoisse: l’apparition de la liberté et de la vérité d’existence………………………………………………..…….83 3.2.1 L’angoisse dévoilant la liberté : condition nécessaire à la vérité de l’existence……………………………………………………………….84 3.2.2 La fonction guidante de l’angoisse………………………………..…….85 3.3 Point de divergence : l’erreur ontologique de Kierkegaard……………...……..87 3.3.1 La question de la temporalité : angoisse et instant……………………...87 3.3.1.1 Un même instant ouvrant à deux perspectives diamétralement opposées……………………………………………………………...90 3.3.2 Heidegger et la question de Dieu………………………………………..93 3.3.2.1 La foi acte existentiel irréconciliable avec celui de la pensée……...94 3.3.2.2 Le point de rupture dans la question philosophique : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?...............................................................96 3.3.3 L’erreur ontologique de Kierkegaard…………………………..……….97 3.3.3.1 Le doute chrétien voile l’être………………………………..………98 3.4 Les deux dimensions de l’expérience humaine……………………………….100 3.4.1 Les deux dimensions de l’expérience humaine……………………..……..101 3.4.2 L’angoisse comme concept charnière………………………………….....103 3.4.2.1 L’angoisse comme concept charnière chez Kierkegaard…….……103 3.4.2.2 L’angoisse comme concept charnière chez Heidegger………..…..106 3.4.3 Par l’angoisse Heidegger a appris à saisir l’existence humaine autrement………………………………………………………………110 Conclusion…..………………………………………………………………………....112 Bibliographie…………………………………………………………………………..119 viii Remerciements Je voudrais remercier tout d’abord M. Iain Macdonald, mon directeur de recherche, pour son accompagnement dans ce projet, ainsi que pour les nombreuses pistes de réflexion qu’il a bien su me suggérer. Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à François, pour son soutien moral de même que ses judicieux conseils, mais surtout, je tiens à le remercier d’avoir cru en moi. 1 Introduction : Étude profonde de la nature humaine par l’angoisse La vie d’aujourd’hui pour un occidental moyen est une vie facile, du moins en ce qui concerne les conditions de vie. En effet, notre vie en est une sans embûches majeures ni luttes pour son maintien. De fait, l’inquiétude que vivaient nos ancêtres primitifs face à la continuité, précaire, de leur existence nous est complètement inconnue. Nos besoins primaires qui sont de manger, se loger, se vêtir sont comblés et même davantage puisque nous pouvons presque tous profiter du luxe d’un repas au restaurant, d’un vêtement à notre goût et d’un logement bien agrémenté. Il y a bien-sûr des exceptions, certaines gens vivent dans la misère et peinent à combler leurs besoins primaires, comme il y a aussi des situations incontrôlables qui viennent mettent la survie des gens en danger – par exemple, une catastrophe naturelle -, mais en règle générale nous n’avons pas à nous préoccuper de notre survie. Suivant cela, il uploads/Philosophie/ harvey-sophie-2011-memoire-angoisse-kierkegaard-heidegger.pdf
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- Publié le Fev 01, 2021
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