Alain SOURNIA Décembre 2012 Heisenberg 1942. Un système philosophique ignoré So

Alain SOURNIA Décembre 2012 Heisenberg 1942. Un système philosophique ignoré Sommaire abrégé Physicien philosophe 2 Système ou méditation ? 2 Berlin 1942 3 Texte difficile 4 Axiomes A1. Es gibt (Il y a) 5 A2. Pas les choses, leurs connexions 5 A3. Le changement et la Loi 6 A4. La réalité étagée en "régions" 6 A5. Un ordre supérieur 7 A6. Auto-limitation de la connaissance 7 A7. Axiome ou "boîte noire" ? 7 Propositions P1. Unité de la connaissance 8 P2. Évolution 9 P3. Les régions de réalité 9 P4. Quatre propriétés 10 P5. Cas-limites 11 P6. Complémentarité, indétermination 11 P7. L'acte d'observation 12 P8. Fin de la dualité sujet/objet 13 P9. Émergence 14 P10. Conscience 14 P11. Symboles 15 P12. Langage 16 P13. De l'ontogenèse… 17 P14. … à la phylogénèse 19 P15. Créativité 19 Discussion Goethe et Heisenberg 21 Étagement double 21 Système et systémique 22 Indétermination, incomplétude 23 Information, la grande absente 23 Unité des mondes 24 Notes et références Résumé. Le physicien Werner Heisenberg (1901-1976), resté en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale, a rédigé en 1942 un ouvrage de caractère philosophique qu'il a conservé jusqu'à sa mort comme, disait-il à ses proches, trop personnel pour être publié. Ce texte a néanmoins été édité en Allemagne (1989) puis en France (1998, 2003). Pour diverses raisons, il est aujourd'hui comme ré-enterré. Le Manuscrit est extraordinairement riche et constitue un système philosophique, ou plutôt transdisciplinaire, potentiel ; "potentiel" parce ce que son auteur ne l'a pas exposé formellement, bien au contraire : assez confusément. On retiendra : non-réalité des objets matériels, prééminence de leurs relations mutuelles érigées en lois, les unes et les autres regroupées en régions, celles-ci chevauchantes et plus ou moins communicantes. Unité de l'ensemble, ordonnancement commun, du quantique à la vie, à l'âme, au symbole. Unité du savoir, égalité de droit entre disciplines, science, arts et religion. Auto-limitation de la connaissance. Extension du principe d'indétermination (les célèbres "relations d'incertitude") au langage, à la décision, à la vie quotidienne. Abolition de la dualité sujet/objet, priorité du langage. Etc. La traductrice de l'édition française, C. Chevalley, a excellemment exposé les circonstances historiques et le contexte philosophique. En complément, on se livre ici à une analyse et reconstruction qui se veulent axiomatiques : en s'inspirant de L. Brisson et F.W. Meyerstein, on identifie des axiomes (fondateurs, premiers, indémontrables) de façon à faire apparaître l'ossature ; celle-ci est ensuite complétée par des propositions (discursives, réfutables). Le système qui en résulte semble aussi puissant, sinon plus, que tous ceux que l'on peut trouver ―soit exposés in litteris, soit sous-jacents― chez les grands philosophes ; il est néanmoins de type "ouvert" de par la présence d'éléments métaphysiques incomplètement définis. Remerciements. MM. J.-P. Frontier et J. Merle ont bien voulu lire mon brouillon et le commenter. - 2 - Physicien et philosophe La physique atomique a connu, comme on sait, un âge d'or autour de l'année 1930 et ce sont alors leurs découvertes même qui ont incité, qui ont contraint les chercheurs à s'interroger sur leurs modes de pensée. Ainsi Niels Bohr disait-il à ses amis, un soir de 1927 au coin du feu (1) : "L'évolution de la physique atomique nous a simplement appris que nous devons penser plus subtilement que par le passé" ; ce dont Bohr a prêché d'exemple. Plusieurs autres des héros de l'Âge d'or ont laissé des ouvrages de réflexion, la palme revenant sans doute au "Qu'est-ce que la vie ?" d'Erwin Schrödinger mais l'on n'aurait garde d'oublier Wolfgang Pauli et Werner Heisenberg. Moins célèbre dans la même bande ―car c'est bien d'une bande d'amis qu'il s'agit― fut Carl Friedrich von Weizsäcker dont une théorie logique sera mentionnée, mais qui a mal tourné : après la guerre, il est devenu (entre autres) professeur de philosophie ! De Heisenberg (ci-dessous : WH), on va présenter ici une œuvre quasi oubliée et d'une étonnante richesse. De manière générale, la situation des scientifiques-penseurs, si l'on peut les appeler ainsi, est délicate. Le public, la postérité et les éditeurs aiment les belles statues. Il leur plaît d'ajouter à celles des génies de la science une guirlande de philosophie afin de figer pour l'éternité quelques super- hommes complets, anecdotiquement des super-femmes. Mais il se trouve que la progression du savoir et de la culture, en cloisonnant les connaissances, a conduit à séparer science et philosophie, à instituer une philosophie des sciences, une histoire des sciences, une épistémologie, etc., et tout ceci a dramatisé le travail, alourdi le terrain, incité au verbiage. Des hommes de science, en particulier les foudroyés du Nobel, se prennent à "penser" inconsidérément. Tel n'aura pas été le cas de Heisenberg qui s'en est tenu à la mesure et à la discrétion, particulièrement en l'affaire ici rapportée : la rédaction, en pleine guerre, d'un certain manuscrit… De ce travail, l'auteur n'a jamais fait état par la suite, sinon de manière verbale et en privé, sans qu'une trace, semble-t-il, en ait été conservée. Mme Elisabeth Heisenberg et les proches de WH en connaissaient l'existence ainsi que la volonté de l'auteur : "trop personnel pour être publié" ! (2). Dans ce que l'on peut appeler l'hétéro-biographie par son épouse, publiée quatre ans après la mort du physicien, pas un mot du manuscrit ni de quelque projet de synthèse philosophique. WH voulut-il, pendant l'autre moitié de vie adulte (1946-1976) qui lui était réservée, oublier sous tous ses aspects la période terrible ? Ou bien négligeait-il ces élucubrations, les récusait-il ? (Quand bien même, leur intérêt n'en perdrait rien.) Fort possible, enfin, qu'il ait continûment ajourné, pendant ces trente ans, la tâche si ardue de réviser un texte plus important que tout… La question reste ouverte. Quoi qu'il en soit, treize ans après la mort de l'auteur, le contenu d'une grosse enveloppe a été remis à un éditeur... Il en est résulté Ordnung der Wirklichkeit, 1989 (je traduis : L'agencement de la réalité). La première et actuellement unique traduction française (1998) a adopté prudemment un titre purement descriptif : "Philosophie. Le manuscrit de 1942" (3) pour… un certain manuscrit qui, à défaut de titre, portait ce mot et cette date ; dans le présent essai, pour abréger : "le Manuscrit" et, pour les renvois dans le texte, WHm. Dès la parution de la version française, une analyse en a dûment été publiée par la plus cotée des revues de vulgarisation (4), analyse qui hélas dévie rapidement sur la controverse que l'on croyait éteinte : Heisenberg nazi ? Chroniqueur fossoyeur ! (à traduire en italien). Une seconde édition française en 2003 a été tout aussi discrète. Compte tenu, en outre, de ce que la traduction anglaise a été très tardive et restreinte au mode électronique (5), on comprend que l'œuvre, quelque peu indélicatement exhumée, aura été rapidement ré-inhumée. Et pourtant ! C'est à croire que la Postérité évoquée plus haut a mal fait son travail. Elle aurait négligé là l'œuvre inattendue et mystérieuse d'un savant célèbre qui transgressait les limites de sa compétence. Un physicien qui s'attaque à la philosophie, n'est-ce pas l'espoir, tant déçu par les philosophes eux-mêmes, d'une explication du monde ? À moins que l'expérience ne vienne sceller l'incommunicabilité entre science, philosophie, religion… Les soi-disant débats de la radio et de la télévision n'entretiennent-ils pas cette vielle, très vieille question ? On pouvait aussi attendre de ce curieux travail qu'il développe (ou restreigne) les fameuses relations d'incertitude. - 3 - Système ou méditation ? Rien n'indique que WH voulût alors se construire personnellement ou proposer un système philosophique ; c'est moi qui ai eu cette prétention pour lui. Ce qui est évident, en revanche, c'est qu'il a éprouvé, à 41 ans, le besoin de "confier au papier" (accoucher de lui-même, garder trace, etc.) un fardeau-trésor de réflexions relevant du genre dit communément philosophique. Et c'est votre serviteur qui, soixante-dix ans après (l'âge du Manuscrit !), intéressé pour sa part à organiser en système les idées qu'il avait accumulées au titre d'une certaine "philosophie sauvage" (6), c'est A.S. donc qui s'est mis en tête de décortiquer le travail, puis de le réassembler selon un mode axiomatique inspiré de la brillante entreprise, si peu connue, de MM. L. Brisson et F.W. Meyerstein dans leur étude parallèle du Timée et du Big bang (7). Alors, posthume certes, mais système ou pas système ? Qu'ils soient répertoriés comme savants, comme philosophes ou comme l'un et l'autre, certains penseurs sont réputés avoir créé un "système philosophique", soit qu'ils l'aient eux-mêmes présenté ainsi, soit que leurs adeptes se soient évertués à le résumer comme tel. Mais qu'est-ce qu'un système philosophique, et qu'est-ce même qu'un système ? Ceci fait l'objet d'autres pages de Philosophie sauvage. Il faudrait, de plus, trancher sur le genre de l'animal car on le décrète, selon les cas, philosophique ou bien scientifique, deux genres que l'Encyclopaedia universalis distingue catégoriquement (8) mais je récuse cette distinction. Disons ici par plaisanterie mais très sérieusement : on ne sait pas trop ce qu'est un système philosophique mais celui de WH en est bien un, et pas des uploads/Philosophie/ heisenberg.pdf

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