Support de cours | Histoire de la Pensée Economique |Licence 2 de Sciences Econ

Support de cours | Histoire de la Pensée Economique |Licence 2 de Sciences Economiques et de Gestion | Université Gaston Berger de Saint-Louis Introduction générale L’activité économique est aussi ancienne que les sociétés organisées. C’est en Grèce antique que se forge le mot économie, de oikos (maison) et nomos (loi) : l’économie domestique porte sur les règles d’administration de la maison ou du domaine. Si dès cette époque on s’interroge sur la similitude ou non des règles s’appliquant à la famille (l’économique) et à la cité (le politique), l’activité économique sera pendant longtemps perçue seulement comme une des activités humaines, subordonnée à d’autres types de relations entre les hommes (religieuses, politiques) sur lesquelles repose l’existence de la société. C’est dans la seconde moitié du XVIIIe siècle que la primauté de l’économique commence à être reconnue. Cette prééminence des relations économiques dans l’organisation de la société et l’élaboration d’une science destinée à en rendre compte s’expliquent par deux phénomènes. • Le premier est la Révolution industrielle, dont l’apparition en Grande Bretagne n’est pas étrangère au fait que la science économique restera pendant plus d’un siècle et demi sous domination britannique. Dans des sociétés où l’activité de production était auparavant principalement agricole, le commerce étant limité aux villes et aux échanges internationaux, la Révolution industrielle bouleverse la perception des relations sociales. Désormais, l’activité économique est orientée vers le marché et l’organisation même de la production repose sur un échange marchand particulier, le salariat. • Le second phénomène est le développement de la doctrine libérale, en vertu de laquelle la concurrence sur les marchés est un mécanisme assurant à la fois l’efficacité économique et l’harmonie sociale, l’Etat devant se limiter (en dehors de ses fonctions régaliennes) à garantir la liberté économique de tous et d’abord des entreprises. De même que l’expansion de l’économie de marché, qui accompagnait la Révolution industrielle, constituait une rupture avec le commerce 1 Support de cours | Histoire de la Pensée Economique |Licence 2 de Sciences Economiques et de Gestion | Université Gaston Berger de Saint-Louis spécialisé et cloisonné des sociétés traditionnelles antérieures, la doctrine libérale s’inscrit d’abord en opposition à une vision interventionniste de l’Etat en matière économique qui justifiait l’attribution de monopole et les réglementations corporatistes. Dans ce contexte, on peut faire l’histoire de la pensée économique du point de vue de son aboutissement, en retenant l’idée d’un progrès constant1. Les théories passées sont alors étudiées et méjugées à l’aune de ce qui constitue la science économique moderne. Elles apparaissent soit comme des avancées soit comme des reculs sur le chemin qui conduit à ce que la science économique est devenue aujourd’hui. Evidemment une telle vision conduit à faire de l’histoire de la pensée économique une archéologie et, considérant que la théorie économique moderne est l’état le plus avancé et le plus achevé de la science. Le risque est alors grand de faire davantage de l’histoire économique au lieu d’étudier l’économie au sens de contribuer à l’avancement de la connaissance économique. On peut aussi faire de l’histoire de la pensée économique du point de vue de son point de départ (Adam Smith et la théorie classique). Le risque serait alors de biaiser la vision de la discipline par l’acceptation de l’idée que celle-ci serait nécessairement caractérisée par certains traits constitutifs de la pensée classique, qui pourtant n’existaient pas avant elle et ne seront pas admis unanimement après, y compris par des auteurs qu’il serait difficile d’exclure du périmètre de la discipline. Ces traits constitutifs sont : - la croyance en des lois économiques naturelles, qui s’appliqueraient en tout lieu et en tout temps, alors que le caractère historiquement déterminé des lois du capitalisme est au contraire souligné par le marxisme, ou le keynésianisme ; - la caractérisation de l’ordre économique comme un ordre marchand et la réduction des relations économiques à un libre-échange généralisé source de la richesse, là où certains acteurs, de la physiocratie à l’école classique insistent davantage sur la 1 Schumpeter, History of Economic Analysis, 1956. 2 Support de cours | Histoire de la Pensée Economique |Licence 2 de Sciences Economiques et de Gestion | Université Gaston Berger de Saint-Louis spécificité des relations de production, tandis que d’autres, des mercantilistes aux keynésiens, confèrent à l’Etat, même dans une économie de marché, un rôle essentiel dans la constitution de l’harmonie économique et sociale ; - l’affirmation de la neutralité de la monnaie et la description du processus de formation des grandeurs économiques en termes exclusivement réels, alors que l’analyse de la monnaie et de son influence ainsi que la compréhension des relations économiques à partir des relations monétaires sont au cœur des théories antérieures (comme le mercantilisme) ou postérieures (comme celles de Marx ou Keynes). Une dernière possibilité est de faire de l’histoire de la pensée économique de manière à éclairer les débats contemporains. Ainsi, faire de l’histoire de la pensée économique peut revenir à resituer les idées économiques de manière chronologique, dans leur contexte, mais cela peut se résumer surtout à comprendre la logique du développement de la discipline, de ses prémisses jusqu’à son état actuel, et souligner la permanence des débats fondamentaux, repérer les questions non résolues, identifier les oppositions irréductibles qui nourrissent le débat économique. Selon ce dernier point de vue, l’histoire de la pensée économique fait alors partie intégrante de la théorie, au sens où elle contribue au progrès de la discipline en lui permettant de prendre conscience de ses limites. C’est le point de vue que nous adopterons dans ce cours. Ainsi, ce cours d’histoire, dont le but est de mettre en exergue les différents courants de pensée économiques depuis les précurseurs jusqu’aux keynésiens, est organisé de la façon suivante : Chapitre 1 : Les précurseurs de la science économique Chapitre 2 : Le mercantilisme Chapitre 3 : Le libéralisme 3 Support de cours | Histoire de la Pensée Economique |Licence 2 de Sciences Economiques et de Gestion | Université Gaston Berger de Saint-Louis Chapitre 4 : Keynes et les keynésiens Références bibliographiques • Introduction aux théories économiques, F. Duboeuf • Lire Keynes et le comprendre, B. Ventelou • Les grands économistes, J. Drouin • Histoire de la pensée économique, F. Poulon • Maxi fiches – Histoire de la pensée économique, G. Deleplace • La théorie économique, M. Montoussé Chapitre 1 : Les précurseurs de la science Économique L’objectif de ce chapitre est de souligner les particularités de la pensée économique avant l’émergence de la « science économique ». En l’occurrence il s’agira de souligner que si la pensée économique a incontestablement existé depuis l’antiquité, cette pensée se caractérise, jusqu’à la constitution de la science économique classique à la fin du XVIIIe siècle par la fait qu’elle n’est pas autonome, mais articulée (et inféodée) à d’autres types de savoirs. Il s’agira de repérer schématiquement le processus de constitution de l’économie politique puis de la science économique comme discipline autonome. Il sera possible d'étudier la constitution finale de l’économie comme « idéologie dominante », au travers du renversement des liens de subordination entre éthique, politique et économique. Il est en fin possible de repérer, de dater, et d’éclairer les grandes ruptures dans l’histoire de la pensée occidentale qui ont conduit à cette émergence. 4 Support de cours | Histoire de la Pensée Economique |Licence 2 de Sciences Economiques et de Gestion | Université Gaston Berger de Saint-Louis Schématiquement, si l’on se limite à l’Occident, on trouve les premières réflexions sur la richesse dans l’antiquité grecque, en particulier chez Aristote au IVe siècle avant notre ère. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, la science économique telle que nous la concevons aujourd’hui n’existait pas encore. Toutefois les réflexions économiques sur la valeur, le travail et la monnaie existaient déjà mais il fallait les chercher dans des ouvrages qui ne sont pas d’économie, mais de philosophie, politique, de théologie (la religion) ou d’administration patrimoniale. Cette première pensée « économique » n’a pas d’unité théorique, et ce qui la caractérise est son assujettissement à d’autres savoirs. Dans ce cadre, et pour analyser les réflexions qui ont été à la base de la science économie moderne, Il faut suivre le fil de la pensée occidentale, en y repérant des aspects de continuité et des ruptures décisives, qui conduiront finalement, à la naissance de la science économique en tant que discours autonome. I. De la philosophie morale à l'économie politique une certaine continuité A. Une continuité dans les thèmes Tout au long de ces siècles, la question centrale de la « philosophie politique » demeure celle de savoir comment constituer un ordre social harmonieux et, en particulier, comment concilier harmonie sociale et liberté individuelle. C’est la question que se posent les philosophes grecs après Socrate, c’est celle que reprennent les penseurs de l’Islam, puis de l’église chrétienne ; c’est la même question que l’on retrouve à l’époque moderne au centre des préoccupations des juristes (théoriciens du droit naturel, tels Hugues de Groot (Grotius) ou Pufendorf) et des philosophes politiques (Machiavel ou Rousseau). Enfin, c’est également celle des économistes, qui vont la décliner d’une manière particulière et y répondre uploads/Philosophie/ hpe-2018.pdf

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