La philosophie bäntu-rwandaise de l’Être (EXTRAITS) PAR Alexis KAGAME D U C L E
La philosophie bäntu-rwandaise de l’Être (EXTRAITS) PAR Alexis KAGAME D U C L E R G É IN D IG È N E D U R W A N D A m e m b r e c o r r e s p o n d a n t d e l ’A c a d é m ie r o y a l e d e s S c ie n c e s c o l o n ia l e s C h e r c h e u r a s s o c ié d e l ’I n s t it u t p o u r l a R e c h e r c h e s c ie n t if iq u e e n A f r iq u e C e n t r a l e (I. R . S . A . C .) M e m b r e c o r r e s p o n d a n t d e l a C o m m is s io n d e L in g u is t iq u e a f r ic a in e MÉM. ACAD. ROYALE SCIENCES COLON. Vidimus et approbavimus ad normam Statutorum Universitatis Romae, ex Pontificia Universitate Gregoriana die 24 mensis Octobris anni 1955 R. P. Georgius D e la n n o y e , S. J . R. P. Vedastus v a n B u lc k , S. J. Imprimi potest Mechliniae, 16.11.1955. Can. v a n d e n D r i e s . Imprimatur Mechliniae, 17.11.1955 t L . J . S u e n e n s , Vic. Gen. Mémoire présenté à la séance du '20 juin 1955. La philosophie bäntu-rwandaise de l’Etre INTRODUCTION Le 15 juin dernier, à l’Université Pontificale Grégo rienne de Rome, nous avons présenté une thèse pour l’obtention du grade de Docteur en Philosophie, portant sur « La philosophie bäntu-rwandaise de l’Être ». Nous espérons en publier, en temps opportun, le texte intégral. C’est de cette thèse que nous présentons aujourd’hui un extrait. Grâce à ce spécimen, le lecteur se rendra compte du genre d’étude et de contribution qu’elle apporte aux sciences africaines de l’aire bântu. Il pourra aussi juger de la méthode suivie en ces analyses en soi difficiles. Toute la thèse a été rédigée sous forme de dialogue, entre KAMA et GAMA. Les deux noms symboliques ne sont donc pas propres seulement au présent extrait. La forme du « dialogue » a été choisie pour cette étude, afin qu’elle soit aussi concise et aussi claire que possible. A cet extrait nous avons annexé la bibliographie intégrale de la thèse ainsi que la table générale des matières. Il nous a semblé cependant, en ce qui concerne la table des matières, qu’il convenait de retrancher le dernier chapitre de la thèse. Celui-ci a été rédigé comme une annexe, mais dont la place définitive devra être à la fin de la deuxième partie de notre travail. Nous nous bornons, en conséquence, à signaler le titre de ce XVe chapitre, sans en détailler pour le moment les différents paragraphes. Les notes infrapaginales conservent la numérotation générale de celles qui les ont précédées. Elles renferment également des références qu’il aurait été inutile de compléter ici. Quant aux ouvrages antérieurement cités et signalés ici simplement par la formule usuelle : op. cit., on en lira les titres complets dans la bibliographie. Lorsque la note renvoie à tel chapitre, sans indication d’ouvrage, il s’agit des chapitres de la thèse elle-même. SIGNES DIACRITIQUES 1) Le ton bref et haut : ' comme dans itära = la lampe. 2) Le ton long et haut : A comme dans m arêre = l’index (doigt). 3) Le ton bref et moyen : " comme dans um ütôni = le favori. 4) Le ton long et moyen : " comme dans Um w âm i = le Roi. 5) Le ton long et bas : v comme dans um w äm bi = la flèche. 6) Le ton bref et bas : indiqué par les voyelles non diacriticisées. L’EXISTANT « ASSIMILATIF » A. — L’opération immanente et « l’agir » en philosophie bântu -rwandaise. 1. — a) KAMA: Abordons maintenant l’analyse de l’existant « assimilatif », ou deuxième « catégorie méta physique » de ikïntu = être sans intelligence. Fidèle à nos vieux initiateurs qui ont défini les êtres en partant de leurs « propriétés » et de leurs « facultés » operatives, j’ai choisi le terme « assimilatif ». Cette « catégorie métaphysique », en effet, se différencie de la précédente par Vassimilation. Pour être complet, j’aurais dû ajouter « reproductif », vu que la « reproduction » est la deuxième « propriété » des végétaux. Je m’en suis abstenu, parce que la dénomination aurait été démesurément longue. L’essentiel est qu’on se comprenne, n’est-ce pas ? b) Par « assimilation », il faut entendre la « propriété grâce à laquelle le végétal introduit en lui des matières extérieures, les soumet à une action chimique interne, et les transforme en sa propre substance (79). (79) Les ouvrages ayant trait à la matière sont innombrables ; j’ai spécialement consulté les suivants : Vittorio M a rc o z z i, La vita e l’uomo, Milano, 1946, surtout p. 4-24. — Du même, L’uomo nello spazio e nel tempo, Milano, 1953, passim. — Card. M e r c ie r , Psychologie, tom. I, Vie organique et sensitive, Louvain, 1923, p. 11-88. — P h i l l i p s , Modem Thomastic Philosophy, vol. I, The Philosophy o f Nature, London, 1948, p. 178-210. — P. S iw e k , op. cit., p. 9 sq. — R . J o l i - VET, op. cit., v o l. II, Psychologie, p. 105 sq. c) La « reproduction » est la perpétuation du végétal, au moyen de l’ensemencement des fruits issus de sa pro pre substance. 2. — GAMA : J ’étais sur le point de formuler une objection. Je me disais que si le végétal se développe et se reproduit, on ne peut pas lui dénier une certaine acti vité. Je me suis cependant rappelé que, dans les concep tions du Rwandais, on ne peut pas dire qu’un végétal travaille, obtient tel résultat. Je me suis, en conséquence, abstenu de formuler l’objection. 3. — a) KAMA : Au fond, l’objection soi-disant étouf fée peut donner d’utiles précisions et compléments à nos résultats antérieurs. Nous avons tout d’abord vu que les « propriétés » et les « facultés » se différencient par rapport à la connaissance qui précède ou non l’activité (80). b) Ne vous semble-t-il pas, très cher, — grâce à votre objection, — que la philosophie rwandaise ignore toute forme d’activité immanente, et affirme comme acti vité celle seule qui se termine à l’objet distinct de l’agent ? 4. — a) GAMA : Je me limiterais, quant à moi, au fait indéniable, que tout ce qui n’a pas une certaine connaissance, n’agit pas sur l’objet placé en dehors de lui-même. b) Quant à affirmer que la philosophie bantu-rwandai se ignorerait l’activité immanente, cela reviendrait à dire que les « propriétés » concernent cette dernière, tandis que les « facultés » ne seraient proportionnées qu’à l’ac tivité transitive. Or notre philosophie reconnaît que l’homme est doué de l’intelligence, « faculté » grâce à laquelle, entre autres activités, nous pouvons réfléchir. La réflexion n’est-elle pas immanente, du moins lorsque nous réfléchissons sur notre propre réflexion ? En ce cas, en effet, l’objet de l’activité n’est pas placé en dehors du sujet pensant, ni en dehors de l’activité elle-même. KAMA : Vous avez raison, très cher. B. — Le végétal n’est pas « vivant » en philosophie bantu-rwandaise. 5. — GAMA : J ’ai une grosse objection à vous poser. Pourquoi avez-vous évité le terme classique de « vivant » qui caractérise justement le règne végétal ? Les termes de « assimilation » et de « reproduction » caractérisent certes les végétaux, mais comme « propriétés » du « vivant ». La disparition de ce dernier terme est-elle justifiée ? 6. — a) KAMA : En choisissant le terme « assimilatif » au lieu de « vivant », je pouvais logiquement m’attendre à votre objection. Vous savez qu’en notre langue, le terme « vie » se traduit par ubugïngo, ou par ubuzim a ou par am agära. Nous reviendrons du reste sur la signifi cation exacte de ces trois mots (81). b) Quant au terme « vivant », il se traduit par um u- zim a ; on peut le rendre également par ülïho = « Celui qui est-actuellement-là». Je vous pose maintenant les questions suivantes, et vos réponse serviront grande ment à vous éclairer : 1° Mbëse ib ïti n ’ ibyâtsi bilïho ? Est-ce que les arbres et les herbes sont-là (exis tent) ? 2° Mbëse ibïti n ’ uploads/Philosophie/ hum-sc-ns-t-vi-1-kagame-a-la-philosophie-bantu-rwandaise-de-l-x27-e-tre-1955.pdf
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- Publié le Jan 22, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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