Communication au colloque de l’Association Francophone d’Education Comparée. 28

Communication au colloque de l’Association Francophone d’Education Comparée. 28 au 31 octobre 2007, Alexandrie. Approches comparatives des traditions et modernités éducatives : Quelles rencontres entre l’Orient et l’Occident, entre le Sud et le Nord ? Education ou initiation dans la tradition française de l'Education populaire. Georges Bertin. « L'Orient éclaire l'Occident qui réfléchit la lumière reçue » . Marie-Jo Delalande. La tradition de l'Education populaire tente de nous faire sortir de la posture du croyant servile en lui substituant une méta connaissance. Méthode, mise sur la voie, elle propose en effet des itinéraires initiatiques constituant un contre modèle proche de celui que proposent, depuis des millénaires, les sagesses orientales. Elle trouve singulièrement son actualité dans un monde voué à l'insignifiance généralisée. Après avoir questionné l'apport de la pensée orientale à l'Occident, nous en montrons ici les points de rencontre, si ce n'est de transmission, et l'étudions plus particulièrement dans un mouvement d'éducation populaire universellement répandu, le scoutisme. La question Orient-Occident. René Guénon, philosophe né à Blois en 1886, attiré par les épopées orientales, a posé avec lucidité la question des relations entre Orient et Occident, et ce, à partir de sa découverte, derrière l'existence des religions, de « l'histoire intérieure et cachée qui annonce l'aurore de la Grande Lumière ». Témoin à charge de la crise du monde moderne dans « Le règne de la quantité et les signes des temps », il dénonçait l'idée de progrès infini et rappelait que nous n'avons plus la moindre idée de certaines sciences cultivées au Moyen Age occidental . En renversant les rapports des divers ordres, le monde moderne occidental a provoqué un amoindrissement de l'ordre intellectuel au profit de l'ordre matériel. Son ouvrage « Orient et Occident » met l'accent sur les caractères propres aux quêtes orientales de cette recherche, et d'opposer une science occidentale qui analyse et disperse à la connaissance orientale qui concentre et synthétise. C'est ainsi que ce que les occidentaux appellent progrés est, pour les orientaux, changement et instabilité. La multiplication sans cesse croissante en Occident des spécialités, la division du travail, repose sur une véritable myopie intellectuelle puisque, loin d'approfondir et d'étendre son domaine, notre science divise le problème, le subdivise et voit ses objets lui échapper dans l'atomisation de leurs composants. En Orient au contraire, pour Guénon, toutes les sciences ont une base traditionnelle toujours rattachée à certains principes: « elles expriment un certain ordre des choses, étant le reflet d'une réalité supérieure immuable dont participe nécessairement tout ce qui possède quelque réalité ». Car la connaissance est compréhension de l'ordre universel. Au Moyen Age, Guénon pointe la plus grande facilité qu'avait la civilisation occidentale, par l'entremise des arabes, d'entrer en relations avec les organisations orientales qui travaillaient dans l'ordre intellectuel pur. Gilbert Durand (Science de l'Homme et Tradition) reprend à son actif cette réflexion. De fait, estime-t-il, « objectivation, causalisme logique et généralisation constituent le grand modèle du rationalisme déductif de toute science occidentale 1». Et d'en appeler à la mise en oeuvre d'un troisième terme « l'intellect agens » encore nommé imaginal par Henri Corbin, abandonné par les occidentaux depuis ce qu'il nomme la catastrophe métaphysique de l'Occident. Alors que le 12ème siècle avait été un siècle d'or où s'équilibraient voces et res, démarches sacrées et démarches profanes, Durand voit, à la fin du 12ème siècle, le monde des res se libérer des voces, quand la réflexion occidentale « se libère de la tradition orphique et de tout accès à la transcendance « , dénie toute effectivité au monde des mythes. Y confluent averroïsme thomiste, ambitions temporelles de la papauté, sur fond de lutte du sacerdoce et de l'empire. Il opposera à la démarche objectivisante ou réïfiante, une démarche compréhensive fondée sur la postulation d'un monde intermédiaire où « les contradictions, cessent d'être perçues contradictoirement » (Breton), ce qui était également au cour du projet surréaliste. Trois grands mythes vont ainsi structurer la pensée occidentale, moteurs du destin faustien de l'Occident: 1. « l'idéal de la science profane séparée, positive, objective, 2. l'idéal de la liaison de l'être et de la valeur, 3. l'idéal de la ségrégation du sacré et des valeurs culturelles au profit de la caste cléricale ». 1 Durand Gilbert, Science de l'Homme et Tradition, Berg International, L'Ile Verte, 1979, p. 151. L'homme se trouve ainsi nu, privé de tout recours aux images sacrées, et le courant objectiviste et thomiste ne cessera de renforcer cette coupure entre sacré et profane, au nom d'une logique binaire abandonnant toute relation symbolique fondée elle sur le trinitaire. En découle le mythe de l'objectivité scientifique qui ne peut que renforcer l'indifférence, une vue mécaniste et déterministe de l'Univers, qui produira l'homme aliéné. Cette suprématie de l'explication historique, de la toute puissance des faits, justifiera toutes les persécutions et fanatismes puisque seule une caste, celle des clercs, dont les universitaires sont les héritiers institués, a le pouvoir de dire la vérité au nom de l'objectivité scientifique. Considéré comme le siècle du positivisme, le 19ème siècle va pourtant redécouvrir le bouddha et les études orientales (Eugéne Burnouf (1801- 1885), Sylvain Lévi (1863-1935), Emile Guimet (1831-1916) et aussi les romantiques qui redécouvrent avec le Moyen Age, l'art gothique et l'Orient . La relation entre l'Orient et l'Occident est de fait un sujet central dans la littérature du 19ème siècle. Alfred de Vigny a l'esprit occupé de Bouddha, Edouard Quinet et Hippolyte Taine rapprochent les deux religions, un nouveau souffle court sur les études orientales. La théosophie2. A la fin du siècle, les idées théosophiques prennent pied en Occident, HP Blavatsky (1831, 1891) fonde la Société Théosophique (S.T.) à New York en 1875 , elle est présidée par un Franc Maçon, le colonel Olcott, et va travailler à l'acquisition de la vraie connaissance. Installée à Adyar aux Indes, prés de Madras, en 1883, elle dispense un enseignement qui repose sur une croyance en l'évolution de l'individu vers la perfection suprême à travers des vies successives (karma). Jiddu Krishnamurti présente la synthèse la plus vivante de ce courant qui va dans un certain sens renouveler notre vision éducative et inspire encore aujourd'hui nombre de pédagogues oeuvrant dans le domaine de l'éducation populaire, et même à l'université, puisque le professeur René Barbier y travaille, depuis plus de trente ans, à l'Université de Paris 8 où il a fondé le GREK (groupe de recherches et d'études sur Krishnamurti). C'est au siège de la société en 1909, à Adyar, que le théosophe Charles Leadbeater rencontre Krishnamurti, alors âgé de 14 ans et voit en lui l'instructeur du monde, un nouveau Christ apportant l'aide sur la terre et renforçant la spiritualité que les hommes ont perdue. Annie Besant, franc- maçonne, militante des droits de l’homme, alors présidente de la Société Théosophique, décide de prendre son éducation en main en Inde, à Londres et même à Paris En 1910, à 15 ans, Krishnamurti publie son premier livre "Aux pieds du Maître". Annie Besant l'installe à l'âge de 16 ans à la tête de l'Ordre International de l'Etoile d'Orient. Entre 1912 et 1921, 2Delalande Marie José, Le mouvement théosophique en France, 1876-1921, thèse de doctorat d'histoire contemporaine, Université du Maine, 2007. Krishnamurti poursuit ses études, essentiellement à Londres et à Paris (Sorbonne). En 1922, il fait l'expérience de l'ilumination et se libère, il devient vite un penseur de grande envergure, ne relevant d'aucune religion ou doctrine philosophique. Il ne croit pas à l'existence des "Maîtres", et récuse avec fermeté son rôle messianique. Le 3 août 1929, en présence d'Annie Besant, et devant un auditoire de 3000 personnes, à Ommen (en Hollande), il annonce la dissolution de l'Ordre de l'Etoile, qui compte alors 60000 membres et des biens importants. Il enseignera alors pendant plus de cinquante ans par des conférences, des livres et dans les écoles qu'il fonde. « Citoyen du monde", il voyage beaucoup pour enseigner sa pensée, aux Etats-Unis, en Angleterre, en Suisse, en Inde... Les textes de ses conférences ont été rassemblés dans une soixantaine de volumes. Il meurt le 17 février 1986, aux Etats-Unis, à Pine Cottage, à côté de Los Angeles, à près de 91 ans. L’enseignement de Krishnamurti est hors du commun, un véritable questionnement « oriental » sur le sens de l'éducation, en fonction d'une finalité d'éveil d'un profil d'être humain propre à notre temps. Le processus éducatif pour Krishnamurti est justement cette faculté à s’ouvrir au monde sensible, naturel et social, au sein d’une attention vigilante. L’enseignement qu’il donne doit être reçu en profondeur et avec un véritable esprit critique. Rien à voir avec une quelconque croyance ou dévotion. C’est à la faculté intelligente de l’autre qu’il s’adresse. car « l’entendement ne vient qu’à celui qui se connaît lui-même ». Ce que recherche Krishnamurti dans son interlocuteur, c’est un “auteur”, le créateur de soi-même, non un “suiveur”, un disciple : une personne qui s’autorise à s’approprier, d’une manière dubitative et expérientielle, une information essentielle pour son propre devenir, même si cette nouvelle conscience de soi, soudainement reconnue, fait disparaître l’illusion d’un moi existentiel et intentionnel séparé du monde. Il uploads/Philosophie/ initiation-et-education-dans-la-tradition-francaise-de-l-x27-education-populaire 1 .pdf

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