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HAL Id: halshs-01333654 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01333654 Submitted on 21 Jun 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - ShareAlike| 4.0 International License Monde de la vie et philosophie de la vie Julien Farges To cite this version: Julien Farges. Monde de la vie et philosophie de la vie : Husserl entre Eucken et Dilthey. Etudes Germaniques, Klincksieck, 2006, 242 (2), p. 191-217. ￿http://www.cairn.info.gate3.inist.fr/revue- etudes-germaniques-2006-2-page-191.htm￿. ￿10.3917/eger.242.0191￿. ￿halshs-01333654￿ 1 Julien Farges* MONDE DE LA VIE ET PHILOSOPHIE DE LA VIE : HUSSERL ENTRE EUCKEN ET DILTHEY ABSTRACT – Does Husserl’s concept of the life-world justify a global interpretation of his late phenomenology as a philosophy of life? This article focuses at first on some acquaintances between Husserl’s notion of the life-world and Eucken’s idea of a spiritual unity of life and world. But the confrontation with Dilthey’s theory of life-categories reveals how far the phenomenological understanding of the life-world stands from the claims of a life-philosophy. KEY WORDS : Husserl, Dilthey, Eucken, Life, World, Life-World, Phenomenology ÜBERSICHT – In diesem Artikel wird versucht, die Frage zu beantworten, ob Husserls Begriff der Lebenswelt eine Deutung seiner späten Phänomenologie als Lebensphilosophie rechtfertigen kann. Die Gegenüberstellung mit Diltheys Lehre der Lebenskategorien zeigt, daß die husserlsche Auffassung der Lebenswelt, trotz ihrer Verwandschaft mit dem Gedanke einer geistigen Einheit von Welt und Leben bei Eucken, keine der Voraussetzungen einer Lebensphilosophie enthält. * Université Paris IV – Sorbonne, UFR de Philosophie et Sociologie ; 1, rue Victor Cousin, 75230 Paris Cedex. 2 Dans son ouvrage sur la passivité dans la phénoménologie husserlienne, qui cherche à caractériser la conception husserlienne de la vie au fil d’une étude des problèmes liés à l’intentionnalité passive, à l’affectivité et à la pulsionnalité, Anne Montavont note que « Parcourir le chemin qui part au XIXe siècle du courant allemand de la philosophie de la vie pour rejoindre Husserl serait un travail intéressant », tout en reconnaissant quelques lignes plus loin que Husserl lui-même a laissé la signification historique de sa pensée de la vie dans une sorte d’indétermination, puisqu’il « n’a jamais cherché à rapporter le concept de vie qu’il utilise à la tradition métaphysique »1. Or le sens de cette note en bas de page se précise si l’on tient compte de deux éléments. D’une part, elle se situe au terme une analyse portant, moyennant le concept spécifiquement phénoménologique d’horizon, sur la corrélation fondamentale entre vie et monde que Husserl inscrit au cœur de la notion de Lebenswelt, telle qu’elle est développée principalement dans son dernier ouvrage, inachevé et fragmentaire, la Krisis2. La notion de monde de la vie, désignant le monde tel qu’il se donne par opposition au monde exact construit par les sciences modernes de la nature, serait donc le lieu privilégié de la formulation d’une philosophie husserlienne de la vie, dont le contenu reste à thématiser. Mais justement, d’autre part, l’un des moments déterminants du chemin qui va de la Lebensphilosophie jusqu’à la phénoménologie husserlienne se trouve également précisé, puisque l’auteur mentionne à ce sujet « la dette de Husserl à l’égard du Zusammenhang des Lebens cher à Dilthey ». Le cadre est donc fixé : c’est dans la notion de Lebenswelt que viendraient se formuler et s’organiser chez Husserl les éléments d’une philosophie de la vie, dont la proximité avec la pensée de Dilthey serait l’un des caractères essentiels. C’est cette hypothèse que nous souhaiterions examiner ici, en prenant au sérieux l’idée que la notion de Lebenswelt peut servir de fil conducteur pour éclaircir les rapports entre phénoménologie et philosophie de la vie chez Husserl. Mais il faut se garder toutefois de présupposer un contenu trop déterminé pour la notion husserlienne de monde de la vie, Husserl la présentant lui-même comme une « rubrique »3 problématique plus que comme un concept parfaitement constitué. De sorte que la mise en perspective critique avec la Lebensphilosophie doit servir en retour à l’éclaircissement de la notion et du problème 1 A. Montavont : De la passivité dans la phénoménologie de Husserl, Paris, PUF, 1999, p. 145, note 2. 2 E. Husserl : Die Krisis der europäischen Wissenschaften und die transzendentale Phänomenologie. Eine Einleitung in die phänomenologische Philosophie (désormais Krisis), hrsg. von W. Biemel, 1954, Husserliana VI (nos citations de Husserl se feront toujours d’après l’édition des Edmund Husserl gesammelte Werke, couramment appelées « Husserliana » (citées Hua, suivi de la tomaison puis de la page concernée), dont la publication est en cours depuis 1950 aux éditions Martinus Nijhoff, La Haye, puis, à partir de 1980, chez Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, Boston, Londres, et, depuis 2004 aux éditions Springer, Dordrecht) ; trad. fr. par G. Granel, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, Paris, Gallimard, 1976. 3 E. Husserl : Krisis, Hua VI, notamment S. 124, 127, 176 ; trad. fr., p. 139, 141 et 197. 3 philosophique qu’elle recouvre. Dans cette perspective, la confrontation directe avec la philosophie de Dilthey doit être différée au profit d’un premier moment, plus génétique, qui prendra la forme d’un essai de contextualisation de la phénoménologie husserlienne du monde de la vie, cherchant dans l’histoire de la notion de Lebenswelt les traits caractéristiques d’une philosophie de la vie qui pourraient perdurer dans la pensée de Husserl. C’est alors seulement que le rapprochement avec Dilthey pourra être tenté, à partir d’une interrogation plus structurale sur la notion de monde de la vie. I La postérité et la fécondité de la notion de Lebenswelt après sa thématisation par Husserl dans la Krisis, qui sont certes indéniables et se manifestent chez des auteurs aussi divers que Fink, Patočka ou Merleau-Ponty au sein de la phénoménologie, Gadamer ou Ricœur dans la tradition herméneutique, ou encore Schütz dans la voie d’une sociologie phénoménologique, ne doivent cependant pas faire méconnaître le fait que Husserl, loin d’être le père de cette notion, en est un héritier. Les travaux récents de Cristian Bermes4 montrent en effet qu’au moment où Husserl réfléchit, dans les manuscrits préparatoires à la Krisis, à une nouvelle voie vers la phénoménologie transcendantale qui s’appuierait sur une prise en vue thématique de la Lebenswelt comme sol préscientifique ainsi que sur ses modes de donation propres5, la notion de Lebenswelt a elle-même déjà près d’un siècle d’existence avérée dans la langue allemande, existence dont les avatars sont liés essentiellement à son association originaire à un contexte de naturalisme darwinien, et à la manière progressive mais irrésistible dont elle s’en est ensuite extraite, au profit d’un spiritualisme parent de la Lebensphilosophie. La reconstruction philologique et philosophique de Bermes distingue ainsi trois moments dans l’histoire de la notion de Lebenswelt : a) sa création, qui est invention littéraire, due à Heinrich Heine en 1836 dans ses Florentinische Nächte, mais qui demeura isolée et sans lendemain ; b) l’institutionnalisation de la notion, dans le cadre épistémologique et méthodologique des sciences de la nature, notamment celui de la biologie microscopique, puis 4 C. Bermes : „Lebenswelt“ (1836-1936). Von der Mikroskopie des Lebens zur Inszenierung des Erlebens, in : Archiv für Begriffsgeschichte, 44 (2002), p. 175-197 ; « Monde » et « monde vécu » dans la philosophie au XIXe siècle et dans la philosophie husserlienne, in : Études phénoménologiques, 37-38 (2003), p. 175-195. Ces deux articles sont des études préparatoires à son récent ouvrage „Welt“ als Thema der Philosophie. Vom metaphysischen zum natürlichen Weltbegriff, Hamburg, Meiner, 2004. 5 La première section de la troisième partie de la Krisis s’intitule en effet « Der Weg in die phänomenologische Transzendentalphilosophie in der Rückfrage von der vorgegebenen Lebenswelt aus », Hua VI, S. 105 ; trad. fr., p. 117. 4 de la diffusion de la conception darwinienne de l’évolution des espèces ; c) enfin, et enfin seulement, l’entrée de la notion dans le domaine thématique de la philosophie, dans le cadre d’un anti-naturalisme et d’une problématisation, renouvelée notamment par les acquis de la psychologie, de la « situation de l’homme dans le monde ». Faisant abstraction du moment proprement littéraire de la création du terme, et ne retenant que les deux derniers moments, Bermes écrit : Ainsi l’histoire de ce mot fait-elle apparaître une évolution qui part du monde de la vie (Welt des Lebens), qui passe par le monde du vivant (Welt des Lebendigen) pour nous conduire jusqu’au monde vécu (erlebte Welt), et tout cela s’exprime en une seule et unique formule, celle de la Lebenswelt6. Ce propos appelle trois remarques, étroitement liées entre elles. On notera tout d’abord que, loin qu’il ne soit question ici que de l’usage linguistique de néologismes plus ou moins heureux, l’évolution du terme de Lebenswelt met en jeu la question uploads/Philosophie/ j-farges-lebenswelt-husserl-dilthey-eucken.pdf

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