Collection La philosophie en effet L'oubli de la philosophie DU MÊME AUTEUR CHE

Collection La philosophie en effet L'oubli de la philosophie DU MÊME AUTEUR CHEZ LE MÊME ÉDITEUR Le titre de la lettre (avec Ph. Lacoue-Labarthe). La remarque sPéculative. Le partage des voix. CHEZ D'AUTRES ÉDITEURS « Le Ventriloque» in Mimesis (Flammarion). Logodaedalus (Flammarion). L'Absolu littéraire (avec Ph. Lacoue-Labarthe, Flammarion). L'impératif catégorique (Flammarion). « Dies irae» in La faculté de juger (Minuit). «Des lieux divins» in Qu'est-ce que Dieu? (Faculté Saint-Louis, Bruxelles) . La communauté désœuvrée (Bourgois). Traduction : Paul, Cours préParatoire d'esthétique , Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour touS pays, y compris l'U.R.S.S. © Éditions Galilée, 1986 9, rue Linné, 75005 Paris ISBN 2-7186-0309-7 N ote liminaire On nous annonce, de plusieurs cotes, que l'époque aurait oublié la vraie philosophie, ses devoirs authentiques et la santé de sa réflexion. En vérité, c'est bien souvent ce rappel à l'ordre qui témoigne au contraire d'un oubli de ce qu'est la philoso- phie, de ce qu'elle est devenue, et de ce qu'il conviendrait de faire avec elle ou en son nom. Il m'a paru souhaitable, et en somme urgent, de montrer ce qui est ainsi oublié. C'est-à-dire, de montrer simplement ce qui fait, au rnoins pour l'essentiel, la réalité présente conditions et des tâches philosophiques. Ces pages ne se des n,o{-"u'Up>I'rp>c souvent ce qu'on écrit). Il y aura ici Ce n'est pas seulement que j'ai 9 essayé d'écrire aussi pour qui n'est pas absolument informé de l'histoire ni de la technicité philosophiques. C'est que je n'ai pas non plus cru rnauvais de mettre à plat, ou de mettre au clair, pour moi-même, des choses qu'on abandonne facilement à la pénombre de l'humeur ou à celle du « bien entendu ». Il s'ensuit aussi que je fais appel à bien des travaux, à bien des pensées au travail dans notre histoire récente et actuelle. Mais je ne les n01nme pas: d'une part, en effet, j'ai voulu me tenir à distance des intérêts et des crispations polémiques engendrés par les norns propres (sans être cependant assez naïf pour pré- tendre les effacer sans restes), et d'autre part, j'essaie de m'en tenir à ce qui, jusqu'à un certain point, appartient à tous et ne revient à personne. Ce n'est pas, quant au prernier point, une profession d'irénisme : il y a, c'est certain, une situation de lutte aujourd'hui dans la pensée, et ceux qui ont pris les armes pour fomenter l'oubli de la philosophie en savent quelque chose. Mais ce n'est pas une querelle d'individus ou de cercles (pas plus, d'ailleurs, que ce n'est simplement un combat des anciens et des modernes), c'est un affrontement dans lequel la vérité est en jeu. - Quant au second point, je ne prétends pas qu'on puisse réunir en une synthèse anonyme des pensées qui sont toujours aussi des styles singuliers, et que leurs différences, voire leurs différends, font penser. Mais je tiens qu'il y a, dans ce partage des pensées et grâce à lui, quelque chose de commun, qui porte la marque l'histoire, chose qui est nôtre au sens que eSS~l.1er:al de (Ce j'accorde « Ce qui sans honte pourrait prétendre au nom de sens réside dans ce qui est ouvert et non dans ce qui est fermé sur soi. » (Adorno, Dialectique négative) La question du sens agite à nouveau, plus ou moins sourdement, plus ou moins bruyamment, le vieil Occident qui avait cru la dépasser. Il ne faut pas se hâter de dire que cette agitation est vaine. Il y a forcément au moins un sens à ce que la question du sens soit posée. Et ce sens n'est pas seulement un sens négatif - comIne lorsque nous avec raison, que le sens de l'histoire est ou le sens l nouveau, soit posée. Mais le mode, ou la nature, de cette « positivité» ne se laisse pas facilement déterminer. Pour qu'elle ne soit pas vaine ou illusoire, il faut qu'elle n'ait rien à faire avec les déterminations du sens que notre passé ancien ou récent peut nous représenter. Il faut aussi qu'elle n'ait rien à faire avec l'idée non seulement positive, mais positiviste, d'un «dépassement» de la question du sens. Car l'idée d'un « dépassement» relève de la simple dialectique du sens: lorsque le structuralisme déclarait que les gens n'avaient plus rien à dire, mais que l'inté- ressant était la manière dont ils le disaient, il installait le sens, le même sens devenu réseau combinatoire, dans la maîtrise impeccable de sa propre relève: il tentait d'ac- créditer le sens, non plus comme message, mais comme fonctionnalité, et la fonctionnalité devenait elle-même le message. Mais les derniers temps de notre histoire sont loin de se confondre avec le seul destin du structuralisme et de ses avatars, contrairement à ce que certains croient et à ce que d'autres feignent de croire. Il n'est pas sûr que, réduits à de fonctions langage, nous n'ayons plus rien à il nous puissions 2 désormais lorsqu'on demande du sens? Qu'est-ce que demander du sens? Quel sens donner à cette requête? Je serais bien en peine de déterminer quel est le sens, en vérité, du retour de la question du sens. Mais il ne revient à personne d'opérer cette détermination: elle est, ou elle sera, le fait de l'histoire, qui n'a jamais cessé de faire surgir l'inédit, précisément parce qu'elle-même, l'his- toire, n'est pas quelqu'un et n'est pas un sujet (un sujet peut-être n'est voué qu'à se reproduire). Je sais en revanche - d'un savoir accessible à quiconque ne prétend pas régenter la pensée, ni s'en faire le contrôleur, mais qui entend la laisser penser, ou la laisser advenir -, je sais que ce sens ne peut pas revêtir une autre forrne (si c'est une « forme») que celle d'une ouverture, pour reprendre le mot dont se sert Adorno. Qu'est-ce que cela veut dire? Ces quelques pages n'ont d'autre but que de tenter de dire en quoi consiste, ou du moins comment s'entame, une telle «ouverture ». Si le sens relève de la pensée, en ce que c'est elle qui l'accueille, et non pas elle qui le fait, le sens qui «réside dans ce qui est ouvert» relève de la pensée elle-mêrne en tant qu'ouverture. Ce pas une ouverture de la pensée, qu'on force d'annonce, je dirai: 13 pas, n'est peut-être jamais ce qui arrive; mais l'étonnement devant le fait que ça arrive porte pour l'Occident le nom et la forme du philosophique.) La dimension de l'ouvert, c'est donc celle selon laquelle rien (rien d'essentiel) n'est acquis ni déposé, et selon laquelle tout ce qui est essentiel advient. C'est donc aussi cette dimension selon laquelle la pensée n'a rien - ni choses, ni idées, ni mots - qui soit simplement à la disposition de sa (supposée) maîtrise. Et c'est aussi, par conséquent, la dimension selon laquelle le « sens» est bien loin d'être identique à la «significa- ». Car la signification, c'est le sens repéré - tandis que le sens ne réside peut-être que dans la venue d'une signification possible. C'est du moins dans cette direction qu'il faut essayer de penser. Mais il faut d'abord dégager l'horizon. C'est-à-dire qu'il faut discerner en quoi le retour actuel de la question du sens se fait le plus souvent sous le signe de la « fermeture sur soi». Du moins est-ce ainsi que les choses se présentent l'opinion moment, et chez ceux qui, au nom « retour », sollicitée avec le plus de véhé- mence toutes dernières années. pouvoir » sur se Le schéma du retour A vrai dire, tout ce qui se présente dans la forme du retour, ou bien sous le signe du retour, est par principe refermé sur soi. Si j'ai parlé de « retour», c'est par pure commodité, et pour me servir, en commençant, d'un énoncé en quelque sorte stéréotypé: «le retour de la question du sens ». Mais les questions ne font pas plus retour dans l'histoire que les visages des individus. L'his- toire est leibnizienne en ce qu'elle obéit au principe de l'impossibilité des indiscernables. Sans doute, nos quelque vingt-huit siècles d'Occident paraissent scandés par la répétition périodique de crises lors desquelles une confi- un ordre philosophique, poli- le 5 du xxe siècle) une crise du monde moderne. Mais il n'est pas du tout certain que la succession de ces épisodes critiques signifie le « retour» de quoi que ce soit (sinon le retour d'une certaine représentation de la «crise ») - ou plus exactement, il n'est pas certain qu'une interpré- tation en termes de « retour» (qui se trouve le plus souvent être solidaire de la représentation en termes de « crise») soit suffisante, pour peu que la pensée ne soit pas trop paresseuse. Le point de vue du « retour» envisage chaque crise de manière identique et comme la reproduction d'un rnême épisode. Quelques variés que puissent être les discours tenus de ce point de vue, leur typologie fondamentale se réduit à un modèle unique: dans la crise, le sens est perdu de vue, mais au bout de la crise, lorsque se dissipent ses fumées uploads/Philosophie/ jean-luc-nancy-l-x27-oubli-de-la-philosophie.pdf

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