1 PRISE DE DECISION ETHIQUE DU CONSOMMATEUR: LE ROLE MODERATEUR DES CONVICTIONS

1 PRISE DE DECISION ETHIQUE DU CONSOMMATEUR: LE ROLE MODERATEUR DES CONVICTIONS DE CONTROLE INTERNE Jean-François TOTI Maître de Conférences en Sciences de Gestion - Marketing Université Lille 1, IAE, jean-francois.toti@iae.univ-lille1.fr Jean-Louis MOULINS Professeur des Universités - Marketing Aix-Marseille Université, Cret-Log, jean-louis.moulins@univ-amu.fr Résumé: Les travaux précédents ont étudié la prise de décision éthique des managers dans un contexte organisationnel. Cette recherche présente les résultats du test d‟un modèle simplifié de prise de décision éthique inspiré de la théorie générale de l‟éthique marketing de Hunt et Vitell (1991). Ce travail explore les liens entre la sensibilité éthique du consommateur, le jugement éthique et les comportements de consommation éthique (CCE). Après avoir collecté des données auprès de 550 consommateurs français, nous utilisons un modèle d‟équations structurelles pour tester ces liens et nous mettons en œuvre la méthode d‟orthoganalisation pour étudier le rôle modérateur des convictions de contrôle interne. Les résultats montrent que la sensibilité éthique a un effet significatif et positif à la fois sur le jugement éthique et sur les comportements de consommation éthique. De même, le jugement éthique influence les CCE. Nous montrons aussi que les consommateurs qui ont des convictions de contrôle interne fortes adoptent plus des CCE que ceux qui ont des convictions de contrôle interne faibles. Les implications théoriques, méthodologiques et managériales sont enfin exposées. Mots-clés : Prise de décision éthique, sensibilité éthique, consommation éthique, convictions de contrôle, modèle d‟équations structurelles CONSUMERS’ ETHICAL DECISION-MAKING: THE MODERATING ROLE OF INTERNAL LOCUS OF CONTROL Abstract: Prior researches have studied managers‟ ethical decision-making process in an organizational context. This research presents the results of a simple ethical decision-making model that is inspired from the Hunt-Vitell general theory of marketing ethics (1991). The study examines the relationship between ethical sensibility, ethical judgment and ethical consumption behavior (ECB). We collected data from 550 French consumers and used structural equation modeling to test these relationships. We also explored the moderating role of internal locus of control, using orthogonalization method. Results showthat ethical sensitivity has significant effects on both ethical judgment and ethical consumption behavior. Similarly, ethical judgment has a positive and significant effect on ECB. Furthermore, we also demonstrate that consumers with high locus of control are more likely to behave ethically than consumers with low locus of control. Finally, we discuss theoretical, methodological and managerial implications of this study. Keywords: Ethical decision-making; Ethical sensitivity; Ethical consumption, Locus of control, Structural equation modeling 2 INTRODUCTION De plus en plus d‟organisations prêtent attention au concept de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Cet intérêt grandissant des entreprises pour la RSE s‟explique, pour une part, parce que les consommateurs sont de plus en plus attentifs aux considérations éthiques dans leurs comportements de consommation. La consommation socialement responsable est en forte croissance (Webb et al., 2008) et la demande de produits éthiques suit la tendance. L‟éthique est un ensemble de principes et de valeurs qui guident l‟action des individus et leurs permettent de distinguer le bon et mauvais comportement (Rojot, 1992). La littérature fait apparaitre deux dimensions liant l‟éthique et la consommation. D‟une part, l’éthique de la consommation, dans lequel l‟enjeu est le jugement de la moralité de tout le système de production capitaliste de biens (Crocker et Linden, 1998). Dans ce cas, c‟est la consommation en elle-même qui est l‟objet de l‟évaluation morale ; l‟objectif de cette vision est de réduire le niveau total de consommation (Barnett et al, 2005) (exemple avec la simplicité volontaire). D‟autre part, la consommation éthique pour laquelle la consommation n‟est pas l‟objet de l‟évaluation morale, mais plus un moyen d‟action morale et politique. C‟est le sens dominant dans les cas de boycotts par les consommateurs, par exemple. Du fait de ces nouveaux comportements, les organisations font des efforts, depuis plusieurs années maintenant, pour intégrer l‟éthique dans leurs stratégies globales du processus de production au produit final. Car désormais certains consommateurs ne se contentent plus de la qualité ou du prix des produits mais s‟intéressent à des critères plus complexes comme le comportement de l‟entreprise et les conditions de fabrication des produits qu‟ils achètent. Cependant, les consommateurs éthiques ne se comportent pas toujours de façon éthique. C‟est ce que certains auteurs appellent le “gap de l‟achat éthique” (Nicholls et Lee, 2006). L‟objectif de cette recherche est d‟apporter une explication empirique à ce gap en étudiant le rôle modérateur des convictions de contrôle interne (Pfrang et Schenk, 1986). Afin d‟améliorer la compréhension de la consommation éthique, nous testons dans cette recherche un modèle de prise de décision éthique spécifique au domaine du comportement du consommateur. Peu de recherches en marketing adoptent une approche par les consommateurs lorsqu‟ils étudient la prise de décision éthique. Cette communication s‟articule en deux étapes. Après la revue de littérature, nous testons dans un premier temps un modèle simplifié de prise de décision éthique du consommateur. Le rôle modérateur des convictions de contrôle interne est ensuite évalué. 3 REVUE DE LITTERATURE La plupart des théories en éthique des affaires (Business Ethics) stipulent qu‟il existe quatre étapes dans le raisonnement éthique (Exemple : Trevino, 1986 ; Jones, 1991). La théorie générale de l‟éthique marketing proposée par Hunt et Vitell (1986, 1991), postule que le jugement éthique d‟un individu dépend de plusieurs variables regroupées en trois grandes catégories: (1) l‟environnement culturel (exemple : la religion) ; (2) les environnements professionnel, industriel et organisationnel (exemple : présence/absence d‟un code éthique) et (3) les caractéristiques individuelles. Dans le cadre de cette recherche, nous nous focaliserons sur des variables personnelles : la sensibilité éthique des individus et les convictions de contrôle interne. Le modèle que nous développons s‟appuie sur cette théorie de Hunt et Vitell (1991). Le comportement de consommation éthique Webster (1975) définit le consommateur socialement responsable comme « une personne qui prend en compte les conséquences publiques de sa consommation privée, et qui essaie d’utiliser son pouvoir d’achat pour induire des changements dans la société ». Robert (1995) précise par la suite que le consommateur socialement responsable est celui qui « achète des biens ou des services qu’il perçoit comme ayant un impact positif (ou moins mauvais) sur son environnement et qui utilise son pouvoir d’achat pour exprimer ses préoccupations sociales ». Plus récemment, Mohr et al. (2001) considèrent le consommateur socialement responsable comme un individu qui évite d‟acheter aux entreprises qui nuisent à la société, et qui recherche activement des produits d‟entreprises qui sont positifs pour la société. Dans sa définition, le concept des comportements de consommation éthique est très proche de celui de la consommation socialement responsable. En effet, la consommation éthique est définie comme un comportement réalisé par des consommateurs soucieux des problématiques environnementales et sociétales (Newholm et Shaw, 2007).Mintel (1994) utilise de terme de « consommateur éthique » pour identifier des « consommateurs qui considèrent des problèmes environnementaux, des problèmes relatifs au bien-être animal et des problèmes éthiques lorsqu’ils font leurs achats » (in Shaw et al, 2005, p.185). Pour Toti et Moulins (2015), la consommation éthique est une manière d‟acquérir et d‟utiliser des produits et des marques épousant autant que possible ses principes et valeurs morales. En d‟autres termes, c‟est la volonté de prendre en considération des préoccupations éthiques lors de ses actes d‟achat et d‟abandon des produits. Ces auteurs subdivisent en trois sous-catégories les CCE selon les motivations et les intérêts des individus : (1) une dimension politique, de contestation d‟un produit ou d‟encouragement 4 de l‟initiative d‟un acteur ; (2) une dimension environnementale relative à la protection de la faune et de la flore et à la préservation des écosystèmes naturels ; et (3) une dimension sociale associée à une recherche d‟égalité et de justice à travers la consommation. Plusieurs travaux de recherches se sont intéressés à ce concept: certains sur les motivations et les valeurs individuelles à l‟achat de vêtements éthiques (Jägel et al., 2012); d‟autres sur la dissonance et les émotions dans la consommation éthique (Gregory-Smith et al., 2013). La consommation éthique est une manière de promouvoir des marques, des produits et des entreprises qui satisfont aux préoccupations des consommateurs éthiques. La sensibilité éthique des individus Sparks et Hunt (1998) commencent leur article en posant la question suivante: pourquoi les individus font-ils des choix éthiques différents dans des situations éthiques similaires? Les chercheurs ont tenté d‟apporter des éléments de réponses en étudiant par exemple les effets du matérialisme (Richins& Dawson, 1992; Lu & Lu, 2010), du développement moral cognitif (Ferrell et al., 2002), de l‟intensité morale (Jones, 1991), de la simplicité volontaire (Dobscha, 1998), des convictions de contrôle (Busseri et al. 1998; Hamwi et al., 2014), de la religiosité (Barnett et al. 1996 ; Singhapakdi et al., 1999), du machiavélisme (Singhapakdi, 1993; Jones and Kavanagh, 1996) et de la sensibilité éthique (Ameen et al., 1996). La sensibilité éthique a été définie comme “la capacité à reconnaitre un contenu éthique dans une situation de prise de décision et d’accorder de l’importance à ce problème éthique (Spark et Hunt, 1998). La sensibilité éthique a été conceptualisée de trois manière dans la littérature : (1) c‟est l‟habilité d‟un individu à reconnaître un dilemme éthique dans uploads/Philosophie/ keywords-ethical-decision-making-ethical-sensitivity-ethical-consumption-locus-of-control 1 .pdf

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