LES STRUCTURES DU SIGNE. LE SIGNE SELON KLINKENBERG Par Louis Hébert Université

LES STRUCTURES DU SIGNE. LE SIGNE SELON KLINKENBERG Par Louis Hébert Université du Québec à Rimouski louis_hebert@uqar.ca 1. RÉSUMÉ KLINKENBERG Le signe a reçu de nombreuses définitions, notamment constitutives : un signe se reconnaît à la présence de termes particuliers et de relations particulières entre ces termes. Prenons uniquement les termes. Les principaux termes qui entrent dans la définition du signe sont : (1) le stimulus (le signal physique employé, par exemple un son vocal) ; (2) le signifiant (le modèle dont le stimulus constitue une manifestation, par exemple un phonème) ; (3) le signifié (le sens, le contenu du signe) ; le concept (la représentation mentale à laquelle correspond le signifié), (4) soit logique, (5) soit psychologique et (6) le référent (ce dont on parle quand on emploie tel signe). Entre ces six termes, s’établissent une trentaine de combinaisons, soit monadiques (un seul terme), dyadiques (deux termes), triadiques (trois termes), tétradiques (quatre termes), pentadiques (cinq termes) ou sextadique (six termes). Les structures du signe les plus usuelles sont les suivantes : le signe est fait du stimulus ; le signe est fait du signifiant et du signifié ; le signe est fait du stimulus ou du signifiant, du concept logique ou psychologique et du référent. À notre connaissance, il n’existe pas de structure de signe comportant les six termes. Il existe cependant au moins une théorie, celle de Klinkenberg, qui emploie un signe tétradique. Il est fait du stimulus, du signifiant, du signifié et du référent. La structure du signe visuel iconique est légèrement différente et comporte un type (un modèle) à la place du signifié. Ce texte se trouve en version longue dans le livre suivant : Louis Hébert, Dispositifs pour l'analyse des textes et des images, Limoges, Presses de l'Université de Limoges, 2007. Ce texte peut être reproduit à des fins non commerciales, en autant que la référence complète est donnée : Louis Hébert (2006), « Les structures du signe. Le signe selon Klinkenberg », dans Louis Hébert (dir.), Signo [en ligne], Rimouski (Québec), http://www.signosemio.com/klinkenberg/structures-du-signe.asp. 2. THÉORIE top Nous allons présenter une structure originale et opératoire du signe, en particulier du signe visuel iconique, celle de Klinkenberg (1996, 2000, 2001). Pour ce faire, il nous faut présenter les quatre parties (ou termes) constituant ce signe. En ajoutant deux termes de plus, pour un total de six, nous pourrons au passage étudier d’autres structures du signe. 2.1 SORTES DE DÉFINITIONS DU SIGNE Le signe a reçu de nombreuses sortes de définitions, notamment fonctionnelles (qui s’intéressent à ce que fait, produit le signe) et constitutives. Dans une approche constitutive, on considérera qu’un signe peut être reconnu par la présence des éléments dont il est composé. Ces éléments sont de deux sortes : des termes (ou relata) et des relations unissant les termes. Selon les théories, le nom, la nature et le nombre de ces éléments sont susceptibles de varier. 2.2 PARTIES POSSIBLES DU SIGNE Nous nous intéresserons ici aux termes, en laissant de côté les relations (par exemple la sémiosis, relation de présupposition réciproque entre le signifiant et le signifié). Nous comparerons quelques-unes des différentes façons de concevoir la constitution du signe en ce qui a trait aux termes. Pour ce faire, nous devons présenter un à un les principaux termes susceptibles d’être considérés comme faisant partie du signe. Mais d’abord définissons le signe. 2.2.1 LE SIGNE Le signe est l’élément qui résulte de la combinaison, selon telle ou telle théorie, d’un, de quelques-uns ou de tous les termes décrits ci-après. Pour désigner un signe, on peut employer les guillemets (« signe »). Par exemple si l’on écrit « tomate », on indique par là, dans un texte de sémiotique, que l’on parle du signe et non de la chose elle-même, de la tomate elle-même. 2.2.2 LE STIMULUS Le stimulus (« stimuli », au pluriel) est l’élément physique perceptible (par exemple un son) qu’utilise le signifiant comme substrat pour se manifester. On peut symboliser le stimulus par les accolades ({stimulus}). 2.2.3 LE SIGNIFIANT Le signifiant est le modèle (en mots techniques, le type) dont le stimulus constitue une manifestation (en mots techniques, une occurrence). Le signifiant peut être symbolisé par les italiques, par exemple bateau est le signifiant du signe « bateau ». 2.2.3.1 DISTINCTION STIMULUS/SIGNIFIANT La langue comporte deux sortes de signifiants, les phonèmes et les graphèmes. Par exemple, les phonèmes [v] et [t] permettent, en français, de distinguer les signes « va » et « ta ». Les phonèmes sont associés à des sons vocaux, qui jouent le rôle de stimulus. Que je roule ou pas mon {r} en disant {Montréal} ou {Montrrréal} ne change pas la compréhension de mon interlocuteur, qui comprendra que je parle de la ville du Québec appelée « Montréal ». De la même façon, même si le rouge du panneau de signalisation routière où est écrit « Stop » n’est plus rouge mais est devenu plutôt un stimulus rose sous l’effet du soleil, je comprends qu’il évoque encore le signifiantrouge, qui a pour signifié dans le code routier l’idée d’un arrêt obligatoire. Le graphème est au signifiant linguistique graphique ce que le phonème est au signifiant linguistique phonique. Ainsi, que la barre sur le {t} soit petite ou grosse, que cette lettre soit écrite en Times New Roman ou en Verdana, je comprends, malgré ces variations de stimulus, que c’est le graphème t qui est en cause. Nous considérerons que seules les structures du signe produites après Saussure (célèbre linguistique genevois) peuvent distinguer — mais elles ne le font pas toujours — stimulus et signifiant. Les théories antérieures ou celles qui ne respectent pas la vision saussurienne ne prennent pas en compte le signifiant. 2.2.4 LE SIGNIFIÉ Le signifié est le sens, le contenu du signe. Souvent on considère qu’il se décompose en sèmes, qui sont des traits de sens (symbolisés par des barres obliques). Par exemple, le signifié du signe « corbeau » est la somme des sèmes /oiseau/, /noir/, etc. Le signifié peut être symbolisé par les apostrophes (‘signifié’), par exemple ‘corbeau’. 2.2.5 LE CONCEPT Le concept est la représentation mentale à laquelle correspond le signifié. Il s’agit, avec le référent, du terme le plus problématique à décrire. Il a reçu de nombreuses définitions, parfois contradictoires. Rastier (1991 : 125-126) a distingué six significations principales au mot « concept ». Entre autres, le concept est tantôt considéré comme un élément logique, tantôt comme un élément psychologique ; tantôt comme un élément universel ou général (c’est-à-dire qui ne varie pas ou qui varie peu avec les individus), tantôt comme un élément individuel. Il semble qu’une théorie qui intègre le concept logique dans le signe n’y intègre pas le concept psychologique et vice-versa. 2.2.5.1 DISTINCTION SIGNIFIÉ/CONCEPT Quelques théories linguistiques, dont la sémantique interprétative de Rastier (1987 : 25), distinguent le signifié du concept (logique ou psychologique) ; tandis que les théories classiques les assimilent, même lorsqu'elles emploient l'appellation « signifié ». Voici une définition qui assimile signifié et concept : « Le signifié est cette composante d'un signe saussurien à laquelle renvoie le signifiant. Il s'agit d'un concept, résumé de l'intension (ou compréhension) de la classe d'objets évoquée par le signifiant. » (Mounin, 1982 : 301) Au contraire, pour Greimas et Courtés (1979 : 57), l'assimilation du signifié à un concept n'intervient chez Saussure que « dans une première approximation », éliminée par la suite au profit de la « forme signifiante ». Prenons un exemple qui illustre pourquoi il est possible — sinon nécessaire — de distinguer signifié et concept. Un aveugle de naissance est à même de comprendre le sens linguistique de « blanc ». Il sait par exemple qu’il s’agit de l’opposé de « noir » et il comprend parfaitement le sens de « canne blanche » et ce, même si l’image, la représentation mentale qu’il se fait du blanc est assurément différente de celle d’un voyant. 2.2.6 LE RÉFÉRENT Le référent est, pour couper court dans une matière complexe et épineuse (voir notamment : le chapitre sur Jakobson ; Hébert, 2001 : chap. I ; Hébert 1998), ce dont on parle quand on emploie tel signe. On peut symboliser le référent à l’aide des majuscules (RÉFÉRENT). Le référent correspond parfois à un élément concret (le CHAT qu’évoque le dessin d’un chat), parfois à un élément abstrait (l’AMOUR qu’évoque le mot « amour ») ; il correspond parfois à un élément réel, parfois à un élément fictif (la LICORNE qu’évoque le mot « licorne ») ; il correspond parfois à une entité (tous les exemples donnés jusqu’à maintenant en étaient), parfois à un processus (l’action de MANGER évoquée par le dessin sur un panneau routier montrant une fourchette et un couteau) ; enfin, il correspond parfois à un individu (JÉSUS CHRIST désigné par « Jésus Christ », le SAPIN précis désigné par « ce sapin-là »), parfois à une classe (les SAPINS qu’évoquent le dessin d’une forêt). 2.3 STATUT DES TERMES Un terme donné est susceptible de connaître deux statuts dans une théorie donnée : il fait partie du uploads/Philosophie/ klikenberg-les-structures-du-signe.pdf

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