Revue d'histoire et de philosophie religieuses La métaphysique religieuse de Vl

Revue d'histoire et de philosophie religieuses La métaphysique religieuse de Vladimir Soloviev Alexandre Kojevnikoff Citer ce document / Cite this document : Kojevnikoff Alexandre. La métaphysique religieuse de Vladimir Soloviev. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 14e année n°6, Novembre-décembre 1934. pp. 534-554; doi : https://doi.org/10.3406/rhpr.1934.2921 https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1934_num_14_6_2921 Fichier pdf généré le 02/09/2020 La métaphysique religieuse de Vladimir Soloviev (f) Le rôle que joue la métaphysique dans l’œuvre de Soloviev est très important. Elle est le centre de gravité et la base de toute sa pensée, et ce n’est qu’en partant d’elle que l’ensemble de cette pensée peut être vraiment compris. C’est en elle qu’il faut chercher la dernière justification de toutes les doctrines de Soloviev. Par elle, on saisit le lien qui unit ces différentes doctrines, constituant ainsi un tout complet, homogène et ordonné, auquel on peut appliquer le nom de « système de philosophie ». Et ce n’est qu’en se rappor¬ tant à la doctrine métaphysique · — point de départ de la pensée de Soloviev — que l’on peut comprendre le sens et la portée des changements que cette pensée subit. (1). Note bibliographique. Écrits de Soloviev composés en français et publiés en France : 1. Le Saint-Vladimir et l’Etat chrétien, a L’Univers », numéros des i, 11, 19 et 22 septembre 1888. 2. L’Idée russe. Paris, 1889. 3. La Russie et l’Eglise universelle. Paris, 1889 (3e éd., 1923). Traductions françaises et allemandes : 1. Séverac, V. Soloviev. Choix de textes. Paris, 1910. 2. Soloviev , Trois entretiens. Trad, par Tavernier. Paris, 1916. 3. Solovjeff, Ausgerwählte Werke. Aus dem Russischen von Harry Köhler. [Le vol. I (Iéna, 1914) contient : « Les fondements spi¬ rituels de la vie », « Le mystère du progrès », « Lettres du dimanche et de Pâques », * Trois entretiens » ; le vol. II (Iéna, 1916) : « La justification du bien » ; le vol. III (Stuttgart, 1921) : « Douze conférences sur l’Homme-Dieu » ; vol. IV (Stuttgart, 1922) : « La question nationale en Russie » (Ire partie, chap. I-II et IV- VI ; IIe partie, chap. I-II) ; « L’idée russe » ; « De la décadence de l’idée médiévale ».] 4. Solowjoff, Judentum und Christentum. Üb. von Keuchel. Dres¬ den, 1911. 5. Solowjoff, Das Befreiungswerk der Philosophie, üb. von Keuchel. Berlin, 1911. 6. Solovjeff, Russland und Europa. Üb. von Köhler. Iéna, 1917. 7. Solowjew, Drei Reden dem Andenken Dostojewskis gewidmet. Üb. von Galin. Berlin, 1921. LA MÉTAPHYSIQUE RELIGIEUSE DE V. SOLOVIEV 535 Cette position centrale de la métaphysique apparaît clairement lorsqu’on considère, dans leur ordre chronologique, l’ensemble des écrits de Soloviev. On voit alors qu’ils peuvent être répartis en trois groupes différents, correspondant aux trois périodes d’acti¬ vité littéraire du philosophe. Pendant la première période, Soloviev publie une série d’écrits, qui constituent une introduction histo¬ rique et critique à son système de métaphysique : en démontrant l’impossibilité du scepticisme, du matérialisme et du positivisme, en étudiant la dialectique immanante des problèmes philosophiques, en analysant l’histoire de la philosophie, en considérant enfin, l’ensemble de l’évolution historique de l’humanité, Soloviev croit pouvoir démontrer la nécessité de l’avènement d’une métaphy¬ sique religieuse et mystique — synthèse et aboutissement de tous les efforts philosophiques antérieurs — il croit même pouvoir démon¬ trer que cette métaphysique absolument vraie et définitive dort, dans un avenir immédiat, apparaître en Russie ; et, bien entendu, cette métaphysique n’est rien d’autre que la sienne. Puis, dans la deuxième période (la plus courte des trois), Soloviev expose les grandes lignes de sa métaphysique, exposé qui possède dès le début k caractère d’un système complet et achevé. Enfin, pendant Ta dernière période, de beaucoup la plus longue, il semble se désin¬ téresser des questions théoriques et proprement métaphysiques : dans quelques livres et dans un grand nombre d’articles, publiés un peu partout, il développe ses doctrines morales et esthétiques, sa philosophie de l’histoire, sa théorie de l’amour, son idéal théo- cratique, ses idées ecclésiastiques et politiques... Mais toutes ces doctrines ne sont que des applications des idées générales de sa métaphysique qu’elles présupposent. En partant de ses idées méta¬ physiques et en se posant les problèmes mêmes que Soloviev a étu¬ diés, on comprend le sens véritable et la raison profonde de ses réponses. Inversement, en développant ces idées particulières, on arrive nécessairement au système métaphysique qui fait corps avec eux. La métaphysique est ainsi non seulement le. centre de gravité de l’œuvre de Soloviev, prise dans son ensemble, mais encore la source profonde et le fondement immédiat de chacun de ses écrits. — Nous n’assistons ni à la naissance, ni à la formation de cette métaphysique. L’exposé principal, que Soloviev publie ayant à peine atteint sa 27® année, la fait apparaître, du moins dans ses 536 revue d’histoire et de philosophie religieuses grandes lignes, sous une forme définitive et parfaitement élaborée. Et même en lisant ses toutes premières publications, on a l’impres¬ sion à travers elles, d’apercevoir ce même système métaphysique, et dans ce même état de perfection. Soloviev semble commencer à écrire et peut-être même à penser, ayant à sa disposition une méta¬ physique toute faite. Cette impression est d’ailleurs confirmée par Soloviev lui-même, qui, dans une lettre de 1890, donc à l’âge de 37 ans, et 10 ans avant sa mort, écrit cette phrase significative : « La période de scepticisme et d’incertitude appartient à ma pre¬ mière jeunesse, et j’apparus devant le public avec des théories métaphysiques toutes faites, auxquelles je tiens encore aujourd’hui. » L’aveu est important. S’il est véridique — et nous n’avons aucune raison d’en douter — les idées métaphysiques fondamentales de Soloviev auraient été déjà fixées lorsqu’il avait à peine 21 ans. Or, il est évident, qu’à cet âge une métaphysique « toute faite » ne peut être créée de toute pièce, et il est permis de la supposer empruntée de toute pièce à la tradition. Et l’étude de la métaphy¬ sique de Soloviev confirme cette supposition. Quoi qu’il en soit, on voit que, si la métaphysique était à la base de la pensée de Solo¬ viev, elle l’était dès le début et qu’en 1890 elle n’avait subi aucun changement important, en tout cas aucun changement digne d’être signalé, d’après Soloviev. Dans ses écrits, on retrouve — en effet — toujours le même système, et les quelques modifications que l’on peut y relever ne sont pas assez importantes pour permettre de parler d’une évolution subie par ce système. Il est vrai qu’à la fin de sa vie Soloviev aboutit à certaines idées qui sont incompatibles avec les principes fondamentaux de son système métaphysique. Au contact de la réalité sa pensée évolue, acquérant un caractère de plus en plus pessimiste, et ses dernières publications contiennent des énoncés, notamment ceux relatifs à la philosophie de l’histoire et au problème du mal, qui sont en contradiction flagrante avec le monisme optimiste de sa méta¬ physique. Cette contradiction ne semble pas avoir échappé au philosophe lui-même. En effet, dans les dernières années de sa vie, il revient aux problèmes métaphysiques et se propose de publier un grand traité de philosophie théorique devant contenir un nouvel exposé d’ensemble de sa métaphysique. Mais sa mort prématu¬ rée (1900) l’en empêchant, nous ne savons rien de cette nouvelle métaphysique, sinon qu'elle devait différer radicalement de l’an- LA MÉTAPHYSIQUE RELIGIEUSE DE V. SOLOVIEV 537 cienne, étant une métaphysique dualiste et pessimiste (réalité du mal). Les sources dont nous disposons n’exposent ainsi qu’une seule et même métaphysique, à chaque exposé elle reste partout et tou¬ jours identique à elle-même. C’est la métaphysique que Soloviev avait en vue lorsqu’il écrivait la phrase citée plus haut ; c’est aussi celle que présupposent toils ses écrits, exception faite de quelques articles publiés les trois dernières années de sa vie. Nous nous proposons d’étudier cette métaphysique. Vu son importance dans l’œuvre de Soloviev, on suppose de nombreux et étendus écrits métaphysiques. En réalité il n’en est rien. Les écrits proprement métaphysiques ne représentent qu’une faible partie de ses publications. Dans quatre livres seulement, les questions métaphysiques sont traitées d’une manière relativement étendue et systématique : trois livres en russe — Critique des Prin¬ cipes abstraits (1877-1880), Fondements philosophiques du Savoir intégral (1877, non achevé), Conférences sur VHomme-Dieu (1877- 1880), et un livre en français — La Russie et l'Église Universelle (1889). Mais dans les Fondements , les problèmes proprement méta¬ physiques ne sont, à vrai dire, qu’effleurés ; et, dans la Critique, trois chapitres seulement sont consacrés à la métaphysique, celle-ci n’y étant développée qu’autant qu’elle est nécessaire pour fonder l’éthique et la gnoséologie. Aussi ces écrits ne peuvent-ils être consi¬ dérés que comme des compléments aux Conférences. De même la troisième partie de la Russie, consacrée à la métaphysique, n’est, elle aussi, qu’un complément aux Conférences, car il n’y a là rien de vraiment nouveau, exception faite de quelques modifications et extensions peu importantes des énoncés du livre russe. En défi¬ nitive, ce sont les Conférences qui doivent être considérées comme la source principale. Or, cet écrit — relativement court uploads/Philosophie/ kojeve-on-solovyov-i.pdf

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