Partie I Partie II Partie III Partie IV L'égoïsme en philosophie - I/IV Par Rud

Partie I Partie II Partie III Partie IV L'égoïsme en philosophie - I/IV Par Rudolf Steiner Si l'être humain n'était qu'une simple création de la nature et non en même temps créateur, il ne s'interrogerait pas devant les phénomènes du monde, et ne chercherait pas non plus à en pénétrer la nature et les lois. Il satisferait ses besoins instinctifs pour se nourrir et se reproduire, conformément aux lois inhérentes à son organisme et laisserait au demeurant les événements du monde se dérouler de la manière dont précisément ils se produisent. Il n'aurait pas l'idée de s'interroger sur la nature. Satisfait et heureux, il cheminerait dans la vie comme la rose, au sujet de laquelle Angelus Silesius dit : "La rose ne s'enquiert pas du pourquoi, elle fleurit parce qu'elle le fait, elle ne tient pas compte de ce qu'elle est, elle ne demande pas si quelqu'un la voit." La rose peut être ainsi. Ce qu'elle est, elle l'est parce que la nature l'a prédestinée à cela. L'être humain ne peut pas être comme cela. Une pulsion vit en lui qui le pousse à ajouter au monde existant un autre monde qui jaillit de son être. Il ne veut pas se contenter de vivre, au sein de la coexistence fortuite avec ses prochains, dans laquelle la nature l'a placé : il cherche à régler la vie commune avec les autres selon des principes issus de son penser rationnel. La forme, dans laquelle la nature a configuré l'homme et la femme, ne lui suffit pas ; il crée les figures idéales de la sculpture grecque. Au cours naturel des événements de la vie quotidienne, il ajoute ce qui émane de son imagination dans la tragédie et la comédie. En architecture et en musique, des créations jaillissent de son esprit qui rappellent à peine quelque création de la nature. Dans ses sciences, il ébauche des formes conceptuelles, par lesquelles le chaos des phénomènes du monde, qui s'offre quotidiennement à la perception de nos sens, apparaît comme un tout harmonieusement régulé, comme un organisme organisé en soi. Dans le monde des ses propres actions, il crée un domaine particulier, celui de l'événement historique, qui est d'une nature fondamentalement autre que celle du déroulement des faits naturels. Que tout ce qu'il crée, ne soit qu'une continuation de l'action de nature, c'est ce que l'être humain ressent. Qu'il soit appelé à adjoindre un élément supérieur à ce que la Nature est capable de produire d'elle- même, il le sait aussi. Il en est donc conscient, il doit engendrer une nature plus élevée et l'ajouter à la nature extérieure. L'être humain se trouve ainsi placé entre deux mondes : celui qui, de l'extérieur pénètre en lui, et celui qu'il fait naître de lui-même. Il s'applique à mettre ces deux mondes en accord. Car sa nature entière porte son attention sur l'harmonie. Il voudrait vivre comme la rose, qui ne s'interroge pas sur le pourquoi et le parce que, mais fleurit, parce qu'elle fleurit. Schiller exige cela de l'être humain par ces mots : "Recherches-tu le plus élevé, le plus grand ? La plante peut te l'enseigner. Ce qu'elle est sans le vouloir, sois le volontairement - c'est cela !" La plante peut l'être. Car aucun nouveau monde ne tire son origine d'elle, et cette aspiration inquiète ne peut donc pas non plus surgir en elle : comment apporterai-je l'harmonie dans ces deux mondes ? Mettre en accord ce qui repose en lui-même, avec ce que la Nature génère d'elle, tel est l'objectif que l'être humain veut atteindre au travers de toutes les époques de l'histoire. Le fait qu'il soit productif, devient le point de départ d'une confrontation avec la Nature, qui constitue le contenu de son effort spirituel. Il existe deux voies pour aborder cette confrontation. Soit l'être humain laisse la nature extérieure devenir son maître intérieur ; soit il la soumet à lui. Dans le premier cas, il cherche à subordonner son propre vouloir et sa propre existence au cours extérieur des événements. Dans le second, il tire de lui- même le but et la direction de son vouloir et de son existence et cherche à venir à bout d'une manière ou d'une autre des événements de la nature qui suivent pourtant leur propre cours. Je voudrais d'abord parler du premier cas. Qu'au-delà du règne de la nature, l'être humain en vienne à créer un autre monde, plus élevé selon sa propre acception, c'est bien conforme à son être. Il ne peut pas faire autrement. Quelles sensations et sentiments éprouve-t-il vis-à-vis de ce monde qui est le sien, cela dépend de la manière dont il se situe par rapport au monde extérieur. Il peut à présent avoir les mêmes sensations vis-à-vis de son propre domaine que celles qu'il a vis-à-vis des faits de la nature. Alors il laisse les créations de son esprit s'approcher de lui, comme il laisse s'approcher de lui un événement du monde extérieur, par exemple, le vent et le temps qu'il fait. Il ne perçoit aucune sorte de différence entre ce qui se passe dans le monde extérieur et ce qui se passe dans sa propre âme. C'est la raison pour laquelle il est d'avis que celle-ci n'est qu'un univers, dominé par des genres de lois. Il ressent seulement le fait que les créations de l'esprit sont d'un genre plus élevé. C'est pourquoi il se place au-dessus des créations de la simple nature. Il transpose donc ses propres créations dans le monde extérieur et les laisse dominer la nature. Il ne connaît donc que le monde extérieur. Car il transporte vers l'extérieur son propre monde intérieur. Il ne faut pas s'étonner que son propre soi devienne, pour lui aussi, un élément subalterne de ce monde extérieur. Le premier type d'explication de l'être humain avec le monde extérieur consiste donc dans le fait qu'il considère son intériorité comme une extériorité et établit cette intériorité, après l'avoir transposée à l'extérieur, dans la situation de gouvernant et de législateur de la nature et de lui-même. Je viens de caractériser ici le point de vue de l'être humain religieux. L'ordonnance universelle divine, c'est une création de l'esprit humain. L'être humain n'est simplement plus au clair sur le fait que le contenu de cette ordonnance universelle a pris sa source dans son propre esprit. Par conséquent il le déplace vers l'extérieur et se soumet à ce qu'il a lui-même produit. L'être humain agissant ne peut pas se tranquilliser en laissant simplement prévaloir ses actes. La fleur fleurit, parce qu'elle fleurit. Elle ne s'interroge pas au sujet du pourquoi et du parce que. L'être humain, lui, prend position sur sa manière d'agir. Un sentiment s'y rattache. Il est soit satisfait, soit insatisfait de l'une ou l'autre de ses actions. Il différencie sa manière d'agir selon sa valeur. Il considère l'un de ses agissements comme lui plaisant, un autre comme lui déplaisant. Dans l'instant où il ressent de cette façon, l'harmonie du monde est détruite pour lui. Il est d'avis que l'agissement qui plaît doit aussi entraîner d'autres conséquences que l'agissement qui suscite son mécontentement. S'il n'est pas au clair, à présent, d'avoir lui-même adjoint un jugement de valeur à ses actions, il croit que cette évaluation est attachée à ses actions par une puissance extérieure. Il a l'idée qu'un pouvoir extérieur de ce genre différencie les événements de ce monde entre ceux qui plaisent et qui sont donc bons et ceux qui déplaisent et sont donc mauvais. Un être humain qui ressent les choses de cette manière, ne fait aucune distinction entre les faits de la nature et les actions des hommes. Il juge des deux à partir du même point de vue. Pour lui, la totalité du monde est un domaine, et les lois qui régissent ce domaine, correspondent parfaitement à celles que l'esprit humain engendre à partir de lui- même. Dans cette sorte de démêlé de l'être humain avec le monde, un trait originel de la nature humaine paraît au grand jour. Il se peut que l'être humain ne soit pas encore bien au clair sur la relation qu'il entretient avec le monde, c'est en lui pourtant qu'il recherche l'échelle de valeur avec laquelle il peut estimer les choses. À partir d'une sorte d'obscur sentiment de souveraineté, il décide de la valeur absolue de tout événement. On peut chercher comme on veut : les hommes qui se croient gouvernés par des dieux, il en existe sans nombre ; mais de ceux pour qui tout jugement sur la tête des dieux, quant à savoir ce qui peut plaire ou déplaire à ses dieux, n'a pas objectivement lieu d'être, il n'en existe pas. L'homme religieux n'est pas capable de s'ériger en maître du monde ; mais il détermine bien les penchants de l'empereur du monde de son propre chef. Il suffit d'observer les natures religieuses et on trouvera mes affirmations confirmées. Où n'y a-t-il pas eu de tout temps des messagers des dieux qui n'ont pas d'emblée et très exactement arrêté ce qui plaisait à ses dieux uploads/Philosophie/ l-x27-egoisme-en-philosophie-par-rudolf-steiner-traduit-de-l-x27-allemand-par-daniel-kmiecik-presente-par-felix-hau.pdf

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