réalités pédiatriques # 160_Mai 2011 Mises au point interactives 1 L’enfant pré
réalités pédiatriques # 160_Mai 2011 Mises au point interactives 1 L’enfant précoce : mode ou réalité ? Au-delà du phénomène de mode, c’est toute la question de la place de l’enfant à besoins spécifiques qui transparaît dans l’inquiétude familiale. Et ce d’autant plus que la définition de la précocité ne fait pas l’unanimité. [ Des enfants indéfinissables ? Il existe plusieurs appellations pour désigner les enfants précoces. Le mot gifted a été adopté aux Etats-Unis dans les années 1920 et il reste d’un usage répandu dans le monde anglo-saxon. Il a été traduit en français par “surdoué” dans les années 1970. Ce mot désigne un enfant dont l’efficience intellec- tuelle évaluée par des tests est supé- rieure à celle obtenue par la majorité des enfants de son âge. Certains l’ont jugé gênant parce qu’il ferait état d’une supériorité (un don) et qu’il produirait une confusion avec les enfants prodi- ges. Ils ont préféré mettre en avant la précocité intellectuelle, d’où le sigle EIP pour enfant intellectuellement précoce. Nous avons toujours critiqué cette appellation. En effet, rien ne garantit que, à l’instar de l’avance staturale, les autres enfants le rattraperont un jour, ni qu’à l’âge adulte, ces individus con- serveront des capacités supérieures à la normale. D’autres ont alors proposé de parler d’enfant à “Haut Potentiel” (HP). Les Québécois ont cherché à éviter toute connotation en inventant un néologisme : “douance”. En pra- tique, on peut dire aussi bien doué, surdoué, précoce ou à haut potentiel [1]. [ L’enfant HP en délicatesse avec l’école, le paradoxe de la précocité… Beaucoup d’enfants HP sont de bons élèves, voire brillants. Mais pas tous, et le rapport particulier et passionnel que l’enfant doué entretient avec l’école est un paradoxe à l’origine de nombreux malentendus. L’échec scolaire tel qu’il est défini par l’Education Nationale (“sortie du sys- tème scolaire sans diplôme ni quali- fication”) reste rare dans les cohortes d’enfants HP , et certainement en dessous du chiffre retenu en population générale (150 000 enfants, soit 21 % des classes d’âge). Les difficultés sont, en revanche, fréquentes, avec un tiers d’enfants à Haut Potentiel qui n’atteindront pas le lycée. On retrouve plusieurs causes, souvent intriquées. Certaines sont spécifiques parce qu’elles proviennent des carac- téristiques cognitives des enfants HP ; d’autres sont liées à des réponses inadap- tées de l’entourage. Surtout lorsque l’avance intellectuelle a été longtemps masquée par des comorbidités, elles- mêmes passées inaperçues car compen- sées par le Haut Potentiel. Enfin, des troubles psychoaffectifs peuvent inter- venir seuls ou venir perturber d’autres causes qui les ont précédés. 1. Des stratégies d’apprentissage particulières Les causes liées aux spécificités du pro- fil cognitif des enfants HP sont mainte- nant bien connues. De solides travaux confirment l’augmentation du sommeil L a précocité se définit comme une avance intellectuelle, illus- trée par un Quotient Intellectuel (QI) supérieur à 130. Surmédiatisée, elle intrigue, fascine et participe à l’in- flation des demandes de consultations en psychiatrie de l’enfant. Avec une question récurrente : “Les difficultés scolaires ou relationnelles de mon enfant sont-elles dues à une éventuelle précocité ?”. Le concept de précocité est aujourd’hui encore remis en cause par certains professionnels de l’enfance. Pourtant, l’observation clinique confirme l’existence de particularités, cognitives et affectives, qui donnent à l’enfant pré- coce un profil spécial, qui peut large- ment influer sur le développement de sa personnalité. ➞ O. REVOL Service de Psychiatrie de l’Enfant, Hôpital Neurologique, LYON. réalités pédiatriques # 160_Mai 2011 Mises au point interactives 2 Certains enfants à Haut Potentiel arrivent cependant à composer avec ces particularités cognitives, en particulier lorsqu’ils trouvent dans leur enseignant la bienveillance et l’empathie indispen- sables à leur motivation. A l’inverse, le sentiment d’incompréhension, voire l’antipathie, risquent de brouiller plus encore le rapport aux apprentissages. 2. Les causes liées à l’environnement Elles proviennent d’attitudes qui ne tiennent pas compte des besoins spéci- fiques de ces enfants, ou de la tentation des jeunes surdoués de se conformer aux attentes pédagogiques globales [4]. Certaines réactions des ensei- gnants découragent ou contrecarrent l’investissement scolaire de ces enfants : refus d’interroger un enfant qui a réponse à tout, stigmatisation des points faibles comme l’écriture par exemple. L’enfant précoce peut perdre intérêt pour toute forme d’apprentissage. Il peut aussi se rebeller ou, à l’inverse, se forcer à sa- tisfaire les exigences de l’enseignant par du conformisme. Cela peut aller jusqu’à une suradaptation, ce que Terrassier avait appelé un “effet Pygmalion néga- tif”. L’enfant HP se contente de satisfaire la demande en mettant à l’écart ses com- pétences et ses talents. Cette attitude peut se généraliser et enva- hir toutes les relations sociales. Cela peut aussi conduire à un conflit ouvert avec ver la réponse. Ce fonctionnement reste acceptable tant qu’il reste dans le pri- maire. Mais dès le secondaire l’enfant HP peut être pénalisé lorsqu’on lui demande d’expliquer comment il procède. La difficulté ou le refus à expliquer agace et provoque une dépréciation du tra- vail scolaire de la part des enseignants. Survient alors une épreuve de force qui aggrave la situation et peut conduire à l’échec scolaire. L’élève du secondaire peut finir par manquer de temps d’autant qu’une lenteur de l’écriture persiste. Il s’enclenche un cercle vicieux si l’enfant perd toute motivation à étudier. l L’opposition L’opposition apparaît volontiers dès qu’il est question de tâches répétitives comme recopier, apprendre par cœur. Le point d’achoppement surgit lorsqu’il est question d’apprendre des règles ou, de façon plus générale, lorsqu’une tâche laisse une impression d’inutilité par l’absence de créativité. En outre, la fréquence des difficultés graphomotrices conduit à éviter l’écrit et à une mauvaise orthographe qui pénalise l’enfant dans toutes les matières. En résumé, on peut opposer de façon schématique un enfant au développe- ment intellectuel moyen que nous quali- fions d’“enfant scolaire” et un enfant à Haut Potentiel (tableau I). paradoxal [2], la suractivation du cortex préfrontal lors des tâches saturées en facteur g, ainsi qu’une meilleure trans- mission inter-hémisphérique [3]. D’une façon générale, les enfants HP préfèrent un traitement global et simul- tané de l’information. Il en résulte une très grande rapidité de la pensée qui ne manque pas de surprendre un entourage non averti. L’enfant à Haut Potentiel fait intervenir des réseaux neuronaux plus étendus et active des zones corticales supplémentaires (pensée en “arbo- rescence”). Il a volontiers recours à sa mémoire épisodique, ce qui le conduit à faire des analogies avec d’autres situ- ations déjà connues. Tout cela finit par donner à ses réponses un aspect intui- tif qui fascine, mais aussi désarçonne son interlocuteur, et surtout ouvre la voie vers des difficultés scolaires bien connues : ennui, absence de méthode d’apprentissage, évitement de l’effort et rejet des tâches routinières et opposition. l L’ennui L’enfant HP peut ressentir de l’ennui dès la maternelle lorsque l’enseignement lui paraît inadapté. Il comprend avant les autres, décroche vite, ce qui peut susciter un manque d’intérêt ou même conduire à une sorte de phobie scolaire. Ce désintérêt peut finir par induire des troubles de l’attention, de l’instabilité psychomotrice et des troubles anxieux. Le propre de ces manifestations est de disparaître dès que l’enfant rentre chez lui, ou lorsque l’enseignement satisfait son profil cognitif particulier. l L’absence de méthode L’absence de méthode est la conséquence d’une capacité à comprendre très vite, à fournir des réponses exactes sans tra- vail de réflexion. Le surdoué peut faire l’économie de l’apprentissage d’une méthode parce qu’il n’a pas besoin de faire une analyse séquentielle pour trou- Enfant scolaire l Aime apprendre l Mémorise bien l Apprécie la clarté l Connaît la réponse l Est intéressé l Est réceptif l Copie volontiers l A de bonnes idées l Aime l’école Enfant HP l Veut savoir l Devine vite l Complexifie l Pose les questions l Est très curieux l Est impliqué l Préfère créer l A des idées riches l Subit l’école Tableau I. réalités pédiatriques # 160_Mai 2011 3 laquelle il pense avoir été créé. Une sen- tinelle. Equipée d’une intuition quasi magique, innée, qui le prévient avant tout le monde des dangers, et l’oblige à intervenir sans cesse pour en éviter les conséquences. Il arrive que cette anxiété prenne la forme de Troubles Obsessionnels et Compulsifs (TOC), ultime tentative de contrôle d’une vie psychique trop bouil- lonnante. Il est clair que ces pensées anxieuses sont d’autant plus fréquentes que l’enfant s’ennuie à l’école. La fréquence de ces troubles incite à faire pratiquer un test psychométrique chez un enfant intelligent mais inquiet, à le questionner sur l’existence de soucis ou de gestes qui lui paraissent stupides. On parle de “cascade affective” lorsque l’empathie et l’intuition s’entremêlent, et deviennent toutes deux sources d’anxiété (tableau II). En fin de course, l’enfant HP peut ressentir une grande lassitude, un véritable désenchantement (“A quoi bon grandir, travailler, se marier…?”), qui confine au spleen, décrit dans la lit- térature du XIXe siècle, mais aussi dans certains romans récents. Nous avons pro- posé le terme d’“aquaboniste” pour ces enfants qui semblent épuisés par leurs craintes, effrayés par leurs intuitions et démotivés par leur avenir. “Je m’appelle Paloma, j’ai douze ans, j’habite au 7 uploads/Philosophie/ l-x27-enfant-precoce-mode-ou-realite 1 .pdf
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- Publié le Nov 15, 2021
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