L'éthique au quotidien manageris ©2009 – n° 181a 1 D ’après une étude menée e
L'éthique au quotidien manageris ©2009 – n° 181a 1 D ’après une étude menée en 2006 par Zogby Internatio- nal auprès de 8 000 adultes aux États-Unis, 97 % des personnes interrogées se considéraient dignes de confiance. Mais 75 % seulement consi- déraient que leur entourage était digne de confiance ! Un signe que nous som- mes plus exigeants vis-à-vis des autres que de nous-mêmes ? Pas seulement. Si la majorité des individus s’efforcent glo- balement de "bien faire", il est très diffi- cile de résister à la tentation des petites compromissions du quotidien, appa- remment anodines mais qui créent une brèche de confiance chez les autres. De fait, il ne suffit pas d’adhérer sincèrement à certaines valeurs pour réussir à s’y conformer en permanence. Le quotidien d’un manager, en particulier, est truffé de dilemmes qui mettent à mal ses certitudes. La volonté de transparence tient-elle lorsque communiquer la vérité risque de miner inutilement le moral des équipes ? Être pleinement à l’écoute est-il toujours possible face aux exigences de performance ? Un petit mensonge n’est-il pas parfois la meilleure façon d’avancer rapidement ? Etc. Pour garder le cap que l’on souhaite tenir face à ces contraintes, les publica- tions sélectionnées recommandent une grande discipline dans ses méthodes de décision : Imposez-vous de réfléchir aux • questions éthiques avec précision et lucidité. Clarifiez votre code de valeurs • personnel, et affinez-le avec l’ex- périence. Ne décidez pas trop vite : validez • systématiquement vos décisions en fonction d’un filtre éthique. L’éthique au quotidien Développer sa lucidité pour résoudre les dilemmes éthiques du quotidien Cette synthèse s’appuie en particulier sur les publications citées ci-dessous et présentées en dernière page. Temptations in the Office Stephen M. Goldman, éd. Praeger, 2008, 210 pages. Ethics (for the Real World) Ronald A. Howard, Clinton D. Korver, avec Bill Birchard, éd. Harvard Business School Press, 2008, 212 pages. Des tentations 1 omniprésentes Développer sa 2 lucidité Clarifier sa 3 hiérarchie de valeurs Une démarche 4 systématique Didier Avril, série Storytelling Dans cette synthèse… Nos sources synthèse L'éthique au quotidien manageris ©2009 – n° 181a 2 Des tentations 1 omniprésentes À de rares exceptions près, la plupart d’entre nous aspirent à se comporter conformément à certaines valeurs. Il est bien plus gratifiant de se sentir "quelqu’un de bien" que de se voir enfreindre des principes auxquels on croit. Il est très diyfficile de suivre en permanence les règles éthiques que l’on souhaite appliquer. Et pourtant, au quotidien, nous som- mes tous enclins à de petites compromis- sions. Cela peut être pour des situations anodines. Par exemple, qui n’a jamais in- voqué une fausse excuse pour un retard ou un rendez-vous manqué ? Ou alors, au contraire, face à des situations complexes. Ainsi, quel dirigeant ne s’est jamais trouvé en situation de devoir licencier un colla- borateur en situation personnelle difficile, afin de préserver la performance d’une équipe ? De tels dilemmes éthiques sont fréquents dans le contexte de l’entreprise, qui implique de prendre en compte des intérêts parfois contradictoires. Ces petites dérogations à nos valeurs suscitent généralement un sentiment de malaise. Et pour cause. Même mar- ginales, elles peuvent mettre en œuvre un processus déstabilisant, voire dange- reux (figure A) : Se voiler la face Très souvent, les petites compro- missions ne sont pas conscientes. Une étude sur le mensonge menée par l’un des auteurs de Ethics for the Real World illustre ce phénomène : les étudiants interrogés ont reconnu mentir en moyenne 2 fois par jour ; mais aucun ne considérait que ces mensonges étaient sérieux. De fait, nous pensons simple- ment "exagérer" alors que nous som- mes en train de mentir, "être créatifs" quand nous enfreignons les règles, "être francs" quand nous sommes brutaux, etc. Nous considérons aussi facilement que c’est le contexte qui nous impose certains comportements. Beaucoup de personnes se forgent ainsi l’image d’un "moi professionnel", auquel elles ap- pliquent d’autres d’exigences qu’à leur "véritable moi". Des comportements qui les mettraient mal à l’aise à titre privé leur paraissent alors normaux en contexte professionnel. Ainsi, que ce soit par facilité, par manque de temps, ou encore pour ne pas avoir à affronter la vérité, nous avons tendance à nous dissimuler nos entorses à nos valeurs. Le danger est alors d’entrer dans un en- grenage qui pousse à accroître progres- sivement la gravité de ces infractions à l’éthique, sans pour autant en prendre conscience. Rationaliser Même lorsque nous prenons conscience de ces compromissions, nous avons tendance à leur trouver de bonnes raisons (figure B). Par exemple, nous nous rassurons en nous disant que nous choisissons "la moins mau- vaise des deux solutions possibles", oubliant qu’il n’en reste pas moins que la solution retenue est mauvaise. Ou encore, lorsque nous ne pouvons pas tenir une promesse, nous nous disons que le temps a effacé l’obligation, que le contexte a changé et que la promesse n’est plus pertinente… Si ce phénomène de rationalisation est utile – c’est un mécanisme instinc- tif qui évite de nous rendre la vie into- lérable lorsque des décisions difficiles Figure A Un cercle vicieux Les petites infractions à l’éthique ont tendance à ouvrir la voie à des compromissions plus graves. Des regrets, conduisant à trouver une justification à ses actions Ex : Le dirigeant se dit que l’offre qui lui a été faite est à un prix de marché, et qu’il s’agit d’une solution « gagnant- gagnant » Une réaction réflexe souvent inconsciente Ex : Un dirigeant qui cherche depuis des mois un peintre pour sa maison choisit pour des travaux pour l’entreprise le fournisseur qui peut aussi lui rendre ce service La mise en place d’un nouveau référentiel de valeurs intégrant cette expérience Ex : Ce dirigeant aura tendance à l’avenir à privilégier les solutions qui, sans léser l’entreprise, lui apportent un bénéfice personnel L'éthique au quotidien manageris ©2009 – n° 181a 3 doivent être prises – il peut néanmoins conduire à des dérives. Ainsi, dans l’étude citée précédemment, 62 % des étudiants ayant menti pensaient que leur mensonge était justifié, contre seu- lement 8 % des destinataires du men- songe. De même, 32 % disaient avoir menti pour protéger le destinataire… une perception partagée par seulement 4 % de ces derniers ! Recommencer Accepter une infraction à ses principes ouvre la voie à des compromissions plus graves. On observe en effet une "désensibilisation" lorsqu’on pratique régulièrement des entorses à ses valeurs. Ainsi, des dirigeants ayant dû licencier en masse racontent qu’ils étaient souvent très mal à l’aise les premières fois, étant conscients des difficultés que cela allait occasionner pour les personnes concernées. Ils s’efforçaient d’être à l’écoute, de trouver des solutions palliatives… sans toujours y parvenir. Puis, à force de mener de tels entretiens, ils sont devenus plus impatients, voire surpris du manque de compréhension des personnes concernées : "ils voient bien que l’entreprise va mal et qu’on ne peut pas faire autrement !". Ils ont constaté qu’en n’écoutant pas, il leur était – à court terme – moins inconfortable de ne pas pouvoir répondre aux attentes. Leur capacité d’écoute s’est ainsi progressivement émoussée alors même qu’ils attachaient une réelle importance au fait de faire preuve d’empathie. Ce qu’un dirigeant résume par : "J’étais devenu une machine à licencier". Personne n’est à l’abri d’une telle escalade, comme l’a montré Philip Zimbardo, professeur de psychologie à l’Université de Stanford. Ses recherches ont mis en évidence que "tout être humain est susceptible de se trouver engagé dans un processus qui le conduit à priver d’autres êtres humains de leur dignité, de leur humanité ou de leur vie". Il a, par exemple, mis des figurants en situation de gardes et de prisonniers dans une prison fictive. De façon terrifiante, en moins de 6 jours, les gardes sont devenus abusifs, faisant subir aux prisonniers brimades et violences. En créant un contexte propice – une dépersonnalisation des rôles par le port d’uniformes, une garantie d’anonymat – le psychologue n’a fait qu’accélérer un processus naturel : chacun peut se trouver entraîné progressivement à faire des entorses de plus en plus graves à ses valeurs, sans même nécessairement s’en rendre compte. De fait, on constate que l’éthique n’est pas qu’une question de convictions ! Les experts soulignent qu’elle doit se pratiquer quotidiennement pour deve- nir réalité. Et cela en travaillant selon trois principaux axes : développer sa lucidité ; • définir et actualiser son code de va- • leurs personnel ; passer toutes ses décisions par un pro- • cessus de validation systématique. Développer sa 2 lucidité Très souvent, les entorses à l’éthique se produisent parce qu’on ne perçoit pas clairement la situation. Se conformer à la loi ou aux règles explicites est loin d’être suffisant. Agresserez-vous physiquement un collègue qui vous rend la vie impossible si vous êtes sûr de ne pas être découvert ? Peut-on taire la connaissance d’un risque majeur de sécurité pour ses clients parce qu’en parler risquerait de coûter une fortune à son entreprise ? Dans de tels cas de figure, si la pensée peut traverser l’esprit, la question uploads/Philosophie/ l-x27-ethique-au-quotidien.pdf
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- Publié le Mar 10, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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