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Tous droits réservés © Protée, 2001 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 04/25/2022 7:33 p.m. Protée L’idole au regard de la philosophie des images Jean-Jacques Wunenburger Iconoclasmes : langue, arts, médias Volume 29, Number 3, 2001 URI: https://id.erudit.org/iderudit/030633ar DOI: https://doi.org/10.7202/030633ar See table of contents Publisher(s) Département des arts et lettres - Université du Québec à Chicoutimi ISSN 0300-3523 (print) 1708-2307 (digital) Explore this journal Cite this article Wunenburger, J.-J. (2001). L’idole au regard de la philosophie des images. Protée, 29(3), 7–16. https://doi.org/10.7202/030633ar Article abstract The Idol is a paradoxical image : it is the ultimate, selfsufficient image, but it also marks the death of the image, which lives only by a subtle dissimilarity within similarity. The occidental philosophy of image, be it Greek (as illustrated by Plato), Christian (as shown in incarnation), or modern (the aesthetics of the sublime), may have been a mere comment on this very paradox, ceaselessly working on a patient classification and hierarchy of images in order to salvage them from their idolatrous counterfeiting. 7 PROTÉE, HIVER 2001•2002 – page 7 L’IDOLE AU REGARD DE LA PHILOSOPHIE DES IMAGES JEAN-JACQUES WUNENBURGER Toute image, mentale ou matérielle, est image de quelque chose et ne prend sens que par le jeu de ressemblance et dissemblance avec son référent. Creuser la différence dans l’image c’est risquer de la réduire à l’irréel, à la fiction, à la fantaisie, à l’insignifiant, mais surcharger à l’inverse la consistance de l’image c’est risquer de prendre la copie pour le modèle, de réifier la représentation, de télescoper le visible et l’invisible, le sensible et l’intelligible, le signifiant et le signifié, bref fabriquer une idole. L’idolâtrie constitue en ce sens une menace permanente de l’expérience spontanée, pré-réfléchie, des images matérielles, particulièrement attestée dans le registre religieux. La représentation imagée d’une divinité nous expose même à un paradoxe foncier, qui concentre à lui seul un grand nombre de problèmes de la représentation. En un sens, l’image religieuse constitue sans doute le prototype de l’image en général parce que l’image en général ne naît que de l’absence de ce qu’elle représente. Car l’imagination est bien production d’une représentation in absentia1. Tant que nous sommes en présence du réel, nous sommes des êtres percevants, pour lesquels l’imagination ne pourrait que devenir perturbatrice. Car toute image est image de quelque chose qu’elle remplace, parce que précisément elle ne se montre pas elle-même2. Or rien plus qu’un Dieu n’appelle l’image puisqu’il est en son principe même en retrait du visible et du sensible. Mais, inversement, nulle image n’exige davantage de croyance en sa propre consistance et réalité que l’image religieuse et l’image divine; d’abord parce que le sujet imaginant ne fait jamais l’expérience de son référent, ensuite parce que le référent en question renvoie lui-même le sujet au principe même de toute réalité, qui ne peut donc qu’irradier de sa vie propre son image3. L’image d’une divinité nous fait entrer dans le champ du sacré et induit un désir d’actualisation, de présentification, qui conduit à en faire une manifestation de l’invisible dans le visible. Ce paradoxe initial de l’image et de son référent entraîne que l’imagerie du divin risque précisément d’osciller entre une fiction pure, puisque le référent est inexistant pour l’expérience sensible, et un fétichisme, qui confond précisément en valeur l’être et son signe. L’image a fait l’objet de descriptions, de classifications, de méthodologies, de normalisations esthétiques et même éthiques depuis l’antiquité grecque, dont 8 l’héritage s’est mêlé à la foisonnante théologie de l’image propre au christianisme. Parallèlement, l’idolâtrie a été identifiée, spectrographiée, reconnue dans sa réalité complexe, dénoncée dans sa force insidieuse, à partir de positions métaphysiques, esthétiques, phénoménologiques, herméneutiques. Si plus d’une fois ce travail de pensée a conduit à l’extrême de l’iconoclasme, du fait d’une méfiance invétérée, il a permis aussi de sauver l’image du procès d’idolâtrie. Il s’agit donc ici moins de reprendre la question de la genèse de l’idolâtrie, ou de faire le bilan de ses méfaits, que d’établir combien la réflexion philosophique sur les images-idoles a précisément permis, tout au long de l’histoire, de discriminer entre mauvaise et bonne image, d’isoler l’image de son simulacre et même de libérer l’esprit de la séduction des images réifiantes et sidérantes sans pour autant priver la vie mentale de la pleine jouissance des images. 1. LE JEU DE LA MIMESIS Historiquement, la question du statut ontologique de l’image s’enracine dans la tradition platonicienne grecque, qui l’a approché du point de vue de la génération de l’image, de la mise en image. L’image ne peut se comprendre que parce qu’elle a été faite à l’image d’un être qui tient lieu de modèle à reproduire. Il en a résulté une problématique canonique, dont bien des arguments perdurent, mais qui n’a pas toujours la simplicité et l’univocité qu’on lui prête. La pensée platonicienne a permis de distinguer les genres canoniques de l’icône et de l’idole, de rendre compte des méfaits de l’idolâtrie, tout en rendant possible une stratégie de libération et de désillusion, au profit de l’image homologique, apte à une fonction anagogique vers le vrai. Certes pour Platon, le statut ontologique de l’image est généralement considéré comme négatif dans la mesure où l’image non seulement est seconde, inférieure à la réalité en soi et n’existe donc que par autre chose qu’elle-même, mais encore porte en elle la possibilité de contrefaire la reproduction apparemment ressemblante de la réalité en soi. En effet, pour Platon, l’image est définie comme ce qui vient mettre fin à la subsistance immuable d’une Forme essentielle (Eidos), qui est en soi et par soi; tout acte poïétique, d’un démiurge fabricateur du cosmos, ou d’un homme produisant un artefact technique ou artistique, consiste à arracher la Forme à sa singularité intelligible, connaissable par un pur acte d’intuition intellectuelle abstraite, pour la redupliquer dans une spatio-temporalité sensible. Créer de l’image (dans le mythos langagier ou dans les arts figuratifs), c’est projeter la Forme dans une configuration accessible aux sens. L’image résulte donc d’une pratique mimétique (mimesis) qui copie le modèle (paradeigma), le créateur ayant toujours les yeux fixés sur la forme génératrice. Ainsi le plan des images est toujours dérivé, subordonné, hétéronome, ce qui le rattache à un moindre-être qui doit toujours s’effacer au profit d’une intuition directe de l’être véritable. Ainsi, dans La République, Platon décrit l’action fabricatrice du menuisier comme une copie sensible d’un modèle (de lit, par exemple) unique et essentiel, le lit matériel n’étant qu’une image incomplète de la Forme en soi, «qui ressemble au lit réel mais sans l’être»4. La dépendance ontologique de l’image se voit spécifiée et aggravée par la distinction de deux formes de mimesis: l’une, nommée eikastique, engendre des représentations sensibles qui sont homologues à leurs modèles et constituent dès lors des icônes (eikona): ainsi le menuisier fabrique-t-il un lit conformément au plan-type de ce que doit être la forme d’un lit; l’autre, nommée fantastique (Le Sophiste, p.236c), fabrique d’autres images qui simulent la ressemblance apparente mais par une configuration physique dissemblante. Ainsi l’artiste sculpteur va déformer les proportions de sa statue pour qu’elles donnent l’illusion d’être vraies pour celui qui les voit de loin sur la place publique: ces artistes sacrifient donc «les proportions exactes pour y substituer, dans leurs figures, les proportions qui feront illusion» (Le Sophiste, p.236a). Ainsi naissent des images fantomatiques, véritables idoles (eidola), qui se font prendre pour des copies isomorphes du paradigme mais n’en sont pourtant pas la reproduction exacte. 9 Le but de la peinture n’est pas de même de «représenter ce qui est tel qu’il est» mais «ce qui paraît tel qu’il paraît» (La République, p.598b). Dès lors l’art semble être complice d’une production de simulacres, dont la valeur négative vient non pas de ce qu’ils nous représentent des formes inexistantes, mais de ce qu’ils nous trompent en nous faisant croire à une ressemblance morphologique en trompe-l’œil. L’image fantasmatique (fantasma) perd de sa valeur ontologique parce que son imitation nous fait croire qu’elle est à l’image fidèle de l’être générateur. Comme le fait remarquer E. Fink, Platon a tendance à penser la génération mimétique de l’image d’après l’expérience spéculaire, dans laquelle le reflet symétrique de la Forme existe phénoménalement sans avoir d’être en soi. Ce n’est pas par hasard que la critique platonicienne de la poésie se règle sur le modèle du miroir, sur l’image qui ne contient aucun élément ludique pour être copie au sens le plus fort. Et lorsqu’on fait du miroir une métaphore désillusionnante de l’art poétique, on affirme implicitement que le poète ne produit rien de réel, rien d’autonome; il ne fait que réfléchir comme un miroir, il reproduit sur le mode impuissant de la copie ce qui est déjà, en répétant simplement l’aspect superficiel uploads/Philosophie/ l-x27-idole-au-regard 1 .pdf
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- Publié le Fev 18, 2021
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