89 La dissertation de philosophie ■ 1 Qu’est-ce qu’une dissertation de philosop
89 La dissertation de philosophie ■ 1 Qu’est-ce qu’une dissertation de philosophie ? Il n’y a pas une méthode unique pour faire une dissertation de philosophie et celle que nous proposons ici en est une parmi d’autres. Toutefois, il y a, pour toute dissertation, trois exigences essentielles à retenir : 1 – Formuler un problème Il faut être capable de formuler un problème : ce sera le rôle de l’introduction, qui à partir de l’analyse du sujet devra établir une problématique. 2 – Construire et argumenter On doit s’efforcer de construire son propos et d’argumenter ses idées. Il est donc important d’établir un plan et surtout de justifier les éléments de réponse qu’on apporte au fur et à mesure du devoir. Les affirmations arbitraires n’ont aucune valeur si elles ne sont pas justifiées : vous devez convaincre votre lecteur. 3 – Répondre à une question Il s’agit de répondre à une question : La question posée par le sujet ne suppose pas une réponse attendue ou une réponse « vraie ». Vous ne devez pas écrire pour faire plaisir à votre correcteur. Mais il faudra pourtant répondre à cette question : vous devez donc inventer et innover plutôt que répéter un cours ou des fiches. En résumé Une dissertation de philosophie est réflexion argumentée. Le sujet de la dissertation est une question qui exige une réponse composée : - d’une introduction ; - d’un développement ; - d’une conclusion. ■ L’introduction est la première étape de la réflexion, dans laquelle la question du sujet doit être précisée et délimitée. ■ Le développement est le moment de l’argumentation proprement dite. Un argument n’est pas la même chose qu’une opinion. L’opinion n’engage que soi, alors qu’un argument doit convaincre le lecteur. L’argumentation est composée de plusieurs parties, généralement trois. ■ La conclusion doit poser clairement le résultat de notre réflexion, en rappelant brièvement comment il a été obtenu. Méthodologie MÉTHODOLOGIE | La dissertation de philosophie 90 Méthodologie MÉTHODOLOGIE | La dissertation de philosophie ■ 2 L’introduction : la méthode par l’exemple ■ Voici un exemple de construction du problème, articulée autour des étapes suivantes : Exemple 1. Tout le monde est-il artiste ? S’entendre sur le sens des mots importants du sujet, en les définissant soit d’entrée, soit dans le cours de sa réflexion. Par définition, un artiste s’adonne à l’une des activités qu’on classe parmi les beaux-arts, comme la sculpture, la musique ou la peinture. L’écrivain Stendhal parlait des « heureux élus » pour désigner les « heureux privilégiés » qui, dans l’histoire, avaient mérité ce nom d’artiste. Ils sont peu nombreux, en effet, ceux qui ont l’honneur d’être exposés dans les grands musées, comme si l’artiste était une « race » d’homme à part, faite d’une autre fibre que celle qui compose le commun des mortels. Montrer que la question du sujet a été comprise, en la précisant. C’est ce genre de conception que le sujet proposé nous demande d’évaluer, voire de remettre en question. N’a-t-on pas ici une vision bien trop élitiste de l’art, activité d’un petit nombre destinée à un petit nombre (les esthètes qui, seuls, comprendraient le sens de l’art) ? Poser une problématique qui annonce en même temps le plan de la dissertation, tel qu’il sera déployé dans le développement. Il nous faudra revenir en un premier temps sur la conception élitiste de l’art pour en comprendre les fondements. Puis nous tenterons d’évoquer une vision plus démocratique de cette activité, celle qu’on appelle parfois « art populaire », nom que revendiquent ceux qui se considèrent comme des « artistes des rues ». La jeune femme qui chante dans les couloirs du métro, le jeune qui dessine des « graff’ » sur les murs de certaines cités, le photographe « du dimanche », ne pourraient-ils pas, eux aussi, prétendre à ce titre si convoité d’artiste ? Pourquoi refuser à tous les hommes cette capacité créatrice qui caractérise pourtant l’humaine condition, puisque — dit-on — nous sommes tous sensibles à la beauté ? C’est ce que notre réflexion tentera de déterminer. Exemple 2. L’idée de vérité est-elle compatible avec celle de tolérance ? S’entendre sur le sens des mots importants du sujet, en les définissant soit d’entrée, soit dans le cours de sa réflexion. Au sens le plus général, la vérité est l’accord du discours avec son objet. Cela signifie que le « vrai » appartient à l’ordre du langage, par opposition à l’adjectif « réel » qui s’applique aux choses elles-mêmes. Ainsi, on dira que la vérité historique est l’accord du récit de l’historien avec la réalité du passé. Le mot « tolérance » possède, quant à lui, deux significations bien distinctes : il désigne soit l’assouplis- sement dans l’application de la loi, et ce sens-là est d’ordre juridique. Il peut désigner aussi l’ouverture d’esprit, la capacité à accepter les différences de l’autre, et il s’agit là d’un sens purement moral. Ainsi on peut être tolérant si on ne rejette pas d’emblée des personnes d’une autre culture que la sienne. 91 Méthodologie MÉTHODOLOGIE | La dissertation de philosophie Montrer que la question du sujet a été comprise, en la précisant. Lorsque l’on croit détenir la vérité peut-on admettre, peut- on tolérer qu’autrui ne puisse pas penser comme nous ? Pour répondre à cette question il est nécessaire de mentionner les trois grands domaines qui prétendent être détentrice d’une vérité sinon de la vérité. Poser une problématique qui annonce en même temps le plan de la dissertation, tel qu’il sera déployé dans le développement. La croyance religieuse est-elle compatible avec la tolérance ? La science n’est-elle pas intolérante vis-à-vis des discours non scientifiques ? La philosophie est-elle porteuse d’une forme d’intolérance ? ■ 3 L’élaboration du plan Lors de la rédaction du développement il ne faut pas se contenter d’écrire au fil de la plume, en suivant l’inspiration du moment, en notant les idées comme elles nous viennent à l’esprit. La dissertation ne doit ni donner l’impression de désordre ni livrer la pensée au hasard : il faut convaincre, et cela suppose une stratégie, autrement dit un plan. Une idée toute seule, qui suit un empilement d’autres idées isolées n’a pas de sens. En effet, elle ne prend de véritable valeur que si elle s’inscrit dans une progression dynamique où elle répond à une idée qui la précède avant d’en annoncer une autre. Il faut toutefois se méfier des plans tout faits, comme « préfabriqués », et en particulier le célèbre « thèse-antithèse-synthèse » qui se réduit le plus souvent, chez les élèves, en « oui-non-ça dépend », ce qui indique finalement une incapacité à répondre au problème posé, et débouche sur un résultat qui n’en est pas vraiment un. De manière plus générale, il faut éviter les plans préfabriqués, car ceux-ci imposent alors des étapes figées, des passages obligés ou des oppositions factices. En réalité, c’est la nature du problème posé par le sujet qui commande la nature du plan. Le plan doit correspondre à une progression dynamique élaborée à partir du sujet. En effet, il doit découler de l’analyse du sujet, et c’est pourquoi la construction du problème dans l’introduction est si importante. En résumé Il est essentiel de conserver à l’ensemble du développement son unité. Autrement dit, le plan doit correspondre aux différentes étapes d’un raisonnement unique, et il ne faudra absolument pas perdre de vue cette exigence. Tout ce qui s’en écarte doit être soit intégré, soit supprimé. De ce point de vue la démarche de la dissertation ressemble en bien des points à celle d’une démons- tration de géométrie avec ses hypothèses, sa conclusion à démontrer, ses théorèmes, et la rigueur de son raisonnement. Ce raisonnement doit en effet répondre au problème posé, et chacune de ses parties est en fait une partie de la réponse finale. Les « parties » sont donc des moments de ce raisonnement, des étapes solidaires, et non pas de simples éléments juxtaposés. 92 Méthodologie MÉTHODOLOGIE | La dissertation de philosophie ■ 4 Les transitions Le passage d’un raisonnement à une autre, d’une partie à l’autre du développement, ne peut se réduire à une simple juxtaposition d’idées. Il est nécessaire d’expliquer pourquoi la réflexion doit nécessairement se poursuivre par l’étape suivante de la progression du devoir. D’où l’impor- tance des transitions qui, en articulant entre eux les thèmes, rendent cohérente cette même progression. Les transitions peuvent se présenter sous forme de phrases affirmatives ou de questions qui font « rebondir » le problème, et montrent les difficultés ou les insuffisances que laisse apparaître la partie précédente. Les transitions constituent bien le squelette de la dissertation, car elles mettent en lumière les articulations de notre réflexion. Elles sont donc essentielles et contribuent à donner à celle-ci sa valeur rationnelle, c’est-à-dire argumentative. ■ 5 Le développement : la méthode par l’exemple Exemple 1. Tout le monde est-il artiste ? (Cet exemple entièrement rédigé de développement est le prolongement du travail d’introduction précédemment donné pour ce sujet) ■ Première partie du devoir : examen de la conception élitiste de l’art. L’artiste uploads/Philosophie/ la-dissertation-en-philosophie-hachette.pdf
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- Publié le Jui 11, 2022
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