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Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 2007 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 28 juin 2021 17:37 Philosophiques La génération spontanée et le problème de la reproduction des espèces avant et après Descartes Justin E. H. Smith Volume 34, numéro 2, automne 2007 URI : https://id.erudit.org/iderudit/016990ar DOI : https://doi.org/10.7202/016990ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Smith, J. E. H. (2007). La génération spontanée et le problème de la reproduction des espèces avant et après Descartes. Philosophiques, 34(2), 273–294. https://doi.org/10.7202/016990ar Résumé de l'article Dans cet article je mets en évidence quelques problèmes conceptuels importants posés par le prétendu phénomène de la génération spontanée, en montrant comment ils étaient liés historiquement à la question théorique des origines et de l’ontologie des espèces biologiques. Au XVIe et XVIIe siècle tout particulièrement, la possibilité que des formes organiques soient générées dans la matière inorganique supposait la possibilité que le hasard gouverne non seulement l’apparition d’une anguille ou d’une souris, mais qu’il gouverne l’apparition originelle de leurs espèces mêmes. En outre, dans la conception de la reproduction sexuelle que le mécanisme parvient à répandre, toute génération, des êtres humains aussi bien que des anguilles, menace de ne plus s’expliquer autrement que par ce que Descartes appelle « les causes mineures ». Ainsi, comme je tenterai de le prouver, les problèmes théoriques que la génération spontanée, telle que le début de la modernité la concevait, posaient à la compréhension de l’ontologie des espèces, n’étaient pas essentiellement différents de ceux soulevés par l’explication mécaniste de la reproduction sexuelle, et si nous n’accordons pas à ce fait l’attention nécessaire, nous perdons de vue, je pense, un facteur important dans le rejet ultime de la génération spontanée. PHILOSOPHIQUES 34/2 — Automne 2007, p. 273-294 La génération spontanée et le problème de la reproduction des espèces avant et après Descartes JUSTIN E. H. SMITH Université Concordia RÉSUMÉ. — Dans cet article je mets en évidence quelques problèmes concep- tuels importants posés par le prétendu phénomène de la génération spontanée, en montrant comment ils étaient liés historiquement à la question théorique des origines et de l’ontologie des espèces biologiques. Au XVIe et XVIIe siècle tout particulièrement, la possibilité que des formes organiques soient générées dans la matière inorganique supposait la possibilité que le hasard gouverne non seulement l’apparition d’une anguille ou d’une souris, mais qu’il gouverne l’ap- parition originelle de leurs espèces mêmes. En outre, dans la conception de la reproduction sexuelle que le mécanisme parvient à répandre, toute génération, des êtres humains aussi bien que des anguilles, menace de ne plus s’expliquer autrement que par ce que Descartes appelle « les causes mineures ». Ainsi, comme je tenterai de le prouver, les problèmes théoriques que la génération sponta- née, telle que le début de la modernité la concevait, posaient à la compréhen- sion de l’ontologie des espèces, n’étaient pas essentiellement différents de ceux soulevés par l’explication mécaniste de la reproduction sexuelle, et si nous n’accor- dons pas à ce fait l’attention nécessaire, nous perdons de vue, je pense, un fac- teur important dans le rejet ultime de la génération spontanée. ABSTRACT. —In this article I shall draw out some of the important conceptual problems posed by the purported phenomenon of spontaneous generation, showing how these problems were historically connected with the theoretical ques- tion of the origins and nature of biological species, and above all with the problem of their boundaries. In the 16th- and 17th- centuries in particular, the pos- sibility of organic forms arising from inorganic matter carried with it the possi- bility that chance governs not only the emergence of an individual eel or mouse, but indeed governs the original emergence of the mouse- and eel-kinds. Moreover, on the newly ascendant mechanist understanding of sexual reproduction, all gen- eration, whether of eels or of horses and men, now threatened to be exhaustively accounted for in terms of what Descartes called ‘minor causes’. Thus, I argue, the sort of problems that spontaneous generation was perceived to bring about for the early modern understanding of the ontology of species were not in prin- ciple any different from the problems posed by the mechanist account of sexual reproduction, and if we fail to note this, I show, we overlook an important factor in the eventual demise of spontaneous-generation theory. Introduction Dans cet article, je porte mon attention sur quelques-uns des importants pro- blèmes conceptuels posés par le prétendu phénomène de la génération sponta- née, en montrant comment ceux-ci sont liés à la question théorique des origines et de l’ontologie des espèces biologiques, et en premier lieu au problème de leurs frontières. Je défends l’idée importante que la distinction conceptuelle de l’histoire de la théorie de la génération ne s’est jamais trouvée entre les ani- maux sexuellement et spontanément générés, mais plutôt entre les animaux générés par la reproduction cyclique de la forme, d’un côté, et par ce que Descartes appelle les « causes mineures », d’un autre côté. Pour un hylomor- phiste tel qu’Aristote, toute reproduction est formelle, qu’elle soit sexuelle ou spontanée ; pour un mécaniste tel que Descartes, toute reproduction, y com- pris la reproduction sexuelle, est mécanique. Dans la première section, je fais un rapide survol du problème de l’on- tologie des espèces et de la génération spontanée chez Aristote, comme il a été traité dans la littérature secondaire depuis l’attribution bien connue, par David Hull, du fixisme des espèces [species fixism] au philosophe grec. Dans la deuxième section, je considère les candidats plus probables des origines de ce fixisme, à savoir les écrivains d’histoire naturelle du début de la période moderne qui étaient préoccupés par la classification des types morphologiques à l’intérieur des systèmes taxonomiques. Dans la troisième section, je discute de la manière dont la nouvelle ontologie émergente des espèces au XVIe siècle a accueilli la théorie très répandue de la génération spontanée qui est apparue durant le Moyen Âge et qui était largement aristotélicienne. Selon cette théorie, on ne refuse pas l’imposition d’une certaine forme par un agent, mais l’on consi- dère plutôt que ce sont les cieux qui jouent le rôle du principe formel. Cependant, cette théorie d’un flux astral générateur de forme a été largement remplacée, au XVIe siècle, par une théorie de la génération spontanée vue comme sous-produit de la putréfaction. Dans la quatrième section, je discute de l’arrière-plan sceptique et libertin de certains aspects de la génération spontanée débattus au début de la période moderne. Dans la cinquième sec- tion, les choses se corsent, dans la mesure où nous étudierons les considéra- tions par lesquelles une vision prépondérante de la génération sexuelle au début de la modernité, comme celle de Descartes, a réduit celle-ci à la génération spontanée par d’autres moyens, qui sont la création de nouveaux organismes par le biais de parties coagulées aussi bien que par l’imposition d’une forme par un agent. Dans cette optique, j’argumente que le statut ontologique des espèces est un problème particulier pour la théorie mécaniste générale — et particulièrement celle de Descartes — qui ne concerne pas seulement la génération spontanée, mais aussi la génération simpliciter. Le mécanisme omet entièrement toute explication permettant de comprendre comment et pourquoi le même engendre le même, bien que, contrairement à la biologie d’Aristote, tous les théoriciens du début de la modernité, mis à part les libertins, soient tous, au moins implicitement, des défenseurs du fixisme des espèces. Cet article s’appuie dans une large mesure sur le travail de Scott Atran concernant les fondations cognitives de la taxonomie biologique occidentale, tout en critiquant aussi sa position sur certains points1. Plus précisément, il 1. Scott Atran, Cognitive Foundations of Natural History : Toward an Anthropology of Science (Cambridge, Cambridge University Press, 1991). 274 . Philosophiques / Automne 2007 sera démontré qu’au cours de la période moderne des changements signifi- catifs dans le concept des espèces sont survenus pas seulement, ou premièrement, comme conséquence des nouvelles pratiques et exigences de classification, mais aussi comme résultat de courants philosophiques et théologiques qui n’étaient pas de prime abord préoccupés par les pratiques scientifiques naturelles. 1. La génération spontanée et l’ontologie des espèces chez Aristote Sur la base d’une fausse compréhension de la conception aristotélicienne des espèces, David Hull identifie un pseudo problème maintenant bien connu concernant la place des créatures générées spontanément au sein de la méta- physique aristotélicienne de la biologie. Son inquiétude se rapporte au fait que la génération spontanée constituerait une rupture dans la théorie fixiste des espèces d’Aristote. Il pose ainsi le problème : Aristote qualifie habituellement uploads/Philosophie/ la-generation-spontanee-et-le-probleme-de-la-reproduction-des-especes-avant-et-apres-descartes.pdf
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- Publié le Jui 19, 2022
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