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HAL Id: hal-01472733 https://hal-univ-paris3.archives-ouvertes.fr/hal-01472733 Submitted on 21 Feb 2017 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Trois notions à l’épreuve de la dimension morale du discours Sophie Moirand To cite this version: Sophie Moirand. Trois notions à l’épreuve de la dimension morale du discours. Pratiques : linguistique, littérature, didactique, Centre de recherche sur les médiations (Crem) - Univer- sité de Lorraine 2014, Questions de morale. Éducation, discours, texte, pp.DOI : 104000/Pra- tiques.2303. <http://praxematique.revues.org/2362, http://revues.org>. <10.4000/pratiques.2303>. <hal-01472733> Pratiques Linguistique, littérature, didactique 163-164 | 2014 Questions de morale. Éducation, discours, texte Trois notions à l’épreuve de la dimension morale du discours Three Notions Confronted with Moral Dimensions of Discourse Sophie Moirand Édition électronique URL : http://pratiques.revues.org/2303 DOI : 10.4000/pratiques.2303 ISSN : 2425-2042 Éditeur Centre de recherche sur les médiations (CREM) Édition imprimée Date de publication : 31 décembre 2014 Référence électronique Sophie Moirand, « Trois notions à l’épreuve de la dimension morale du discours », Pratiques [En ligne], 163-164 | 2014, mis en ligne le 31 décembre 2014, consulté le 02 octobre 2016. URL : http:// pratiques.revues.org/2303 ; DOI : 10.4000/pratiques.2303 Ce document a été généré automatiquement le 2 octobre 2016. © Tous droits réservés Trois notions à l’épreuve de la dimension morale du discours Three Notions Confronted with Moral Dimensions of Discourse Sophie Moirand 1 Je tenterai ici de discuter de la dimension morale de la responsabilité énonciative à travers trois catégories qui posent la question de « l’ajustement du discours au monde » (dans un sens quelque peu différent de M.-A. Paveau, 2012 : 205-232) et permettent ainsi de débattre des configurations discursives qui en rendent compte : • il s’agit en premier lieu de la référenciation, en tant que relation du discours au monde, et dans la mesure où intervient la part non linguistique des pratiques langagières où il est produit et interprété, pratiques « relevant des processus d’énonciation » mais aussi « d’activités cognitives non nécessairement verbalisées, pratiques du sujet ou interactions », dans lesquelles « les locuteurs négocient une version provisoire […] du monde » (Mondada & Dubois 1995 : 84) ; • or penser la référenciation dans son fonctionnement discursif et historique, c’est-à-dire à travers des catégories qui « ne sont ni évidentes ni données une fois pour toutes » (ibid. : 83), c’est l’aborder en termes de construction des objets de discours, ce qui, au-delà des opérations de désignation/nomination des objets du monde, donc des interactions des locuteurs avec leur environnement, pose, entre autres, la question de la généralisation, « phénomène à la jonction de l’énonciation et de l’argumentation » (Ali Bouacha, 1994 : 281) ; • cela relève alors pour une part de « la problématique du sujet » (ibid.), voire de la responsabilité énonciative (Moirand, 2006), pour une autre des relations entre les co- énonciateurs et leur rapport au monde, donc de l’activité de schématisation qui participe à l’orientation argumentative/pragmatique du discours, telle que l’a conceptualisée J.-B. Grize (1978, 1996, 1998, 2004, 2005 – voir également Miéville, 2010), avec ses notions associées d’ éclairage, d’image, de micro-univers et de représentation). 2 Les quelques exemples qui seront ici évoqués au fil du texte ont été saisis pour la plupart « au vol » de propos entendus dans l’environnement, à l’écoute de propos tenus par des Trois notions à l’épreuve de la dimension morale du discours Pratiques, 163-164 | 2014 1 locuteurs ordinaires et captés à leur insu, ou à l’écoute et à la lecture de l’actualité immédiate mise en forme dans les médias, y compris dans des commentaires enregistrés et/ou postés sur le web. Ce corpus au vol, complété parfois de propos extraits de corpus constitués antérieurement, me permet d’inscrire cette réflexion sur l’éthique langagière dans un travail récent qui traite plus largement des catégories de l’analyse du discours (Moirand, 2013, 2014 ; Moirand 2015a, 2015b, à paraître). 1. Référenciation, catégorisation et nomination 3 Si on pense la référenciation en termes de construction des objets de discours, on remet forcément en cause l’illusion encore très répandue que le langage décrit ou représente le monde tel qu’il est ou tel qu’on le perçoit. On s’interroge alors sur la façon dont le discours catégorise les objets du monde en les « nommant », catégorisations qui « sont plutôt le résultat de réifications pratiques et historiques de processus complexes, comprenant des discussions, des controverses, des désaccords… » (Mondada & Dubois, 1994 : 283). Or les jugements que l’on peut porter sur la dimension morale du discours, sur certaines désignations ou caractérisations qui surgissent dans l’espace social, et davantage encore dans la mise en discours de l’actualité par le monde politicomédiatique ainsi qu’à travers les tweets et les réseaux sociaux, sont justement induits par cette instabilité, cette légèreté de la parole sociale, en perpétuelle reconstruction. 4 Dans un texte écrit à deux voix en 2004 (Moirand & Porquier, 2011), nous avions abordé une première réflexion sur l’éthique langagière à travers l’usage des mots, l’acte de nommer en situation, et en particulier l’emploi du mot otage par des locuteurs divers agacés par des grèves ou autres choses du genre, mot qui perdait alors une partie du sens répertorié par les dictionnaires, alors qu’il le conservait bel et bien lorsqu’on désignait des journalistes pris en otages dans l’intention d’obtenir une rançon, ce que montrent les extraits suivants (archives de la presse en ligne, extraits cités, ibid. : 145-148), usage qu’un journaliste qualifiait d’ailleurs de « traquenard rhétorique » (2) : 1. « Otages en Irak. Margaret Hassan lance un appel désespéré aux Britanniques et à Tony Blair » « Les malades pris en otage » « Les députés UMP veulent établir un service garanti, pour ne pas prendre les salariés en otage » 2. « Ça me fait penser aux grèves dans les transports, où on entendait cent fois par jour “on est pris en otage”. Pas une seule interview sans une grosse femme colérique ou un homme pressé qui ne nous serine sa phrase toute faite, pas un discours politique sans un pro de la communication qui nous l’assène… » 5 Mais quelque dix ans plus tard, on entend moins les politiques, les médias et les usagers des transports publics dire « nous sommes pris en otage » : les faits survenus depuis (des otages ont été exécutés) ont-ils fini par provoquer un sursaut « moral », qui empêche de recourir à ce coup de force pragmatique qui consistait à employer le mot à d’autres fins1 ? 6 Cette interrogation sur l’éthique de la nomination rejoignait alors d’autres questions issues d’autres travaux et sur d’autres corpus : certains professionnels du langage (journalistes, enseignants et tout locuteur détenant une parole d’autorité, qui fait que les citoyens ordinaires se reposent sur leurs nominations/désignations, au sens où l’entend L. Kaufmann à travers la notion de déférence), ne devraient-ils pas s’interroger sur l’usage qu’ils font des mots ? L’acte de nommer relève-t-il seulement de leur responsabilité Trois notions à l’épreuve de la dimension morale du discours Pratiques, 163-164 | 2014 2 énonciative ? En tant qu’« énonciateurs dotés d’une parole autorisée », cela ne relève-t-il pas aussi de leur responsabilité sociale ? On sait que les mots sont faits pour circuler, avec toute « l’instabilité lexico-sémantique » (Paveau, 2013 : 31) que cela engendre, mais peut- on reprendre la désignation que l’on vient d’entendre ou de lire sans s’interroger sur les conséquences de ses actes de langage ? À moins qu’il ne s’agisse de l’acte délibéré d’un discours politicomédiatique préparé2… Par la suite, et à la suite de travaux portant sur des polémiques à propos des organismes génétiquement modifiés (OGM), du nucléaire ou du gaz de schiste, ainsi que sur la crise des banlieues de 2005, et plus largement, sur les violences urbaines (Moirand, 2007, 2009, 2014), j’en suis arrivée à la conclusion que, faute de pouvoir intervenir sur l’éthique de la nomination (la recherche du mot propre, c’est-à-dire approprié à ce qu’on sait, ce qu’on voit, ce qu’on sent et ce qu’on veut dire à l’autre), c’est une éthique de l’interprétation des catégorisations opérées par la référenciation qu’il faudrait « penser » dans une perspective de formation citoyenne à la compréhension critique des médias et des discours sociaux, quels qu’ils soient. 7 Or, comme c’est le dire du locuteur qui oriente au moins partiellement l’interprétation, c’est là qu’on en revient à l’énonciation, au choix du locuteur qu’il en soit ou non conscient, pas seulement dans celui des catégories nominales de la référenciation des objets de discours mais également dans celui des cotextes grammaticaux-syntaxiques (à travers des marques de comparaison, de quantification, de coordination, de négation, etc.) qui contribuent à uploads/Philosophie/ sophie-moirand-trois-notions-a-l-x27-epreuve-de-la-dimension-morale-du-discours-2014.pdf

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