La liberté dans Huis Clos de Jean-Paul Sartre Par Amel Khan C’est en 1945 que J
La liberté dans Huis Clos de Jean-Paul Sartre Par Amel Khan C’est en 1945 que Jean-Paul Sartre introduit l’expression « littérature engagée ». Dans son essai Qu’est-ce que la littérature? Sartre définit cette doctrine littéraire. Elle postule que l’écrivain participe intégralement au monde social et s’oblige donc à participer par le biais de ses œuvres aux débats de son temps. Pour l'écrivain engagé, écrire revient à poser un acte public dans lequel il engage toute sa responsabilité. Et selon Mario Vargas Llosa, « La chance de la littérature, c’est-à-dire d’être associée aux destins de la liberté dans le monde: elle reste une forme fondamentale de contestation et de critique de l’existence. » Ces citations peuvent- elles s’appliquer à Huis Clos de Jean-Paul Sartre? Certes, ces réclamations s’appliquent très bien à cette pièce de théâtre car au travers de celle-ci, Sartre critique la liberté de l’homme. Il y parvient en démontrant l’attitude de l’homme envers sa mauvaise foi, en critiquant ses choix quant à l’usage de sa liberté, et en traitant des épreuves des relations avec la liberté d’autrui. D’abord, Sartre critique la liberté de l’homme en démontrant son attitude envers sa mauvaise foi qu’il ne peut échapper. Dans le contexte Huis Clos, les personnages se retrouvent exposés en tout temps à leurs indécences. Ils cherchent donc à les éviter de diverses façons. Premièrement, les personnages de Huis Clos cherchent à éviter leur mauvaise foi en tentant de l’oublier, de la fuir. Ça se remarque dès le début de la pièce lorsque Garcin fait son apparition en enfer. Il tente de cacher sa nature lâche dans le mensonge. Malgré qu’il tente de prendre des airs audacieux, il se trahit. Il présente une indifférence jouée, une nervosité, des vains accès de colère et ses questions au garçon le révèle comme un homme incapable de se maîtriser. Ce lâche a voulu être un héro (« Je n’ai pas rêvé cet héroïsme, je l’ai choisi », p.89) et il se raconte des histoires pour s’échapper de la réalité. Il cherche constamment à se masquer la réalité. Bien qu’il prétend « regarder la situation en face » (p.17), il menace Inès lorsqu’elle la lui révèle: « la main levée Est-ce que vous vous tairez? (...) Prenez garde à ce que vous allez dire » (p.41). Estelle tente aussi de se cacher dans l’imaginaire pour fuir sa véritable nature. Elle prend le rôle de la victime en s’inventant un motif de sa condamnation: « Je n’ai rien à cacher. J’étais orpheline et pauvre, j’élevais mon frère cadet. Un vieil ami de mon père m’a demandé ma main. Il était riche et bon et j’ai accepté… » (p.39). Elle cherche ainsi à entraîner les autres également dans son monde imaginaire: « Qu’auriez-vous fait à ma place? (...) Peut-être qu’on pourrait (...) me reprocher d’avoir sacrifié ma jeunesse à un vieillard. Croyez-vous que ce soit une faute? » (p.40). La fuite dans l’indifférence est aussi tentée dans la pièce. Garcin propose que les trois personnages ne se parlent plus afin de ne plus donner la chance à chacun de poser son jugement sur les autres. C’est un échec car leur silence ne les empêche guère de penser, de se regarder et de se juger. « Ah! oublier. Quel enfantillage! Je vous sens jusque dans mes os. (...) Vous pouvez vous clouer la bouche, vous pouvez vous couper la langue, est-ce que vous vous empêchez d’exister? Arrêterez-vous votre pensée? Je l’entends, elle fait tic tac comme un réveil, et je sais que vous entendez la mienne. » (p. 48). Garcin et Estelle tentent également de s’oublier en tentant de former un couple. Estelle réconforte Garcin dans son héroïsme tandis que ce dernier, en échange, lui donne une confiance dans sa réalité imaginaire. Sous la forme d’une relation amoureuse, ils deviennent alors des alliés dans le but d’oublier la réalité du monde en créant une illusion mutuelle. Le seul inconvénient de cet évasion est le regard d’Inès qui les observe à l’étroit et qui ainsi les objective. Deuxièmement, les personnages de Huis Clos cherchent à éviter leur mauvaise foi en la supprimant. Le personnage qui fait preuve de plus de suppression est Estelle. D’abord, cette dernière hait Inès. Estelle tente de supprimer le jugement d’Inès (celle qui réussi à voir le mieux aux travers des mensonges des autres) afin de pouvoir former, avec succès, un couple avec Garcin. La haine est une émotion qui vise la suppression de l’autre. Cependant, c’est également qu’un symbole de la réalisation d’une défaite. Les deux tentatives de meurtre d’Estelle sur Inès représentent aussi une forme de suppression. Cette méthode est inefficace pour deux raisons. De un, Inès est déjà morte. De deux, même si Estelle réussissait avec succès d’éliminer Inès de cette manière, elle n’a fait que figer éternellement le jugement de la défunte contre la meurtrière dans sa conscience. Ensuite, Sartre critique la liberté de l’homme en critiquant ses choix quant à l’usage de sa liberté. L’écrivain, Huis Clos, dénonce ceux qui n’assument pas leur liberté et leur responsabilité. Premièrement, Sartre critique les choix d’usage de liberté de l’homme en mettant en évidence le regret des personnages de la pièce de théâtre. La circonstance des personnages dans l’enfer sartrien (dans la mort vivante) leur rend proie aux vivants. Le but de cette caractéristique de Huis Clos est d’empêcher aux personnages de changer leur passé. Ils ne peuvent que témoigner leur mauvaise foi au travers du jugement déformant des vivants sans rien y faire. Garcin se retrouve toujours exposé au jugement de ses pairs vivants qui soutiennent sa réputation de lâche sur Terre « Ils dodelinent de la tête en tirant sur leurs cigares; ils s’ennuient. Ils pensent: Garcin est un lâche. Mollement, faiblement. Histoire de penser tout de même à quelque chose. Garcin est un lâche! Voilà ce qu’ils ont décidé, eux mes copains. Dans six mois, ils diront: lâche comme Garcin. Vous avez de la chance vous deux; personne ne pense plus à vous sur la terre. Moi, j’ai la vie plus dure. » (p. 65) La critique envers les choix de l’homme libre se font également voir au travers d’une critique de celui qui refuse de s’engager. Garcin est condamné pour son incapacité d’assumer ses responsabilités, son refus de s’assumer. Sa fuite devant la guerre, sa “défaillance corporelle” devant le peloton d’exécution recoupent sa fuite devant la réalité et son recul devant l’enfer physique. Ses choix de fuir désigne chez lui une absence de liberté: il préfère se soumettre à la nécessité plutôt que d’assumer par la mort le choix de qu’il fit de ses idées. Finalement, dans Huis Clos, Sartre critique la liberté de l’homme en traitant de ses épreuves face à la liberté d’autrui. La liberté de l’autre commence où la notre s’arrête. Dans son œuvre, Sartre explore les différents impacts qu’ont le regard, et ainsi le jugement des autres sur la conscience de l’individu. Premièrement, Sartre démontre que l’homme possède une dépendance du regard d’autrui afin d’affirmer son existence. L’absence de miroirs dans la chambre aide d’abord à démontrer cette idée. Cette caractéristique de l’enfer sartrien force les condamnés à utiliser le regard de l’autre comme miroir, qui réfracte cependant une image déformée par le jugement. Le miroir, nous permettant d’être à la fois sujet-regardant et objet-regardé, nous apporte du réconfort dont nous avons besoin quand en particulier nous ne savons, comme les personnages de Huis Clos, où nous en sommes avec nous même. Estelle tentait de se créer une existence artificielle en multipliant la présence de miroirs dans sa chambre à coucher. « Quand je parlais, je m’arrangeais pour qu’il y en ait une où je puisse me regarder. Je parlais, je me voyais parler. Je me voyais comme les gens me voyaient. » (p. 44) Sans miroir, on compte sur des miroirs déformants aussi que les regards des autres, comme Estelle qui se penche sur le regard d’Inès pour se maquiller « Ça ne vous fait pas cet effet-là, à vous: quand je ne me vois pas, j’ai beau me tâter, je me demande si j’existe pour de vrai. » (p. 44) La dépendance du regard des autres est révélée lorsque la porte de la chambre s’ouvre en laissant ainsi une voie libre par laquelle les personnages peuvent s’évader. Malgré cette opportunité de s’échapper de l’enfer, ni Garcin, ni Estelle, ni Inès a le courage de franchir la porte de peur à perdre le sentiment de leur existence. Deuxièmement, Sartre démontre aussi la souffrance que peut causer les regards des autres malgré leur nécessité. D’abord, dans Huis Clos, Inès est la principale source de souffrance car c’est la plus clairvoyante des deux personnages. Elle rejette les alibis de Garcin et d’Estelle. « Pour qui jouez-vous la comédie? Nous sommes entre nous (...) Entre assassins. Nous sommes en enfer, ma petite, il n’y a jamais d’erreur et on ne damne jamais les gens pour rien. » (p. 40) Du coup, elle gagne rapidement la haine de Garcin, à qui elle reflète constamment sa nature lâche. « Tu uploads/Philosophie/ la-liberte-dans-huis-clos-de-jean-paul-sartre.pdf
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- Publié le Dec 15, 2021
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