h i s t o i r e FUSION N°88 - NOVEMBRE - DECEMBRE 2001 4 Nicolas de Cues : les

h i s t o i r e FUSION N°88 - NOVEMBRE - DECEMBRE 2001 4 Nicolas de Cues : les débuts de la science moderne Nicolas de Cues : les débuts de la science moderne 600e anniversaire de Nicolas de Cues 600e anniversaire de Nicolas de Cues FUSION N°88 - NOVEMBRE - DECEMBRE 2001 5 Ä O n sait peu de l’enfance de Nicolas de Cues. Né à Cues près de Trèves et fils d’un batelier dénommé Krebs, Nicolas va rapidement être confié au comte de Manderscheid afin que celui-ci s’occupe de son éducation. C’est dans cet esprit qu’il envoie le jeune Nicolas âgé de 12 ans à Deventer (Pays-Bas), vraisembla- blement chez les Frères de la vie commune, ordre fondé par Gerard Groote à la fin du XIVe siècle. Nous n’avons en effet pas de preuve for- melle de son inscription mais les écrits et le parcours du Cusain re- flètent l’influence de cet ordre. Ni- colas de Cues sera d’ailleurs invité à Deventer par les Frères de la vie commune, bien plus tard en 1450, auxquels il apportera aide et soutien, les considérant comme des alliés essentiels pour réussir les réformes de l’Eglise qu’il voulait entreprendre partout en Europe. Les Frères de la vie commune étaient d’excellents éducateurs (rappelons qu’Erasme sera éduqué par eux environ soixante ans plus tard) et constituaient l’un des plus importants réseaux de la pensée humaniste de l’époque. Inspiré par la pensée platonicienne, Groote écrivait dans sa Profession de foi : « Pour l’homme, la connaissance de toute connaissance est de savoir qu’il ne sait rien. » Ce principe so- cratique sera également le cœur de la philosophie du Cusain : la docte ignorance. A l’âge de 16 ans, Nicolas va étu- dier à la faculté de droit de Padoue. Là, il se lie avec les plus éminents représentants de la tradition de Dante, Pétrarque et Boccace, tous opposés à la scolastique dogmatique et engagés à faire revivre le meilleur de la pensée grecque classique. Pen- dant ses études, il fera connaissance avec le juriste et théologien Giuliano Cesarini (auquel il dédiera son De la docte ignorance), Ambrogio Traver- sari et Aenea Sylvius Piccolimini (le futur pape Pie II). C’est là aussi qu’il nouera une amitié profonde avec l’astronome et médecin florentin Paolo dal Pozzo Toscanelli. Celui-ci joua un rôle déterminant dans la découverte de l’Amérique. Il était Il y a six cents ans naissait Nicolas de Cues. Au- delà de ses contributions diplomatiques en faveur du bien commun et d’une politique œcuménique, on doit également au Cusain une révolution scientifique. Ses travaux sur la quadrature du cercle l’ont amené a considérer la géométrie euclidienne d’un point de vue totalement différent. Cette nouvelle approche inspirera aussi bien Léonard de Vinci que Johannes Kepler pour accomplir leurs grandes découvertes. Pourtant, aujourd’hui, cette figure essentielle de la Renaissance est presque inconnue du grand public et méconnue des milieux scientifiques et philosophiques. Il serait impossible, dans notre cadre restreint, de donner une analyse complète de sa méthode de la docte ignorance et de la coïncidence des opposés. Nous espérons simplement, à travers ces quelques textes, inciter nos lecteurs à découvrir les trésors que recèle l’œuvre du Cusain. PHILIPPE MESSER en effet convaincu que l’on pourrait atteindre la Chine et l’Inde par mer en partant vers l’ouest. En 1480, il envoya une lettre à Christophe Colomb à ce sujet, à laquelle était jointe une carte de navigation indi- quant la route à suivre pour mener à bien cette entreprise. Il est à noter aussi que l’une des premières cartes d’Europe centrale aurait été réalisée par Nicolas de Cues avec l’aide de Toscanelli. Docteur en droit dès 1423, il va d’abord à Rome puis retourne en Allemagne où il étudie la philosophie et la théologie à l’université de Co- logne. En 1426, il devient secrétaire du Légat pontifical Orsini et, en 1431, doyen de Saint-Florin à Coblence. C’est à ce titre qu’il rédige la Con- cordance catholique pour le concile de Bâle. Bien commun et œcuménisme Dans la Concordance catholique, Nicolas de Cues établit les bases d’une réforme de l’Eglise ainsi que du Saint empire romain. Son approche est totalement novatrice car il va défendre l’idée de la liberté et de l’égalité naturelles de tous les hommes. Autrement dit, il affirme les droits politiques de chaque individu : « Toute constitution s’en- racine dans le droit naturel et si elle y contredit, une constitution ne peut être valide. Dès lors, puisque le droit naturel est naturellement inhérent à la raison, toute loi, dans sa racine, est connaturelle à l’homme. [...] le pou- voir véritable et ordonné d’un seul, ayant par nature même pouvoir que les autres, ne peut être établi que par élection et consensus des autres, de même que la loi aussi s’établit par consensus [...]. » Pour le Cusain, la seule source lé- gitime du pouvoir est la défense du bien commun, lequel doit recevoir l’assentiment d’une majorité de la population. De plus, il condamne dans son ouvrage aussi bien le fait que l’Eglise s’occupe d’affaires tem- porelles que les efforts des monar- ques pour contrôler l’Eglise. Il prône donc la séparation des pouvoirs, en insistant toutefois que « chaque roi et empereur s’occupe des affaires pu- bliques pour le bien commun » et que h i s t o i r e FUSION N°88 - NOVEMBRE - DECEMBRE 2001 6 Æ ce bien commun peut être accompli qu’en s’inspirant des préceptes de justice présents dans la religion. C’est à partir de 1437, grâce à son ami Cesarini, que Nicolas de Cues assumera d’importantes fonctions auprès du pape. En août 1437, le pape Eugène IV envoie Nicolas de Cues en mission à Constantinople, afin d’aller chercher le patriarche d’Orient, l’empereur Jean Paléologue et les délégués de l’Eglise orthodoxe, et cela en vue d’établir l’unification des églises d’Orient et d’Occident. Début 1438, la délégation grecque rencontre les délégués latins d’abord à Ferrare puis à Florence. Certes, les réformes demandées par le Cusain ne sont pas entièrement adoptées. Toutefois, le concile de Florence en 1439 devient un lieu de débat intense entre le Grec Gemisthe Pléthon, l’ar- chevêque de Nicée Bessarion, Cesa- rini, le célèbre médecin italien Ugo Benzi, etc., sur la nécessité de reje- ter la philosophie aristotélicienne et l’importance d’amorcer une renaissance reposant sur les idées platoniciennes. L’un des auditeurs, Cosme de Médicis, sera enthousiaste au point de demander à Pléthon de traduire les œuvres complètes de Platon. C’est d’ailleurs lors de son retour de Grèce que le Cusain conçut sa philosophie de la coïncidence des opposés, renversant le principe de contradiction – deux énoncés con- tradictoires ne peuvent être simul- tanément vrais – dont Aristote avait fait le fondement de sa logique. En 1440, il écrit son ouvrage majeur De la docte ignorance qui sera une source d’inspiration pour des personnages comme Gior- dano Bruno, Léonard de Vinci ou Johannes Kepler. Il apparaît claire- ment que le mouvement humaniste de la Renaissance n’aurait jamais pu se développer avec cette force sans l’impulsion de Nicolas de Cues ainsi que du concile de Florence. Le Concordat des princes, né- gocié par Aeneas Sylvius et Nicolas de Cues, marquera la fin du Concile en 1448, avec la soumission générale à Nicolas V, le « pape humaniste » et successeur d’Eugène IV. La même année, Nicolas de Cues devient car- dinal et est considéré comme l’une des figures incontournables au sein de l’Eglise. En 1453, l’année de la prise de Constantinople par les Turcs, le Cusain écrit La paix de la foi, un dialogue entre plusieurs personnes de confessions différentes. Il affirme qu’« entre le petit nombre de per- sonnes brillant par leur expérience de toutes les diversités de ce genre observées dans les religions à travers le monde, on pourrait facilement trouver un certain accord, et grâce à cet accord, par un moyen approprié et conforme à la vérité, établir une paix perpétuelle en matière de religion ». Pour le Cusain, il ne s’agit pas de créer une nouvelle religion ou spiri- tualité mais de comprendre que dans la recherche de la vérité et de la sa- gesse, la multitude des peuples peut être intégrée dans une unité sans que quiconque perde son identité. Une révolution scientifique Comme nous venons de le voir très succinctement, Nicolas de Cues s’est toujours efforcé de trou- ver le dénominateur commun le plus élevé pour résoudre les crises aussi bien à l’intérieur de l’Eglise qu’en- tre les peuples. Mais si nous devons célébrer Nicolas de Cues, c’est aussi pour la révolution scientifique qu’il a opérée grâce à sa méthode scienti- fique de la coïncidence des opposés et de la docte ignorance. Cette révolution a débouché, selon Lyndon LaRouche, sur « tous les progrès accomplis dans la science mathématique moderne ». Quelle est la nature de cette découverte ? Il reprit en fait le problème de la quadrature du cercle, c’est-à-dire comment trouver un carré dont la surface est parfaitement égale à celle d’un cercle. Archimède utilisa, en 250 avant J.-C., la méthode uploads/Philosophie/ nicolas-de-cues-les-debuts-de-la-science-moderne.pdf

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