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www.courrierinternational.com Supplément au n° 978-979-980 du 1er au 19 août 2009 Avec un inédit de Woody Allen Madoff et moi Mourir de rire ! Un tour du monde de l’humour Ne peut être vendu séparément PUBLICITÉ édito, sommaire, sources édito “Rire et sourire” : c’était un sujet de dissertation philosophique sur lequel j’avais eu à plancher en terminale. Dans son corrigé, le prof avait longuement insisté sur la différence essentielle entre ces deux actions, arguant qu’on “rit de”, alors qu’on “sourit à”. C’était très contestable, bien sûr, puisqu’on peut rire à gorge déployée, voire aux éclats ou aux larmes. • Rire et sourire ne sont pas en opposition. Ce supplément a pour objet – pour prétention ? – de prêter à rire et à sourire et, qui sait, de donner à réfléchir. On y trouvera ainsi, en plus de portraits de comiques du monde entier et de réflexions sur la mécanique du rire, une fable de Woody Allen sur Bernard Madoff et les homards, ou une tendre évocation de Sempé et des poireaux, signée par Patrick Süskind. • Le rire est le propre de l’homme… mais sur- tout de la femme : les études sur le sujet montrent qu’elle rit plus volontiers, souvent aux blagues des hommes, d’ailleurs – et parfois par pure gentillesse. Heureuse- ment, la Britannique Shazia Mirza et quelques autres s’acharnent à prouver que le rire n’a ni sexe, ni religion, ni patrie. Odile Conseil sommaire p.4-5 Quinze muscles faciaux et quelques bruits involontaires europe p.6-7 Les tribulations du Parti du chien à deux queues. SHAZIA MIRZA Plus British que moi tu meurs. p.8-9 Mikhaïl Jvanetski, en apesanteur. Le Zaporogue est en vogue. Dix personnages en quête de blagues. Le comique et l’ambassadeur. p.10-11 Borat et Brüno, marteaux ! Toucher les gens, les bousculer aussi. p.12-14 L’art de la mystification. MICHELE SERRA Plaisir pour tous, c’est écrit dans la loi ! Sempé, avec délice et poireaux amériques p. 15-19 Obama, ce mauvais sujet. Rocco fait son show seul. Deux impertinentes créatures. WOODY ALLEN Homard m’a tuer. Mascarade en temps de grippe. Guignols sans limites asie p. 20-23 Se moquer de tout, pas de tous. HAN HAN Parfaitement sous contrôle. Sur la plus grande scène du monde. Il a le gag pédago. Un boute-en-train de la politique. En manque de films comiques et de satire politique afrique/moyen-orient p. 24-26 La Shoah ? Même pas drôle. L’insulte pour rire intelligences p. 27-30 Et celle du chien, tu la connais ? Le jour où les ordinateurs se fendront la poire. Prêter à sourire et donner à penser. Humour et développement vont dans le même sens ours Coordination éditoriale : Odile Conseil et Bernard Kapp. Direction artistique : Sophie-Anne Delhomme et Gilles de Obaldia. Rédaction en chef technique : Nathalie Pingaud. Iconographie : Marion Grognier. Maquette : Josiane Petricca. Et l’ensemble de la rédaction de Courrier international, notamment l’équipe de la traduction (sous l’autorité bienveillante de Raymond Clarinard) et celle de la révision (sous la houlette souriante d’Elisabeth Berthou). Photo de couverture : Ouka Leele. Remerciements à Alicia Souza pour avoir gracieusement mis à notre disposition sa typographie (http://www.aliciasouza.com) z 5 U 1 ; 7 . A P D r : u 3 THE GUARDIAN Londres T el passage d’une fugue de Bach peut vous donner la chair de poule, telle strophe de Y eats vous faire légèrement frissonner ou faire se hérisser les poils de votre nuque en signe d’appréciation… Mais il est une expérience esthétique dont la manifesta- tion extérieure est flagrante, puisqu’elle entraîne la contraction de quinze muscles faciaux et une succession de spasmes res- piratoires. L’expérience aurait des effets bénéfiques pour la santé, comme l’oxy- génation du sang, une réduction des hormones du stress et un renforcement du système immunitaire. Si elle est trop intense, toutefois, l’expérience en ques- tion peut provoquer une cataplexie, un collapsus musculaire, voire de véritables lésions. On cite même des cas, rares, d’issues plus graves : Anthony Trollope fut victime d’une attaque durant une expérience de ce type, à la lecture d’un roman victorien, aujourd’hui oublié, Vice V ersa. Et Zeuxis, peintre grec de l’Antiquité, réagissant au portrait d’une sorcière qu’il venait de terminer, en serait mort. Je parle du rire, bien sûr. Le rire, notre réaction caractéristique à ce qui est drôle. Pourquoi une situation amu- sante suscite-t-elle une telle réaction ? Comment un certain type d’activité cérébrale peut-il aboutir à un réflexe comportemental aussi particulier ? On peut rire sans humour ; les cha- touilles, la gêne, le protoxyde d’azote et l’exultation de la revanche sont répu- tés provoquer le phénomène. Mais l’hu- mour sans rire n’existe pas. C’est du moins ce que pensent les philosophes contemporains. “La propension de l’état d’amusement à se manifester par le rire est, peut-on avancer, la com- posante essentielle de son identité”, lit-on à la rubrique “Humour” de L’Encyclopédie de philosophie Rout- ledge. Le rire est un phé nomène phy- sique. Pour le produire, il faut un corps. Mais la simple possession d’un corps ne garantit pas que l’on rie régulièrement. Isaac Newton n’aurait ri qu’une seule fois dans sa vie, le jour où quelqu’un lui demanda son point de vue sur l’utilité des Eléments d’Eu- clide. Joseph Staline semble lui aussi avoir été un tantinet agélaste (du grec “a-”, préfixe privatif, et “gelos”, “rire”). “Rares sont ceux qui ont vu rire Staline”, nous apprend le maréchal Joukov dans ses mémoires. “Quand c’était le cas, cela ressemblait davantage à un gloussement, comme s’il riait pour lui-même. ” Parmi les autres agélastes célèbres, citons Jonathan Swift, William Gladstone et Margaret Thatcher. Comme l’amour, son unique rival en tant que source de plaisir de l’humanité, le rire jette un pont entre la sphère du mental et celle du physique, comme l’a observé l’incomparable Max Beerbohm dans son essai, Le Rire, daté de 1920. Mais, soulignait Beerbohm, si l’amour vient du physique et trouve sa culmina- tion dans le mental, le rire fonctionne dans l’autre sens. On peut également éta- blir un parallèle avec le sexe. A en croire le marquis de Sade, le but du rapport sexuel est d’arracher à son partenaire des bruits involontaires, ce qui est exactement l’objectif de l’humour, même si le bruit en question est quelque peu différent. Dans la tradition philosophique, aucune étude exhaustive de l’humour et du rire ne saurait se mesurer à celle de Sigmund Freud, Le Mot d’esprit et ses rapports avec l’incons- cient. L’intérêt du père de la psychana- lyse pour l’humour n’était pas unique- ment philosophique. Les plaisanteries, en particulier, l’attiraient du fait de leurs nombreux points communs avec les rêves. Dans les unes comme dans les autres, remarque-t-il, le sens fait l’objet de condensations et de déplacements, les choses sont représentées indirectement voire par leur contraire, la logique est prise en défaut par des raisonnements falla- cieux. De ces similitudes, il déduit que les plaisanteries et les rêves trouvent leur origine commune dans l’inconscient. Tous deux sont des moyens de contour- ner notre censure intérieure. Il existe pourtant une différence clé : les blagues sont conçues pour être comprises, leur succès en dépend, alors que le sens d’un rêve échappe au rêveur lui-même. Freud était un collectionneur de blagues, en particulier les blagues juives, et son livre en contient 138, d’après mes calculs, dont quelques-unes excellentes : “Un roi parcourt ses terres. Dans la foule, il remarque un homme qui ressemble éton- namment à sa propre et auguste personne. Il lui fait signe d’approcher et lui demande : ‘Votre mère a-t-elle un temps servi au palais ?’ ‘Non, Votre Grandeur’, répond l’autre, ‘mais mon père, oui’.” Combien de genres de blagues recense-t-on ? Il y a les classiques : “Qui était cette dame que j’ai vue avec vous hier soir ?”“Ce n’était pas une dame, c’était ma femme. ” Les bons mots politiques, comme la définition du libéralisme par Ronald Reagan : “Si ça bouge, taxez-le. Si ça conti- nue de bouger, réglementez-le. Si ça ne bouge plus, subventionnez-le. ” La guerre en Irak a inauguré une toute nouvelle catégorie de boutades sur les néoconservateurs (les “néocons”) : “Combien faut-il de néo- cons pour changer une ampoule ? Aucun, le président Bush a annoncé que dans trois mois l’ampoule sera en mesure de se changer toute seule. ” Il y a les astuces inoffensives, celles que l’on peut raconter dans n’im- porte quel salon : “Que dit un escargot quand il voyage sur le dos d’une tortue ?” “W aooh ! ça décoiffe !” Et il y a les blagues cochonnes, comme celle sur Bill Clinton : “Il a tellement maigri que maintenant, il peut voir sa stagiaire. ” Quinze muscles faciaux et Pourquoi un athée est-il à plaindre? Parce qu’il n’a personne à qui parler pendant qu’on lui taille une pipe. (The Guardian, Londres) Bob participe à une Piñata Colada, ce nouveau jeu délirant, à l’heure de l’apéritif. Dessins de Buddy Hickerson, Etats-Unis, LAT Oups ! Vous vous êtes planté sur ce coup, Doc. C’est un CŒUR artificiel qu’on devait greffer à ce gars. uploads/Philosophie/ sup-mag978-979-980.pdf
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- Publié le Mar 15, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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