La Philosophie de Kant Biographie et œuvres précritiques I. Introduction Parmi
La Philosophie de Kant Biographie et œuvres précritiques I. Introduction Parmi les auteurs allemands que l'on vient de citer, plusieurs sont contemporains de Kant. Quelques-uns l'ont connu ou ont correspondu avec lui. Kant les a lus. Tantôt il a rejeté leurs conclusions, tantôt il a intégré certaines d'entre elles dans ses propres écrits. Il a voulu, en effet, dresser un bilan complet de la connaissance humaine de son temps. Ce bilan est d'abord destiné à l'enseignement. Kant a été un professeur merveilleux qui a suscité maintes vocations. Mais il veut surtout fournir des directions à tous ceux qui exercent leur esprit, artistes, techniciens, théologiens, politiques et leur éviter les illusions, les erreurs qui pourraient les paralyser ou rendre leur action malfaisante. En ce sens le kantisme est une encyclopédie, non seulement parce que le philosophe enseignant est tenu par des programmes ambitieux, mais parce qu'il veut, pour lui-même, régler l'usage des facultés de l'esprit. Il faut réellement apprécier, juger, mettre à sa place chacune de nos facultés. Tâche irréalisable, si le philosophe ne connaît pas à la fois le mécanisme de l'esprit et l'ensemble des principales sciences. La tâche que s'est proposée Kant ne diffère pas, dans son essence, de celle qu'avaient assumée les grands penseurs de l'Antiquité, du Moyen Âge et après eux Bacon, Descartes, Leibniz, Newton, Wolff. Cette tâche concerne toutes les formes d'activité de la pensée humaine. Fils d'un temps marqué par de grands bouleversements politiques, religieux et sociaux, Kant met au centre de ses préoccupations le problème de l'action. Il veut assurer, dans les meilleures conditions, la prise de l'intelligence sur les hommes et sur les choses. Au cours d'une enquête qui dure pendant plus de cinquante ans, son but, sa méthode n'ont guère changé. Toutefois, l'ensemble de ses idées s'est modifié peu à peu, à mesure qu'il découvrait de nouveaux aspects du réel appréhendés par l'esprit. Mais le germe de ses dernières spéculations est déjà indiqué dans ses travaux de jeunesse et Kant est resté fidèle à lui- même, au cours d'une évolution ininterrompue. Hautement conscient de son originalité, il a toujours exprimé franchement sa pensée, sans dissimuler ce qu'il devait à ses contemporains et à ses devanciers, même quand il s'est séparé d'eux. Une recherche extrême de la rigueur logique a souvent compliqué sa doctrine à l'excès et affaibli dans une certaine mesure la portée de ses conclusions. Mais il n'est pas un penseur actuel qui ne lui doive, même s'il interprète imparfaitement la doctrine de ce maître difficile. II. Biographie de Kant (1724-1804) 1. La jeunesse (1724-1755) Emmanuel Kant est né le 22 avril 1724 à Königsberg en Prusse orientale, sur les tristes bords de la Pregel, tout près du Frisches-Haff. La ville (aujourd'hui Kaliningrad) était petite et ses rues mal pavées, bordées de vieilles maisons pittoresques, descendaient en étoile irrégulière autour de l'ancienne église. Kant y a passé presque toute sa vie ; il y est mort en 1804, à un peu moins de quatre-vingt ans. Le père du philosophe, Johann Georg Kant – Kand ou Cand – (1683-1746), tenait à Königsberg une petite boutique de sellier-bourrelier, fréquentée surtout par les officiers de la garnison prussienne ou russe. Il était, disait-on, d'origine écossaise, et Kant lui-même s'est fait dans sa vieillesse l'écho de cette tradition. En tout cas, la famille était depuis longtemps établie en Prusse. Elle était luthérienne évangélique et non pas anglicane ou calviniste, comme la plupart de celles qui avaient émigré récemment des Îles britanniques. Le grand- père de Kant était déjà sellier à Königsberg et citoyen prussien, et l'on a retrouvé à Memel (aujourd'hui Klaipeda) les actes de baptême de ses enfants. Georg Kant avait épousé une Allemande authentique, Anna Regina Reuter, née en 1697. Elle semble avoir été plus fine et plus cultivée que son mari, et elle a exercé une grande influence sur ses enfants. Six d'entre eux – des filles – sont morts en bas âge. Deux autres filles ont survécu, et la plus jeune est morte après le philosophe. Kant a eu un frère cadet, Johann Heinrich (1736-1800), qui est devenu pasteur à Alt-Rehden en Courlande. Regina Kant est mort en 1737, peu après la naissance de ce deuxième fils. Les Kant appartenaient à la plus sévère des sectes luthériennes, la secte piétiste. La mère du philosophe avait été l'auditrice fervente du pasteur piétiste Albert Schultz (1692-1763), qui venait de Halle, centre de diffusion du piétisme. Détachés de tout culte extérieur, avec un rituel réduit au minimum, les piétistes, entre toutes les embûches de Satan, redoutaient la sensiblerie (Schärmerei) et la superstition (Aberglaube). Le niveau intellectuel de la famille paraît avoir dépassé celui des artisans. Albert Schultz, membre du Consistoire, puis professeur de théologie à l'Université, était en même temps directeur du Collegium Fridericianum, établissement d'enseignement secondaire créé par Frédéric II pour la formation des futurs serviteurs de la Couronne. Spécialiste des oraisons funèbres pour les notables de Königsberg, Schultz, lié avec les parents de Kant et très influent, fit admettre au Collège Royal, à l'automne 1732, le jeune Emmanuel, âgé de moins de huit ans. Kant y est resté huit années avant d'être immatriculé, en septembre 1740, à l'Université de Königsberg. Il a été un écolier parfait, vif, docile, studieux, méthodique. Il a appris à fond le latin sous un maître excellent, Heydenreich. Puis il a étudié à l'Université les mathématiques, la physique et la théologie. Ses parents et ses maîtres ne voulaient pas en faire un pasteur, mais lui permettre de quitter l'artisanat et de choisir une carrière libérale, comme l'enseignement ou la bureaucratie. L'Université, vieille de moins de deux siècles, était misérablement installée derrière la cathédrale, au bord de la Pregel. Elle ressemblait à une « école de village ». Elle comptait sept chaires, dont les titulaires étaient tous chargés de plusieurs enseignements. Le professeur de mathématiques, de physique et de philosophie, Martin Knutzen (1713-1751), paraît avoir eu quelque influence sur Kant. Kant lui doit non seulement son initiation à la pensée de Wolff, mais encore sa connaissance des mathématiques et de la science newtonienne. Il est d'ailleurs d'accord avec Schultz pour concilier le rationalisme wolffien avec le piétisme, malgré les difficultés que Wolff avait eu à souffrir des piétistes à Halle vers 1723. Knutzen s'est intéressé à son élève, lui a ouvert sa bibliothèque personnelle, assez riche. Nous ne savons presque rien de la vie d'étudiant de Kant sinon qu'il s'est lié avec un de ses condisciples, Marcus Herz, qui devait rester son ami le plus intime. Il a été un travailleur zélé, d'esprit universellement curieux, grand lecteur de livres de toutes sortes, tenant journal de ses études et de ses réflexions. Kant a quitté l'Université à la fin de 1746, quelques mois après la mort de son père. Il avait présenté à la fin du semestre d'été un travail de doctorat sur la Véritable loi de la conservation des forces vives. Sans être dans le dénuement, les Kant vivaient pauvrement. Kant, comme beaucoup de ses collègues, a dû pour gagner sa vie se faire précepteur en attendant un poste de Dozent à l'Université. Nous connaissons trois de ces préceptorats, les deux premiers, dans de petits domaines de la campagne prussienne, à Jüdschen près de Gumbinnen, chez un pasteur, puis chez un grand propriétaire du voisinage de Mohrungen, von Hülsen. Là, Kant s'est initié aux bonnes manières et Mme von Hülsen, qui dessinait bien, a fait le portrait du jeune précepteur de ses enfants. En dernier lieu, Kant a trouvé une place chez le comte Kayserling, qui partageait son temps entre sa terre de Rautenburg et sa maison de Königsberg. Kant a pu rencontrer chez les Kayserling l'élite de la « société » de Prusse orientale. Il a préparé chez eux les thèses d'habilitation qu'il a soutenues à Königsberg les 17 avril et 27 septembre 1755. La cérémonie d'habilitation a eu lieu au début du semestre d'hiver 1755-1756. 2. L'enseignement à Königsberg (1755-1794) Kant a enseigné pendant quarante ans à l'Université de Königsberg. Il n'a interrompu ses leçons qu'à soixante-treize ans, en 1797, quand ses forces l'ont décidément trahi. Il a professé ainsi 277 cours semestriels : logique (54 cours, 1755-1796), métaphysique (49 cours, 1751-1796), géographie physique (46 cours, 1756-1796), physique (46 cours, 1756- 1796), morale (28 cours, les derniers en 1788-1789), anthropologie (24 cours, 1772-1796), mathématiques (16 cours, 1755-1763), encyclopédie philosophique (16 cours, 1767-1787). En tout, une moyenne de sept cours par an, soit 26 à 28 heures par semaine. Conformément à l'usage, il ne choisit lui-même ni la matière, ni l'ordre de ses leçons. L'autorité prussienne et, de 1756 à 1763, l'autorité russe occupante, imposent les manuels et désignent les professeurs chargés de les commenter. Enseigner (vorlesen), c'est, en effet, paraphraser le manuel en usage. De 1766 à 1772, pendant six ans, Kant a cumulé avec son enseignement la charge de sous-bibliothécaire au château royal, aux appointements annuels de 62 thalers. Les cours de Kant ont connu un succès rapide et durable. Certains d'entre eux étaient « privés », faits devant un auditoire payant. L'enseignement de la géographie uploads/Philosophie/ la-philosophie-de-kant.pdf
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- Publié le Jul 15, 2021
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